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Billet de blog 18 octobre 2021

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COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS : LE TOURNANT DÉCISIF DU TOURNOI

La prochaine Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) aura bien lieu au Cameroun, pour la deuxième fois, du 9 janvier 2022 au 6 février 2022, cinquante ans après l’édition de 1972. Au gré de multiples supputations et tintamarres autour de l’achèvement des stades, des lueurs d’éclaircie bleutée paraissent poindre aux quatre coins de l’horizon précédemment brumeux du pays hôte.

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Nonobstant, des rumeurs persistantes circulent sur le financement incertain d'infrastructures routières et annexes, dans un contexte où d’énormes efforts ont pourtant été déployés pour relever le défi organisationnel de la compétition, presque trois ans après la date initialement agendée. Selon le quotidien Mutations, d'acrimonie plutôt querelleuse à l’égard du pouvoir de Yaoundé, la CAN 2021 « aura été un gouffre financier pour le pays et aura fait saigner le contribuable, le tout dans une grande opacité » (1). Dans l'hypothèse pessimiste où de pareilles rumeurs se révèleraient fondées, ce serait comme pisser dans un tamtam pour tomber de Charybde en Scylla. En tout cas, à la faveur des récentes inspections de la CAF, les stades semblent désormais prêts pour le tournant décisif du tournoi.

Couverture des dépenses

Dans le cadre du financement de cette compétition, la couverture des dépenses est en principe assurée par le budget général de l’État, qui s’élève à 4 670 milliards de FCFA en 2021. Les investissements liés à la CAN, notamment la construction d’installations, devraient s’établir à 1 352 milliards de FCFA (2). Le choix des modes idoines de financement repose sur la mise en parallèle des variantes à l'aune fine de la situation financière et du potentiel économique du pays. Comme la trésorerie publique paraît désavantageusement impactée par les conflits armés dans les deux régions anglophones et dans l’Extrême-Nord du pays, le ministère des finances a été autorisé à recourir aux institutions financières internationales et aux marchés des capitaux pour financer la prestigieuse fête africaine du football.

« Qui paie tout ça ? », s’interrogent des polémistes ardents qui n'en connaissent pas un rayon. Pour assurer l'essentiel des emplois de fonds envisagés, les recettes sont principalement constituées des prélèvements fiscaux et de l’exportation des matières premières. Ces ressources décaissables ont sans doute été complétées par des emprunts et planifiées sur moult exercices, dès l'annonce par la CAF des joutes footballistiques longuement attendues. À tort ou à raison, l’État et ses partenaires ont ainsi dû imposer à des générations de Camerounais la répartition dans le temps des dépenses préalables d’investissement, de préparation du tournoi et d’exploitation des infrastructures sportives. Ne décide-t-on pas judicieusement que par comparaison rigoureuse des probables conséquences favorables et/ou défavorables de tout projet aux caractéristiques multiples ? 

Conditions responsabilisantes

De manière générale, le budget d’une organisation n’est rien d’autre qu’un ensemble d’objectifs et de moyens périodiques (ressources, emplois), exprimés en valeurs monétaires et destinés à la réalisation d’un programme d’activités prédéfinies. La mise en œuvre effective de ce programme nécessite des capitaux souvent inscrits dans un plan pluriannuel, qui ne sauraient être apportés gracieusement par quelque fortune altruiste ou philanthropique. En l’occurrence, ce sont les Camerounais qui, autant que faire se peut, devront passer inévitablement à la caisse de manière étalée ou échelonnée.

Dans de telles conditions responsabilisantes, amplifiées par la Covid-19, il y a lieu d'éviter, les doigts dans le nez, dans ce Triangle des tumultes qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, la boîte de Pandore que représenterait un alourdissement incontrôlable des facturations et des délais finaux par des prévarications dans tous les azimuts. En effet, après le retrait de l’organisation de l’édition 2019 au Cameroun par la CAF (au profit de l’Égypte), en considération de défaillances observées dans les travaux terminaux, l’échec fut perçu comme une humiliation et un décri pour le pays. Avec la CAN 2021, les Lions indomptables convoitent leur sixième trophée continental, devant un public sensible aux soupçons de gâchis qui risqueraient de peser sur les prochaines échéances électorales. Aussi importe-t-il de ne pas retourner le fer dans la plaie. Et que le meilleur gagne !

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste 
Lausanne

(1) Pittet L. « Le Cameroun est-il prêt pour la Coupe d’Afrique des nations ? », Le Temps, 16/08/2021.
(2) Motaze LP et al. Loi des finances 2021. Rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation, Express Services & Print, 2020.

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