Nonobstant, d'autres rumeurs persistantes circulent sur le financement incertain d'infrastructures routières et annexes, dans un contexte où d’énormes efforts ont pourtant été déployés pour relever le défi organisationnel du tournoi, presque trois ans après la date initialement prévue. Dans l'hypothèse pessimiste où de telles rumeurs se révèleraient fondées, ce serait comme pisser dans un tamtam pour tomber de Charybde en Scylla !
Couverture des dépenses
Selon le quotidien Mutations, plutôt d'humeur querelleuse et sévère à l’égard du régime de Yaoundé, la CAN 2021 « aura été un gouffre financier pour le pays et aura fait saigner le contribuable, le tout dans une grande opacité ». En tout cas, à la faveur des récentes visites de la Confédération africaine de football (CAF), les stades répartis dans plusieurs régions territoriales semblent aujourd’hui prêts pour l’ouverture de la compétition.
Dans le cadre du financement d’une telle compétition, la couverture des dépenses est en principe assurée, soit par des avoirs non exigibles, soit par des dettes contractées auprès de tiers, soit encore par une combinaison appropriée de ces deux modes de financement. Le choix de l'une ou l'autre option repose sur la mise en parallèle des variantes à l'aune fine de la situation financière et du potentiel économique en présence.
Comme le Cameroun semble désormais vivre à la petite semaine, en raison notamment de l’impact défavorable sur la trésorerie publique des conflits armés dans les deux régions anglophones et dans l'Extrême-Nord du pays, le ministère des finances a été autorisé à recourir à des emprunts additionnels, y compris pour pouvoir supporter raisonnablement certains « coûts ordinaires de fonctionnement » de la prestigieuse fête africaine du football.
« Qui paie tout ça ? », s’interrogent des polémistes qui n'en connaissent pas un rayon. Pour assurer l'essentiel des emplois de fonds prévus, les recettes sont principalement constituées des prélèvements de la fiscalité routinière et de l’exportation des matières premières. Ces ressources décaissables ont sans doute été planifiées et étalées sur des dizaines d’exercices, dès la mi-année des joutes footballistiques dûment annoncées.
Conditions exigeantes et responsabilisantes
À tort ou à raison, l’État et ses partenaires ont ainsi dû imposer à plusieurs générations de Camerounais la répartition à long terme des dépenses préalables d’investissement, de préparation du tournoi et d’exploitation des infrastructures sportives, à la lumière des inconvénients et des avantages attendus dans un horizon temporel durable. Ne décide-t-on pas judicieusement que par comparaison rigoureuse des effets probables de tout projet ?
De manière générale, le budget d’une organisation n’est rien d’autre qu’un ensemble d’objectifs et de moyens périodiques (ressources, emplois), exprimés en valeurs monétaires et destinés à la réalisation d’un programme d’activités prédéfinies. La mise en œuvre effective de ce programme nécessite des capitaux rares, souvent inscrits dans un plan pluriannuel, qui ne sauraient être apportés gracieusement par quelque fortune altruiste, donatrice ou philanthropique. En l’occurrence, ce sont les Camerounais qui, autant que faire se peut, devront passer à la caisse !
Dans de telles conditions exigeantes et responsabilisantes, il y a lieu d'éviter, les doigts dans le nez, de connaître mouches en lait et de redouter, dans ce Triangle des tumultes qui a déjà fait couler beaucoup d'encre diversement colorée, la boîte de Pandore que représenterait un alourdissement incontrôlé et irraisonné de la facture terminale par des détournements massifs de fonds et des prévarications élitaires dans tous les azimuts obscurs.
En effet, avec la CAN 2021, le pays hôte vise son sixième trophée continental, devant un public sensible aux soupçons des déprédations commises dans l’administration des budgets successifs et des marchés sélectifs. Sachant que la défaite des Lions indomptables finirait par retourner le fer dans la plaie, seule la victoire espérée serait censée calmer la fureur populaire contre les auteurs présumés de ces indignes malversations !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne