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Billet de blog 31 mars 2020

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AFRICANUS VERSUS CORONAVIRUS

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) appelle l’Afrique à « se réveiller » pour « se préparer au pire », eu égard à la précarité des systèmes de santé existants et au rythme rapide de la propagation internationale du coronavirus. Or, des esprits sceptiques évoquent la chaleur ambiante dans le continent, propre à contrer l'agent pathogène qui, de surcroît, ne serait pas « un organisme vivant ».

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En admettant que le vagabond délinquant peut mourir ou évoluer, n’est-ce pas parce qu’il est d’abord « vivant » ? À l’instar de la boîte de Pandore de la mythologie grecque, le malheur qui s’est évadé de la jarre des maux pour s’abattre sur l’humanité, mérite d’être saisi par la vérité des mots, au risque d'abandonner la réalité affligeante et l’espérance des âmes rabougries au fond du maléfique récipient.

Contagiosité alarmante

S’il est avéré que des agents pathogènes similaires sont moins prolifiques à partir d’une température extérieure de 26 degrés, le soleil qui frappe significativement la « Mère de l’humanité » ne suffit toutefois pas à empêcher le SARS-CoV-2 de s'accrocher aux cellules réceptives des organismes favorables à sa contagiosité alarmante, doublée d'une réplication fulgurante et mutante.

De fait, la chaleur n'y est guère déterminante. La fièvre corporelle, par exemple, est une réaction ordinaire des défenses immunitaires d'un être vivant à sang chaud, dont la température interne peut atteindre l’hyperthermie maligne au-delà de 41 degrés, sans que l’œuvre néfaste du micro-organisme malfaisant ne soit perturbée.

Effecteurs de la réponse immunitaire

Que ce soit en Afrique ou dans les continents peu ensoleillés, les porteurs du coronavirus peuvent présenter une sémiologie légère ou sévère, indépendamment de la température de leur milieu physique, laissant ainsi planer des interrogations sur les causes profondes de l'inégalité humaine devant la morbidité et la mortalité.

Selon les dernières statistiques mondiales, 22 % environ des patients symptomatiques s'en sortent rapidement, sans évoluer vers une dyspnée, une hypoxie ou une détresse respiratoire critique. Il n’est pas insensé de penser que l'exonération de ces patients de l'hospitalisation durable et de l'issue fatale réside dans les effecteurs de la réponse immunitaire à un appareil pulmonaire moins dégradé par des éléments préexistants de risque majeur.

Neutralisation de l'infectivité

Aussi le comportement de la Covid-19 demeure-t-il complexe, énigmatique et insuffisamment maîtrisé, quel que soit son foyer favori d’implantation géographique. Et cela, en raison surtout des mécanismes incertains de neutralisation de l'infectivité et des interactions spécifiques avec les hôtes involontaires infectés.

Dans un tel contexte déconcertant, le colosse Africanus, aux pieds d’argile, s’est récemment résolu aux mesures de confinement et de limitation des cas morbides face à une pandémie rampante. La solution provisoire serait cependant dérisoire si elle n’est pas mieux soutenue par une volonté politique, destinée à encadrer ces mesures et à remédier à une malgouvernance sanitaire souvent chronique.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne

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