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Billet de blog 16 décembre 2022

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DON D’ORGANES : UN SUJET À CONTROVERSE

Le don d’organes consiste en un prélèvement de structures biologiques et de tissus cellulaires d’un corps humain, qui assurent des fonctions physiologiques spécifiques. Les conditions et les normes à respecter varient toutefois d’un environnement à l’autre.

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Un grand nombre de structures biologiques (cœur, poumon, foie, rein, pancréas…) et de tissus cellulaires (cornée de l’œil, os, valve cardiaque, peau, moelle...) peuvent faire l’objet d’un don. La plupart des greffes sont réalisées à partir d'organes prélevés à la suite de décès, à l’exception du rein ou de lobes du foie qui font appel à des donneurs vivants.

Prélèvement d'organes 

Contrairement aux cas de criminalité, où les enlèvements d’individus sont suivis de mortelles ablations suscitées par l’appât du gain, le prélèvement d’organes est généralement clinico-chirurgical. Il est réalisable aussi bien sur un donneur vivant ou en état de bien-être sanitaire que sur un donneur décédé ou en état de mort encéphalique. Le greffon aux cellules souches saines, initialement soustrait du corps du donneur, est ensuite transplanté dans le corps du tiers receveur, nonobstant la prédominance de leurs différences génétiques.

Sur la base de règles et d’usages préétablis, l’objectif visé est précisément de remplacer l’organe vital du patient qui s'avère désespérément déficient. Les préoccupations élémentaires s’articulent autour de la transmissibilité parasitaire d’agents pathogènes et de la compatibilité tissulaire d’antigènes leucocytaires humains. Plus est élevé le nombre d’antigènes leucocytaires communs au donneur et au receveur, meilleur sera le pronostic d’intégration du greffon par rapport à un éventuel échec.

Arguments significatifs contre le don d'organes

L’un des arguments significatifs contre le don d’organes est celui du doute d’un consentement éclairé de donneurs dépourvus d’une information avisée. Certains donneurs vivants accepteraient ainsi difficilement leur situation postopératoire, en raison notamment de cicatrices corporelles ou de souffrances morales (regret, dépression).

Par rapport aux défunts, il subsiste une fraction de la société qui estime contraire à « l’éthique de la vie » le don d’organes, favorisé, semble-t-il, par une sorte de « lubie médico-scientifique ». Ainsi, selon ce « front du refus », même mort, l’individu serait mystérieusement en mesure de rester vivant : il conserverait alors, dans l’outre-tombe, le souvenir d’une intégrité corporelle inviolable, où son âme survit allègrement et tient farouchement au respect scrupuleux de ses organes intouchables.

Arguments majeurs en faveur du don d'organes

En revanche, l’un des arguments majeurs en faveur du don d’organes est celui de sauver des vies humaines ou d’en améliorer la qualité. Ce faisant, le don par des êtres vivants permet de programmer sereinement le prélèvement. Par surcroît, le risque de rejet est moindre lors du don d’un parent consanguin. Quant aux donneurs décédés, si la dépouille héberge encore des organes en état de fonctionner, l’esprit qui l’a habitée, peut-il véritablement empêcher de les extraire avant leur inévitable dégradation et de les transférer à un malade condamné à mourir faute de greffe ?

Les arguments opposés, présentés supra, reflètent des points de vue concrètement inconciliables et démontrent à l’envi que le don de structures biologiques et de tissus cellulaires est manifestement demeuré un sujet à controverse. Qu’en est-il de la lecture religieuse et des prises de position hiérarchiques des principales églises monothéistes séculaires ?

Lecture religieuse

À diverses reprises, depuis plusieurs années, l’Épiscopat catholique est intervenu pour inviter les fidèles à un « don de soi pour l’autre ». Le Conseil international de jurisprudence, affilié à l’Organisation de la conférence islamique, indique qu’il est admis de « prélever un organe d’un mort pour le greffer dans le corps d’une personne vivante si sa survie en dépend ». Dans la même veine, le judaïsme autorise de telles opérations lorsqu’il s’agit de « sauvegarder une personne au nom de la valeur suprême de la vie, finalité de tous les commandements ».

Au-delà de ces prises de position proches des religions monothéistes, le don d’organes à la patientèle se distingue du don de corps à la science, dont le souci est plutôt d’enrichir les connaissances médicales. Il n’est cependant pas exclu que le donneur d’un organe à un tiers malade puisse aussi offrir son corps à la science. Dans les deux cas, le don est censé être un acte de générosité individuelle et de solidarité humaine, qui est par définition gratuit et en principe inaliénable. Et cela d’autant plus que son objet n’est pas juridiquement considéré comme un bien patrimonial.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne

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