Le SSI (Statens Serum Institut), organisme de référence au Danemark, a publié une alerte le 5 novembre 2020
De nombreux journaux ont repris la nouvelle (ou plutôt la dépêche AFP), malheureusement sans fournir de détails ou d'explications. Pour cela, il aurait fallu lire la nouvelle. Je vais simplifier les trouvailles dans ce billet.
Il faut savoir que :
. les visons sont assez proches des humains quant au comportement du virus (pour ACE, contrairement à la souris par exemple).
. les virus passent d'espèce en espèce et s'adaptent à la nouvelle espèce. Du fait des élevages, plus il y a d'animaux, plus il y a de diffusion du virus, plus il y a de probabilité d'avoir des mutations dans le génome viral.
. le SarsCov2, comme tout virus, mute et mutera encore. D'ailleurs, j'avais déjà écrit un billet à ce sujet concernant le variant G614 qui en 3 semaines était devenu la forme la plus répandue au monde.
Les scientifiques danois ont donc isolé un nouveau groupe de variant du SarsCov2. Initialement le virus est passé de l'homme au vison (d'élevage), il y a muté puis est repassé chez l'homme (éleveur). De là, le virus s'est diffusé officiellement à 12 personnes.
On aurait pu s'arrêter là et dire que c'est juste un variant de plus.
Oui mais non, les scientifiques danois ont séquencé le virus. 4 mutations ont été découvertes sur la protéine Spike. Celles-ci sont H69del/V70del, Y453F, I692V et M1229I.
C'est-à-dire que les acides aminés Histidine en position 69 et Valine en 70 sont manquants, Tyrosine en 453 est devenu Phényalanine, Isoleucine en 692 est devenu Valine et Méthionine en 1229 est devenu Isoleucine.
Et alors ?
Spike est la protéine virale qui sert au virus à fixer les cellules humaines et à y pénétrer. C'est pourquoi, les recherches sont orientées dans le sens de bloquer le fonctionnement de Spike pour empêcher l'infection.
Un anticorps se fixe à un endroit précis de la protéine cible, sur une séquence précise d'acides aminés. Si celle-ci change (mutation), l'anticorps ne peut pas du tout s'y fixer ou moins bien (moins d'affinité) et donc ne sera pas ou peu efficace.
Pour qu'un anticorps soit bloquant, il ne lui suffit pas de se fixer sur Spike, il lui faut être capable de se fixer sur des séquences des Spike importantes pour son activité. Deux zones très importantes ont été déterminées sur Spike: la séquence comprise entre les acides aminés 450 et 510 qui contient le site de fixation de Spike sur ACE2 et la séquence comprise entre 665 et 695 qui contient une zone de glycosylation (ajout de sucre) et surtout un site de clivage.
Si vous avez bien lu, vous avez noté que deux mutations ont eu lieu dans ces deux zones, la mutation Y453F et la mutation I692V.
La principale stratégie est d'obtenir des anticorps bloquant (qui empêche la cible d'agir). C'est-à-dire que si l'on développe des anticorps bloquant contre Spike, le virus ne pourra plus nous infecter. C'est ainsi que la quasi totalité des vaccins actuellement en développement vise Spike. Je vous invite à lire mon billet sur les stratégies vaccinales.
J'en reviens aux variants issus du vison. Les mutations Y453F et I692V sont dans des régions très importantes de Spike et les scientifiques danois ont montré que les anticorps bloquant développés par des personnes atteintes par la Covid19 (forme initiale) sont moins efficaces contre le variant du vison que contre le SarsCov2 initial. Logique.
Alors maintenant, le problème saute-t-il aux yeux ? A quoi cela sert-il de développer des vaccins ciblant un Spike qui n'est pas celui du vison ? Puisque les vaccins utilisent des séquences de Spike du variant "original", que peut-on attendre en terme de réponse immunitaire et d'anticorps bloquant ? La même chose qu'avec les anticorps des patients Covid19 actuel : pas d'efficacité.
. Si le variant du vison est supprimé, pas de problème.
. Si le variant se répand, ces vaccins ne serviront à rien ! Maintenant quand on constate que depuis plus de 6 mois entre les confinements plutôt pas stricts, les tests qui arrivent plus ou moins vite, le traçage/isolement plus ou moins suivi et le comportement des gens...
On peut aussi rire (ou pleurer) des Etats qui ont donné de l'argent aux pharmas les yeux fermés et surtout sans condition de garantie d'efficacité en échange des commandes.
La Grande Bretagne refuse tout non britannique non résident permanent étant passé par le Danemark a venir sur son territoire en espérant que ce mutant n'arrivera pas sur le territoire. Et nous on fait quoi ? On regarde si le Danemark va réussir son confinement de quelques localités.
La France évidemment affirme que la biosécurité de ses élevages est parfaite. Au Pays-Bas, des abattages de visons avaient déjà eu lieu au printemps.
Pour terminer, un peu de philosophie :
Lors de l'apparition et diffusion du Sars-Cov2, nombreuses ont été les personnes à condamner (voire même insulter) les chinois, leurs marchés d'animaux, le fait que certains vivent en proche proximité avec des animaux comme cause ultime de ce virus.
Aujourd'hui, ne faudrait-il pas condamner (insulter ?) les européens (et il n'y a pas que les danois) ?
Retour de bâton ? Peut-on se permettre de faire des leçons de civilisation ??