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Billet de blog 19 octobre 2025

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PRÉSIDENTIELLE AU CAMEROUN : LE VERTUEUX DÉFI DE LA RÉSILIENCE DÉMOCRATIQUE

Comme à chaque présidentielle au Cameroun, depuis le retour du multipartisme en 1990, des recours sont déposés auprès des juridictions en contentieux électoral. La Cour suprême en fut l'organe en 2011, avant la mise sur pied en 2018 du Conseil constitutionnel. Selon le Code électoral en vigueur, les contestations des candidats sont introduites dans les trois jours suivant la clôture du scrutin.

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Bien que des équivoques ne restent pas exclues, les conditions de recevabilité des recours et les contrôles de régularité des suffrages sont encadrés par le juge électoral, à l'opposé des prévalidations de candidatures uniques qui prévalaient avant 1990. Nonobstant cette réelle avancée, les résultats sont invariablement contestés jusqu'ici. Il en ressort des auto-proclamations catégoriques de la victoire, où des candidats revendiquent hâtivement le décompte majoritaire à la présidentielle (1), pendant que leurs concurrents affirment l’inverse (2). De telles situations contradictoires signifient-elles pour autant que le Conseil constitutionnel ne servirait à rien ? L'interrogation n'est pas absurde, sachant que le modèle appliqué peut varier d'un pays à l'autre, indépendamment des parangons démocratiques.

Proclamation officielle des résultats 

Dans le cas classique où le verdict des urnes permettrait au Conseil constitutionnel de désigner valablement le vainqueur, il faudrait attendre le délai légal de la proclamation officielle des résultats, à l’abri des incitations provocatrices à la haine et à la violence, en vue de relever le vertueux défi de la résilience démocratique. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », écrivait de La Fontaine dans sa fable du Lion patient et du Rat impatient (3). En l'occurrence, l'impatience rend insupportable le suspense électoral, tandis que la patience postule périlleux le bâclage du verdict final.

Dans l’hypothèse où la contribution du juge constitutionnel serait rejetée pour le contrôle de la régularité des suffrages, il y aurait lieu de se demander quel motif obscur pousserait un casuel postulant à la magistrature suprême, clé de voûte des institutions, à faire acte de candidature dans une compétition où les dés du scrutin seraient pipés d'avance ? N'aurait-il pas alors fallu d'emblée s’interdire de perdre inutilement le temps précieux aux électeurs, de consacrer futilement des ressources rares à de vaines campagnes et, in fine, d’appauvrir la Nation en s'obstinant à pisser dans un violon ?

Exercice d’antagonismes affligeants

En l'absence de consensus a posteriori sur les règles préétablies du jeu électoral, il semble risqué de concéder aux intéressés l'artifice désobligeant de s’affronter par des moyens illégaux, à la place d'une confrontation équilibrée des projets politiques et d'une inoffensive abstention de la falsification des informations sur le scrutin, dans ce qui relève délicatement de la patrie commune et de la communauté d’histoire partagée. Eu égard à une fragile conscience collective, il ne subsisterait qu'un agressif exercice d’antagonismes affligeants, susceptible de façonner dans le Triangle des tumultes la marque de fabrique d’un envahissant « faire-semblant » fort malencontreux.

Quoi qu'il en soit, une question fondamentale s’impose à l’esprit : la nécessité de respecter les institutions et l’État de droit se révélerait-elle compatible avec des initiatives illégitimes d’auto-proclamations de la victoire ? Que nenni ! Aussi importe-t-il de savoir raison garder et de prévenir des postures excessives ou des attitudes défavorables à une relative harmonie et aux acquis du vivre-ensemble dans une société plutôt plurielle et vulnérable aux démons de la division.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne

(1) ATS. « Au Cameroun, l’opposant Issa Tchiroma Bakary revendique la victoire face à Paul Biya », Le Temps, 14/10/2025.
(2) Châtelot C. « Election présidentielle au Cameroun : pour le pouvoir, Issa Tchiroma Bakary n’a pas gagné », Le monde Afrique, 14/10/2025.
(3) de La Fontaine J. Le Lion et le Rat, Claude Barbin, 1668.

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