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Billet de blog 16 août 2022

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Mise à l’arrêt immédiate de toutes les centrales nucléaires d’Ukraine !

Toute approche de la question de Zaporijjia qui ne part pas du constat que l’armée russe occupe actuellement ce site et ne le quittera que si elle en est chassée militairement relève du voeu pieu et est criminelle. La seule attitude réaliste aujourd’hui serait d'exiger la mise à l’arrêt immédiate de toutes les centrales nucléaires d’Ukraine !

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Il est hallucinant que tous les commentateurs se répandent en débats stériles sur la question de savoir qui des russes et des ukrainiens seront responsables si un accident nucléaire se produit à Zaporijjia. Les deux bien sûr, et avec eux l’AIEA, l’ONU et son Conseil de Sécurité, l’Europe, l’OMS, la Croix Rouge, Greenpeace, etc.

Sauf ignorance de ma part, nul de ces intervenants, et nul commentateur, ne dit que dès le début de l’invasion russe toutes les centrales nucléaires ukrainiennes auraient dû être mises à l’arrêt, et tous les combustibles ainsi que tous les déchets sur leurs sites mis à l’abri de potentiels missiles ou bombe loin des centrales, en des sites tenus secrets. Cela aurait dû se faire dès les premiers jours de la guerre. La question n’est pas de savoir si l’électricité produite par ces centrales doit aller en Ukraine ou en Crimée, mais qu’elles cessent de fonctionner ! Les gesticulations de l’AEIA, complice avec l’OMS de toutes ces manipulations depuis sa création, sont honteuses. Au lieu d’ « alerter » sur les dangers d’un accident à Zaporijjia, elle devrait exiger l’arrêt immédiat de tous les réacteurs des 4 centrales ukrainiennes et la sécurisation des piscines et autres équipements de sécurité. Que vaut-il mieux? Faire face à des pénuries graves d’électricité (conséquence de l’absence de reconversion énergétique imposée dans le monde entier depuis 70 ans par les trusts pétroliers et le lobby nucléaire) ou faire face à un accident nucléaire majeur à l’échelle planétaire? S’adresser à Poutine pour lui demander de quitter les lieux est du même acabit que l’aurait été de demander à Hitler de lever le siège de Leningrad ou de se retirer de Varsovie lors de l’insurrection, pour ne pas faire de morts. Quant à lancer des perspectives de zone démilitarisée autour de Zaporijjia, c’est une plaisanterie de fort mauvais goût. Pourquoi pas sur la face cachée de la lune? L’ONU a une armée qui peut aller prendre le contrôle de cette zone, peut-être? Si cela pète, ils seront tous responsables, mais dores et déjà la honte est sur eux.

Et le mouvement ouvrier mondial? Que fait-il? Que pourrait-il faire? Ah, c’est vrai, il faut « défendre les emplois » des travailleurs des centrales, pardon… Cela présage de manoeuvres du même acabit lorsque la menace d’agression militaire commencera à concerner la France, ce qui n’a rien d’impossible, et peut-être pas à si long terme…

Lors de la canicule, en France des dérogations pour le rejet dans l’environnement d’eaux plus chaudes que selon les normes (déjà laxistes) sur la température de rejet autorisé pour les centrales nucléaires viennent d’être promulguées, au mépris total de l’environnement et des populations (voir le niveau de la Loire par exemple) – mais pour préserver les profits liés à l’exploitation des centrales. Cela rappelle les décisions des Etats ukrainien puis japonais de relever les seuils de sécurité concernant la radioactivité tolérable (dans les cours d’école, pour l’eau, les légumes, les champignons, etc.) à Tchernobyl puis à Fukushima. Toutes ces normes sont du pipeau absolu, car il n’existe pas de seuil minimum d’innocuité face aux radiations our les organismes. Du reste, ces normes ne sont en vigueur que tant que tout fonctionne « normalement » (où elles sont déjà bien trop élevées) mais sont abolies dès qu’il y a un accident, un problème ou un danger. Le nucléaire est vraiment une calamité pour l’humanité.

Il est toujours utile de relire cette phrase de Jean Rostand: « La culture ce n’est pas avoir le cerveau farci de dates, de noms ou de chiffres, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes. C’est l’habitude du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage; c’est avoir l’esprit ferme sans l’avoir rigide, c’est être armé contre le flou et aussi contre la fausse précision, c’est refuser tous les fanatismes et jusqu’à ceux qui s’autorisent de la raison; c’est suspecter les dogmatismes officiels mais sans profit pour les charlatans, c’est révérer le génie mais sans en faire une idole, c’est toujours préférer ce qui est à ce qu’on préférerait qui fût. » (Jean Rostand,Le droit d’être naturaliste, 1963). Toute approche de la question de Zaporijjia qui ne part pas de ce constat que l’armée russe occupe actuellement ce site et ne le quittera que si elle en est chassée militairement relève du voeu pieu et est criminelle. La seule attitude réaliste aujourd’hui serait d'exiger la mise à l’arrêt immédiate de toutes les centrales nucléaires d’Ukraine !

Alain Dubois

16 août 2022

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.