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Billet de blog 19 octobre 2025

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PRÉSIDENTIELLE AU CAMEROUN : LE DÉFI DE LA RÉSILIENCE DÉMOCRATIQUE

Comme à chaque présidentielle au Cameroun depuis le retour du multipartisme en 1990, des recours sont déposés auprès des juridictions chargées du contentieux électoral. Ce fut le cas de la Cour suprême, avant la mise sur pied du Conseil constitutionnel dès 2018. Selon le Code électoral en vigueur, les contestations des candidats sont introduites dans les trois jours suivant la clôture du scrutin.

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Bien que des équivoques ne soient pas exclues, les conditions de recevabilité des recours et les contrôles de régularité des suffrages sont encadrés par le juge électoral, à l'opposé des validations de candidatures uniques qui prévalaient avant 1990. Nonobstant cette avancée, les résultats sont invariablement contestés jusqu'ici. Il en découle des auto-proclamations victorieuses à qui mieux mieux, où des candidats revendiquent hâtivement le score majoritaire à la présidentielle (1), pendant que leurs concurrents affirment l’inverse (2). De telles situations contradictoires signifient-elles pour autant que le Conseil constitutionnel ne servirait à rien ? L'interrogation n'est pas absurde, sachant que le modèle appliqué peut varier d'un pays à l'autre, indépendamment des idéaux démocratiques.

Proclamation officielle des résultats 

Dans le cas usuel où le verdict des urnes permettrait au Conseil constitutionnel de désigner valablement le vainqueur, il faudrait attendre le délai légal prévu pour la proclamation officielle des résultats, dans une posture de résilience démocratique, à l’abri des incitations provocatrices à la haine et à la violence. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », écrivait Jean de La Fontaine dans sa fable du Lion patient et du Rat impatient. En l'occurrence, l'impatience rend intolérable l'évidence électorale, tandis que la patience postule sereine la vertu concurrentielle.

Dans l’hypothèse où le recours au Conseil constitutionnel ne servirait point à la régularité des résultats, il y aurait lieu de se demander quelle est la raison qui pousse les postulants à la magistrature suprême, clé de voûte des institutions, à se porter candidats dans une compétition où les dés du scrutin présidentiel seraient pipés d'avance ? N'aurait-il pas alors fallu s’interdire de perdre inutilement le temps précieux aux votants, de consacrer futilement des ressources rares à de vaines campagnes et, in fine, d’appauvrir la Nation en s'obstinant à pisser dans un violon ?

Agressif exercice d’antagonismes

En l'absence de consensus a posteriori sur les règles préétablies du jeu électoral, il semble risqué d'offrir aux candidats l’alternative désolante de s’affronter par des moyens illégaux, à la place d'une saine confrontation des projets politiques et d'une inoffensive abstention de la falsification des informations publiques, dans ce qui a délicatement trait à la patrie commune et à la communauté d’histoire partagée. Dans cette sorte de fragile conscience collective, il ne subsisterait qu'un agressif exercice d’antagonismes funestes, susceptible de façonner la marque de fabrique d’un affligeant « faire-semblant » envahissant dans le Triangle des tumultes.

Quoi qu'il en soit, une question fondamentale s’impose à l’esprit : la nécessité de respecter les institutions et l’État de droit serait-elle compatible avec des initiatives illégitimes d’auto-proclamations victorieuses ? Que nenni ! Aussi importe-t-il de savoir raison garder et de prévenir des positions excessives ou des attitudes nuisibles à une relative harmonie et aux acquis du vivre-ensemble dans une société plutôt plurielle et vulnérable aux démons de la division.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne

(1) ATS. « Au Cameroun, l’opposant Issa Tchiroma Bakary revendique la victoire face à Paul Biya », Le Temps, 14/10/2025.
(2) Châtelot C. « Election présidentielle au Cameroun : pour le pouvoir, Issa Tchiroma Bakary n’a pas gagné », Le monde Afrique, 14/10/2025.
(3) de La Fontaine J. Le Lion et le Rat, Claude Barbin, 1668.

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