Avec la proclamation prochaine des résultats officiels par le Conseil constitutionnel, les projets d’insurrection, abreuvés de convictions nocives, ne seraient plus d’actualité (1). Et la confrontation redoutée n’aurait plus sa place dans les esprits belliqueux. Aussi y aurait-il lieu de parier que l’incitation à la violence ferait chou blanc, faute de légitimes combattants. Le recours au conditionnel invite certes à la circonspection, mais les bellicistes savent-ils jusqu’où peut aller une guerre civile ? Faudrait-il rappeler les atrocités au Rwanda, au Soudan ou au Libéria pour que les faits brillassent et finissent par persuader les Trianglais tumultueux à la raison plutôt pacifique ? Nonobstant les conflits armés ayant cours avec les « sécessionnistes ambazoniens » en espace anglophone et les « terroristes de Boko Haram » dans l’Extrême-Nord, un peuple majoritairement épris de concorde pluriannuelle ne saurait rompre l’anguille au genou.
Gouvernement de large coalition
La règle nécessaire devrait demeurer celle de l’apaisement dans une société plurielle et vulnérable aux démons de la division funeste. Or, cette division dans une Nation n’est rien d’autre qu’une tentative de suicide de la délicate patrie. Et nul citoyen conscient du malheur de la discorde fratricide ne voudrait participer au crime contre la paix. Le renforcement requis de l’État de droit s'avère ainsi la meilleure garantie institutionnelle, susceptible d’encadrer la séparation des pouvoirs constitutionnels, l’indépendance des tribunaux et l’égalité citoyenne devant les normes applicables de manière impersonnelle, obligatoire et uniforme sur toute l’étendue du territoire républicain.
Dans cette perspective louable, un nouveau gouvernement de large coalition gagnerait à être nommé, composé de membres des partis principaux qui privilégient l’unité nationale et l’intérêt supérieur de l’État pour le bien partagé, après des signes regrettables de tension post-électorale. Aucun leader n’aura triomphé aussi longtemps que l’ordre politique n’aura pas pour fondements la cohésion nationale et le progrès social. Ces fondements n’exigent-ils pas que les forces vives se retroussent les manches et tentent de vaincre à l'unisson le sous-développement, à l’abri des cupidités gastro-politicardes ?
Soigner la pauvreté du corps social
L’antienne est ancienne. On ne le répétera jamais assez : l’ennemi le plus monstrueux n’est pas tribal ou régional, mais le damné sous-développement qui étrangle la plupart des filles et fils de ce pays. Il n’y a finalement qu’une ambition sublime : vaincre la pauvreté ! Et l’intelligence collective est essentielle dans cette magnifique lueur d’espoir. Ceux qui voudraient combattre pour autre chose que les facteurs d’appartenance commune et les réformes indispensables d’urgence trahissent les intérêts du pays au profit de leurs intérêts personnels. Ce n’est que par l’ensemble des cœurs sincères et des volontés agissantes que le Triangle s’éloignera des tumultes pour le salut de ses institutions républicaines et la victoire sur la misère.
La finalité n’est pas d’éliminer toute souffrance humaine, mais de soigner la pauvreté du corps social comme on soigne les maladies parasitaires du corps biologique (2). Alors, que peut-il subsister de fort honorable dans la victoire politique au sein d’une Nation ? Rien, si une proportion significative de la population désespère dans la meurtrissure ! Rien, si les hôpitaux publics ferment leurs portes aux indigents ! Bref, il n’y aura jamais de victoire tant qu’il manque de l’eau potable, de dispensaires, d’écoles, de routes, d’électricité... dans les contrées défavorisées ! Tant que des êtres humains ne mangent pas à leur faim dans les quartiers urbains ! Tant que l’insoutenable opulence côtoie l’extrême pauvreté d'autres citoyens misérables !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
(1) Takang F. « Tension post-électorale et accusations de fraude dans l'attente des résultats de la présidentielle au Cameroun », BBC News Afrique, 20/10/2925.
(2) Boutat A. « Les damnés de la forêt du Dja », Mediapart, 20/11/2025.