Moult esprits d’emprunt ou de boulevard, tourmentés ou orientés, affirment pourtant qu'il s'agit de véritables présages de Michel de Nostredame (1503-1566), alias Nostradamus, célèbre personnage éclectique, à la fois apothicaire, médecin, astrologue, homme de science, historien et poète français du XVIe siècle.
Multiples prophéties
À son époque de gloire, l’inusable génie pluridisciplinaire était surtout réputé pour ses visions originales à caractère divinatoire. Nostradamus œuvrera ainsi auprès de la reine-mère et régente du royaume de France, Catherine de Médicis (1519-1589), pendant une période de gouvernance tumultueuse, avant de s’éteindre au moment précis qu’il aurait préalablement annoncé.
Parmi les multiples prophéties qui lui sont régulièrement attribuées, il y a lieu de noter des événements majeurs : de la Révolution dans l’Hexagone (1789-1799) à la Première Guerre mondiale (1914-1918), du règne de Napoléon Bonaparte (1804-1814) au régime d’Adolf Hitler (1934-1945), de la destruction atomique de Hiroshima et de Nagasaki (1945) à la guerre du Golfe (1990-1991).
Hormis les prophéties historiquement datées et peu ou prou avérées, l’annonce qui fait dorénavant florès, concerne l’accession du président Emmanuel Macron à la magistrature suprême et le regrettable incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, chef d’œuvre d’architecture gothique, construit durant deux cents ans dès le XIIe siècle, modifié au XVIIIe et restauré au XIXe siècle.
C’est en effet l’embrasement de ce lieu de culte catholique et emblématique, dédié à la Vierge Marie au siège de l’archidiocèse de la capitale française, qui semble à l’origine des allégations imputées à Nostradamus. Or, il n’existe aucune trace de telles prédictions tout au long du millier de quatrains qui composent les dix Centuries léguées à la postérité par l’illustre « prophète » !
Poème anodin de quatre quatrains
Dans ce contexte têtu d’affirmations mensongères et d’élucubrations de la complosphère, il n’est pas vain de se forger sa propre opinion, en interprétant infra le poème anodin de quatre quatrains, rédigé avec entrain par un obscur artiste en avril 2019, quelques jours seulement après le sinistre de feu subi par le fameux édifice religieux sur l’île de la Cité.
À l'aube d'une nouvelle ère,
la vieille et séculaire dame,
dans les flammes se consumera,
mais de ses cendres renaîtra,
son cœur, percé d'une flèche,
toute ourlée d'or et de rubis,
pourtant à nouveau battra
et dans l'éther sa voix s'élèvera,
afin d'annoncer au vil roi,
à l'âme noire en cœur de pierre,
aux désirs âpres et sanguinaires,
que son règne incessamment finira,
par la volonté du peuple du soleil,
l'âge sombre remplacé sera,
par la dive lumière de l'humanisme,
de l'amour, de la tolérance et de la grandeur d'esprit…
En somme, ces vers boîteux à rimes mêlées, abusivement prêtés à Nostradamus, finissent par arracher le masque d'imposture à ses prétendues prédictions complémentaires. Aussi, dans la quête exacerbée des dissonances vulgaires, qui inondent de plus en plus les réseaux sociaux d'infidèles symboles, la poésie ordinaire et la représentation imaginaire peuvent servir de solennelles fariboles.
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne