Jean-François Delfraissy, président du comité scientifique qui avise les autorités de l’Hexagone, résume ainsi la crise sanitaire actuelle : « Ce virus est une vacherie. On est en train de se poser la question de savoir si quelqu'un qui a fait une Covid [...] est véritablement si protégé que ça ». Le spécialiste français en immunologie n’a pas tort de se demander également « si on n'est pas en train de se tromper complètement », en misant sur une immunité comparable à celle largement observée et analysée parmi les maladies virales connues. Aussi y aurait-il probablement « une série d'éléments qui suggèrent [...] que des phénomènes de réactivation puissent arriver ».
Interrogations insuffisamment résolues
Les propos du Professeur Delfraissy brillent par leur impuissance et séduisent par leur sincérité. De fait, si ses lamentations venaient à être confirmées, elles nous éloigneraient de toute sorte de maîtrise de l'épidémie, sachant que la morbidité pourrait être accueillie à plusieurs reprises par un même individu antérieurement infecté. Hélas, le chapitre des énigmes s’enrichit au fur et à mesure des études et des témoignages sur l’inexpliqué mystère qu’entretient le damné virus SARS-CoV-2 ! Parmi les morceaux de choix courants, nous retrouvons des interrogations insuffisamment résolues.
Parue le 31 mars 2020, la revue médicale britannique The Lancet soutient que la morbidité moyenne, observée en février 2020 sur des centaines de patients chinois, est significative pour les plus de 60 ans, avec un taux de mortalité de 6,4 %. L’indice fatal progresse à 13,4 % pour les plus de 80 ans contre 0,32 % pour les moins de 60 ans. La proportion des patients hospitalisés augmente aussi avec l'âge enregistré : 0,04 % pour les 10-19 ans, 4,3 % pour les 40-49 ans, 11,8 % pour les 60-69 ans et 18,4 % pour les plus de 80 ans.
Constats d'unanimité acquise
Indépendamment de l'âge des patients hospitalisés, l’existence de comorbidités représente pareillement un certain risque majeur de malignité. D’après l'Institut national de la santé en Italie (Istituto Superiore di Sanità), les maladies chroniques présentées par 20 000 personnes décédées sont, par ordre décroissant, l'hypertension (69,7 %), le diabète (32 %) et la cardiopathie ischémique (27,7 %).
En réalité, il n’y a rien de nouveau dans ces constats d'unanimité acquise, car l’âge avancé et la comorbidité chronique s’avèrent des facteurs habituels d’âpreté dans toutes les échelles endémiques de morbidité et de mortalité. La pathologie ayant surgi de l’Empire du Milieu paraît bénigne dans 80,9 % des cas annoncés, selon une enquête d'envergure publiée par des chercheurs chinois dans la revue médicale américaine Jama, datée du 24 février 2020.
Disparités diversement sensibles
En rapportant cependant le nombre mondial de décès au nombre total de cas renseignés, la maladie foudroie environ 7 % des patients diagnostiqués, avec des disparités diversement sensibles dans tous les pays de la planète. Mais ce taux de létalité doit être interprété avec circonspection, car nous ignorons combien de personnes sont véritablement infectées en amont et quelle est précisément la proportion des sujets qui s'avèrent asymptomatiques en aval.
Devant le Congrès américain, Anthony Fauci, Directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, estime que l’inclusion des cas non détectés révélerait « sans doute un taux de mortalité autour de 1 %, soit 10 fois plus que la grippe saisonnière ». Nonobstant le fait que 85 % environ des malades fussent guéris sans soins approfondis, la malignité de la pathologie dépend aussi de son niveau d’expansion au sein de la population. Plus celle-ci est-elle touchée, plus y aura-t-il un afflux de cas dans des hôpitaux saturés et une forme d'amplification additive de la mortalité.
Manifestations cliniques prédominantes
Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les manifestations cliniques prédominantes sont « la fièvre, la fatigue et une toux sèche. Certains patients peuvent également présenter des douleurs, une congestion nasale, un nez qui coule, un mal de gorge ou la diarrhée », susceptibles d’être accompagnés d'une gêne aiguë ou d’un syndrome respiratoire dans les cas pathologiques sévères.
Au-delà de ces symptômes, sur lesquels l'accent a été mis depuis le début de l'épidémie, il apparaît de plus en plus évident que le rusé coronavirus affecte aussi l’encéphale humain et sa masse nerveuse, avec la perte d'odorat et de goût, voire des crises convulsives et des accidents vasculaires cérébraux. Dans un tel contexte de gravité, le déclenchement d’un « orage cytokinique », syndrome de libération moléculaire par une violente réaction inflammatoire du système immunitaire, pourrait être à l’origine de l’attaque de différents organes et du décès prématuré de plusieurs patients éprouvés.
Transmission par voie respiratoire
Comme il n'existe actuellement ni vaccin ni remède radical, la prise en charge consiste essentiellement aujourd’hui à traiter les troubles observables, en administrant des produits dérivés d'antipaludéens, d'antiviraux existants ou de formules expérimentales, dont le gage d’efficacité reste péniblement démontrable face à la Covid-19.
Le micro-organisme malfaisant se transmet principalement par voie respiratoire et par contact physique avec des objets infectés. La transmission par voie respiratoire passe par des gouttelettes de salive, nécessitant une distanciation sociale avec les personnes porteuses, tandis que le contact physique avec des objets infectés est un mode de contamination par le toucher des parties saillantes du visage, suggérant l’hygiène des mains et des surfaces. Mais, là aussi, des inconnues demeurent actives dans la nature endormie.
Mesures-barrières élémentaires
Deux études récentes, publiées dans la revue américaine NEJM, montrent que « le nouveau coronavirus est détectable jusqu'à deux à trois jours sur des surfaces en plastique ou en acier inoxydable, et jusqu'à 24 heures sur du carton ». Toutefois, selon l'opinion avouée du comité scientifique français, ces « études ont évalué la présence de matériel génétique, et non pas de virus vivant [...]. Ce n'est pas parce que le virus persiste que cela est suffisant pour contaminer une personne qui toucherait cette surface [...]. De l'avis des experts, la charge virale du virus diminue très rapidement dans le milieu extérieur, et en quelques minutes, celui-ci n'est plus contaminant ».
Il subsiste néanmoins une autre inconnue : la possibilité du viral monstre invisible de se détendre malicieusement dans l'air ambiant et de préparer incognito un vil guet-apens cruel. En définitive, la prudence s’impose, notamment en ce qui concerne les mesures-barrières, qui ont fait leurs preuves dès l’Antiquité contre des vagues successives d’épidémies : s’abstenir de liens physiques étroits, adopter des comportements raisonnables d’hygiène et se protéger de la contamination par des armures multiformes. Faute d’être innovatives, ces mesures-barrières élémentaires constituent des boucliers primaires qui sont au moins accessibles à tous !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne