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Billet de blog 19 février 2022

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QUEL AVENIR POUR LES RELATIONS RUSSO-UKRAINIENNES ?

Les bruits de botte tintamarresques à la frontière entre la Russie et l’Ukraine constituent des signes funestes d’un possible embrasement militaire et des indices manifestes d’un plausible déséquilibre géopolitique en Europe orientale. Le traité de Minsk de février 2015 étant devenu caduc, que reste-t-il comme plateforme de négociation envisageable pour prévenir des tragédies irréversibles ?

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Les troupes antagonistes se trouvent actuellement en alerte dans la perspective d’une guerre potentielle, dont nul ne saurait estimer aujourd’hui l’ampleur des ravages directs et collatéraux. Dans ces sombres conditions, les parties prenantes ne gagneraient-elles pas la bataille de la paix en s'efforçant de privilégier les armes de la conciliation au détriment des armes de la confrontation ?

Options de « la finlandisation » et de « l'helvétisation »

A priori, la résolution du conflit consisterait à réfléchir sur les options de « la finlandisation » et de « l’helvétisation » de la république d'Ukraine, dont l’immense territoire intégralement européen, en première position par sa superficie dans l'espace continental, serait unanimement et internationalement reconnu.

Cette ancienne république soviétique peut-elle cependant se résoudre à devenir un pays non belligérant comme la république de Finlande ou une confédération neutre à l’instar de l’Helvétie ? Les deux options compatibles ne sont pas exemptes de différences réelles, bien qu’elles soient toutes susceptibles de donner matière à saine réflexion en vue du règlement pacifique de la crise actuelle. 

Un pays non belligérant s’astreint conventionnellement à ne pas intervenir dans un conflit militaire spécifique, sans préjudices notables pour ses intérêts multiformes; tandis qu’un pays neutre s’oblige constitutionnellement à ne soutenir aucune des parties dans une guerre éventuelle, en préservant ses affinités estimables.

Parlons d’abord de la « finlandisation ». Après avoir perdu deux guerres contre l’Union soviétique dans les années 1940 et avoir été dépouillée d’une partie de la Carélie, la Finlande s’est engagée à rester en dehors de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Ce n’est qu’à la chute de l’URSS, en 1991, que cette ancienne colonie russe a pu adhérer, en 1995, à l’Union européenne (UE) et s’accommoder de loin à l’existence d’alliances militaires.

Quant à « l’helvétisation », la Suisse est établie depuis 1291 comme confédération et bénéficie d'une longue tradition de neutralité. Elle n’est ni membre de l’UE ni membre de l’OTAN. En outre, formée de 26 entités étatiques sur 41'285 km2 et dépourvue d'unicité ethnique, elle s’emploie à assurer un équilibre plutôt délicat, non seulement entre ses multiples partenaires diplomatiques, mais également entre ses quatre régions linguistiques aux sympathies distantes.

Solution intermédiaire 

Les protagonistes de l’ébullition russo-ukrainienne seraient-ils alors disposés à adopter l’une ou l’autre des deux variantes précitées dans la recherche d’une paix honorable et durable ? Dans la situation belliciste du moment, il y a lieu d’en douter pour deux raisons principales, parmi d’autres considérations historiques et politiques. 

La première raison tient au nationalisme nébuleux, qui a notamment poussé les autorités ukrainiennes à bannir hâtivement des écoles la langue russe parlée par une forte proportion de sa population résidente. Ces autorités imprudentes espéraient-elles une aventure à la gomme, dans un contexte de relations tendues avec la deuxième puissance militaire du monde, au demeurant membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies où sont traités les dossiers aigus de politique internationale ?

La seconde raison principale est liée au voisinage de l’Ukraine avec une Russie en quête éperdue de suprématie sur d’anciennes républiques socialistes de l’Union soviétique. Nonobstant l’autoritarisme souvent reproché à Vladimir Vladimirovitch Poutine, quel leader nostalgique du pays transcontinental de Vladimir Ilitch Oulianov (Lénine) et de Iossif Vissarionovitch Djougachvili (Staline) accepterait-il la présence d’un pays membre de l’OTAN à proximité immédiate de son périmètre à propension hégémonique ?

Aussi conviendrait-il de négocier une formule intermédiaire entre la « finlandisation » et « l’helvétisation » de l’Ukraine. Pour y parvenir, le plus vaste État de la planète devrait d’abord s’abstenir de soutenir les régions séparatistes et mettre fin à l’annexion de la Crimée qui dure depuis 2014. En contrepartie, l’Ukraine aurait à renoncer à ses velléités d’adhésion à l’OTAN et à l’UE, organisations qui se révèlent jusqu’ici peu hardies à la participation solidaire au bras de fer militaire avec la redoutable « patrie des tsars ».

Facile en apparence, cette solution intermédiaire est concrètement difficile à appliquer dans un contexte de fiertés nationales exacerbées. Dès lors, il incombe aux pourparlers en cours de poser les jalons d’un solide accord qui tendrait à combler les animosités, à manifester les analogies, à effacer les aigreurs, en affaiblissant l’acuité des caractères antagonistes qui servent de références inquiétantes à l’adversité exaspérée des protagonistes !

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste 
Lausanne 

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