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Billet de blog 9 décembre 2021

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Journal d'un complotiste (5)

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16 Août 2020 - Logiques de contamination

J'avais évoqué la possibilité de "logiques différentes de contamination" qui pourraient rentrer en compte pour expliquer les différences colossales de propagation du virus selon les endroits du territoire. C'était plus une interrogation personnelle qu'autre chose. Or je viens de tomber sur une étude (écossaise, voir lien ici) qui pourrait aller dans mon sens. Elle explique que 90 % des porteurs pourraient n'être que très peu contagieux quand 10 % pourraient contaminer 80 % des infectés, et qu'au sein de ces 10 %, quelques "super-propagateurs" seraient eux capables d'infecter des centaines voire des milliers de personnes (pour des raisons pas toutes complètement élucidées) ! La piste est fraîche et reste à suivre.

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24 Août - Un drôle de choix...

 
Je reproduis ici une hypothèse. A un moment on a été mis devant un choix binaire entre science et incertitude. La question posée ainsi, on ne pouvait que répondre la science. Aussi au moment de la négation du traitement de Raoult par exemple, bon nombre ont peut-être pensé : "je préfère la science et donc Raoult est moins bien". Alors ceux-là se sont mis à prendre position contre Raoult, comme si avait jamais existé un choix entre un idéal hypothétique et le réel ! Quant à l'urgence du début et l'angoisse que les projections chiffrées proposaient, tout le monde semble avoir déjà complètement oublié tout ça.

Sans doute ont-ils cru à un moment que la science allait résoudre les choses en un temps "raisonnable". En attendant et de par cette réponse à une question absurde, ils ont disqualifié puis dénigré l'autre possibilité. Il se pourrait bien que ce soit à partir de là que deux camps aient commencé à se former. Tel aurait aussi pu être aussi la question des journalistes, et pourquoi pas même des politiques. Les politiques en particulier seraient à tel point dans un monde où à tout problème doit correspondre une solution qu'ils auraient été incapables de répondre au monde d'incertitude et de multiplicités de facteurs auquel le virus les confrontait.
Bien sûr tout ça n'explique pas pourquoi on a saboté Raoult avec des essais (Discovery, Recovery) qui ne testaient jamais ni son protocole ni ses dosages pas plus que les moments où il le recommandait. Mais c'est peut-être ça, le pourquoi psychologique de cet épisode insensé. C'est qu'à un moment, on en arrive en tous cas à un tel degré de délire qu'il faut bien imaginer les choses si l'on veut tenter de les expliquer : les gens auraient disqualifié un traitement sans doute imparfait mais peut-être relativement efficace pour un autre qui tout simplement n'existait pas ! Ensuite ils auraient poursuivi leur logique sans plus se poser la moindre question, le choix était derrière eux, il fallait bien avancer. Un monde d'idées théorique déconnectées du réel.


Ce monde se poursuit. Alors même qu'on les déconseillait en pleine crise, on impose les masques aujourd'hui et ce dans nombre d'endroits extérieurs (alors qu'on sait maintenant que c'est à l'intérieur que le virus est très virulent). De plus, il n'y a plus de malades, presque plus personne en réanimation, presque plus de morts, les hôpitaux sont vides de patients atteints de covid, mais de nombreuses personnes sont testées positives. "On sait jamais, c'est pas normal" semble être la réflexion ultime des autorités. Mais peut-être aussi que les types s'agitent pour faire oublier leurs décisions prises en toute incompétence, pour reprendre la main en terme de respectabilité vis-à-vis de l'opinion...
 

26 Août - Super-contaminateurs (suite)

"""Une étude parue dans la revue américaine PNAS, avance qu'une seule personne serait à l'origine de la contamination du Diamond Princess. Les chercheurs de l'Institut japonais des maladies infectieuses ont séquencé le génome des virus prélevés sur 148 passagers et membres d'équipage du navire. Leur analyse montre que tous les virus partageaient une même mutation, ce qui suggère que "la dissémination du covid à bord a comme origine un seul événement d'introduction avant le début de la quarantaine". Cette étude accrédite un peu plus la thèse des "super-contaminateurs" responsables à eux seuls de 80 % des infections de SARS-CoV-2"""
https://www.futura-sciences.com/sante/breves/coronavirus-diamond-princess-seul-passager-serait-origine-700-contaminations-covid-19-2976/

Ça se confirme...

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28 Août

L'Inserm vient d'évaluer les morts à domicile à 1800 personnes en lieu et place des 9000 évalués il y a déjà un moment par des généralistes. Il faut dire que l'Inserm a compté les morts déclarés "par covid" alors que les gens envoyés à domicile avec du doliprane n'étaient le plus souvent pas testés, et donc non "déclarés" positifs ! C'est bien sûr ce chiffre que les stats prendront en considération...

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29 Août - Ephad et Raoult

 
Dans un récent point de Raoult, il explique avoir traité des gens en Ephad avec 14,4 % de mortalité pour ceux ayant pris son traitement, contre 27,8 pour les autres ! Or la moyenne en France de mortalité due au coronavirus en Ephad a justement été de 27,7 %.

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12 Septembre - "Tout confirme que le virus n’a pas baissé en intensité" (Castex, aujourd'hui)

Pétition (extraits)

"""Nous, scientifiques et universitaires de toutes disciplines, et professionnels de santé, disons que nous ne voulons plus être gouvernés par et dans la peur. La société française est actuellement en tension, beaucoup de citoyens s’affolent ou au contraire se moquent des consignes, et nombre de décideurs paniquent. Il est urgent de changer de cap. Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1438 le 14 avril. La situation n’est donc plus du tout la même qu’il y a 5 mois. 
C’est pourquoi nous appelons les autorités politiques et sanitaires françaises à cesser d’insuffler la peur à travers une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes. Il ne faut pas confondre la responsabilisation éclairée avec la culpabilisation moralisatrice, ni l’éducation citoyenne avec l’infantilisation. 
Nous appelons également l’ensemble des journalistes à ne plus relayer sans distance une communication qui est devenue contre-productive : la majorité de nos concitoyens ne fait plus confiance aux discours officiels, les complotismes en tous genres foisonnent sur les réseaux sociaux et les extrémismes en profitent.
Nous appelons également le gouvernement à ne pas instrumentaliser la science. La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l'absence de conflits d'intérêts. Le Conseil Scientifique du Covid-19 ne respectant pas l’ensemble de ces critères, il devrait être refondé ou supprimé.
Nous rappelons par ailleurs que les premiers à soigner les malades sont les médecins généralistes. Les écarter de la lutte contre le Covid en suspendant leur liberté de prescrire les médicaments autorisés de leur choix a constitué une erreur qui ne doit pas se reproduire. L'ensemble des soignants doit au contraire être mobilisé, équipé et solidarisé afin d’améliorer nos capacités de réaction et non les restreindre
"""
https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-nous-ne-voulons-plus-etre-gouvernes-par-la-peur-la-tribune-de-chercheurs-et-de-medecins-10-09-2020-8382387.php

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20 Septembre - Ce que masque l’affaire Raoult ? L’infantilisation des patients (Philippe Pignarre, L'Obs)

 
"On ne convaincra pas le public en le traitant comme irresponsable par nature" (les "Cahiers du Seuil").

 
Ce qui a motivé ce texte pourra sembler bien étrange : c’est mon étonnement face à la manière dont le professeur Raoult a été dénigré. Ce rabaissement m’a paru avoir pour objectif d’autoriser à plaquer une explication psychologique ou sociologisante sur un débat et par là même d’éviter toute interrogation sur la pratique scientifique. D’un côté, un gourou, irrationnel, de l’autre, la science, la raison, la rationalité. Il y avait là, à mes yeux, quelque chose qui ne tournait pas rond.

 
Une profonde incertitude
Nous venons de vivre un moment où tout a régressé de manière accélérée – les libertés, les droits, l’économie, les capacités de soigner, etc. Et nous n’en sommes certainement pas sortis car la pandémie n’est pas un événement dont on peut dire qu’il passera, que tout redeviendra comme avant. On sait tous que le virus peut revenir, le vaccin ne jamais être trouvé, que d’autres virus peuvent lui succéder.
Le rapport que l’on pouvait vaille que vaille maintenir avec l’idée de progrès a été troublé et remplacé par un sentiment de profonde incertitude probablement destiné à durer. Ce que nous sommes en train de vivre n’est pas conjoncturel mais a tout à voir avec notre mode même d’insertion dans le monde. On pourrait donc bien être en train de vivre un moment de bascule : l’émergence du virus pourrait être l’événement qui ne nous permettra plus de maintenir un fossé entre ce que nous savons et ce que nous sentons. Est-ce la fin de "cette remarquable indifférence de nos contemporains à la mutation écologique" ? Ne vivons-nous pas l’événement capable "de faire à nouveau trembler d’inquiétude les Modernes sur ce qu’ils sont, aussi bien que sur l’époque dans laquelle ils vivent et le sol sur lequel ils se trouvent" ?
Peut-être est-il encore trop tôt pour faire un lien entre la fin de la certitude en un progrès que rien ne devrait arrêter, un sens de l’histoire, et les deux grands mouvements qui agitent partout dans le monde, la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre la domination raciste. Mais, dans les deux cas, on sent que plus personne ne veut se reposer sur un progrès allant de soi, qui autoriserait d’attendre en toute confiance que les choses aillent mieux : longtemps il a été plus aisé de penser que l’on avançait vers plus d’égalité et de "protection de la nature" si l’on suivait le vent du progrès.

 
La science pour sauver le progrès ?
Face à cette dangereuse émergence de l’incertitude, il est vite apparu qu’il ne restait qu’une chose pour sauver l’idée du progrès : la science ! Au moment même où tout semblait s’écrouler autour de nous, la science a été mise sur un piédestal. Elle devait triompher de toutes nos hésitations et nous remettre sur le droit chemin.
Quand il a créé le conseil scientifique Covid-19, le gouvernement était convaincu que la science permettrait de fermer la bouche à tous ceux qui pourraient manifester des désaccords avec sa politique. Et l’épisode des masques a pu le conforter dans cette opinion. La plupart des grands patrons de médecine ne se sont-ils pas précipités sur les plateaux de télé pour confirmer "qu’ils ne servaient à rien" ? On a eu là sans doute un bel exemple de la lâcheté des scientifiques quand on les met en situation d’experts (en rupture avec leur identité de chercheurs), toujours attentifs à ne pas mordre la main qui les nourrit ou à s’accorder avec le pouvoir sur la nécessité de défendre l’ordre public contre une opinion irrationnelle et dangereuse.
Mais la bonne ambiance n’a pas duré. On avait présenté la "science en train de se faire" sous les atours de la "science déjà faite". On allait vite voir que ce n’était pas si simple. On n’a pas pu réprimer un sourire en écoutant le Premier ministre devant le Sénat, le 4 mai : "Tel savant nous dit, affirmatif et catégorique, qu’il ne peut y avoir de seconde vague […], tel autre, aussi savant, aussi respecté, nous dit l’inverse". Les sciences ne faisaient rien taire du tout : elles étaient elles-mêmes le lieu du plus grand tumulte. Or cette confusion entre "science en train de se faire" (la recherche) et "science déjà faite" a une conséquence lourde : elle nourrit le complotisme. Car beaucoup penseront : c’est donc que l’on ne nous dit pas la vérité, que l’on nous cache quelque chose.
Ce complotisme trouvera encore plus de raisons de prospérer quand même une revue comme The Lancet s’avère incapable de tenir ses promesses et se couvre de ridicule. Les exemples de corruption de chercheurs, la multiplication des conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique feront le reste. Et, paradoxe, cela poussera certains à en rajouter sur la rationalité, sur le mode : "Si nous leur racontons [au public] la science telle qu’elle se fait, ils perdront confiance, et s’ils perdent confiance, rien ne les défendra contre l’irrationalisme. Il faut savoir mentir, ou enjoliver, lorsque l’on a affaire à des enfants, et jamais, au grand jamais, les adultes ne doivent se disputer devant eux !"
Mais c’est la guerre qui a opposé le professeur Raoult, l’Institut de Marseille et les autres experts qui mérite d’être étudiée plus en détail. Ce ne fut pas à nos yeux un moment regrettable qui aurait dû rester confiné au cercle des experts, mais une fabuleuse occasion de mise à plat publique de tous les enjeux qui concernent les médicaments et les pratiques dites scientifiques mobilisées en ce type de circonstance.

 
La quête de la preuve scientifique
Si une première confusion était faite entre "science en train de se faire" et "science déjà faite", une autre allait suivre : celle qui sépare le "laboratoire scientifique" du "laboratoire technique". L’identification et le séquençage d’un virus n’a, par exemple, rien à voir avec le travail de mise au point d’un médicament, même si les technologies, les instruments et les spécialités des chercheurs peuvent être communs. Pourtant les études cliniques (et les désormais fameuses études randomisées contre placebo) ont été présentées comme sur le point de produire "la preuve scientifique" qui, dans les plus brefs délais, allait mettre tout le monde d’accord, c’est-à-dire en fait comme un "dispositif presse-bouton qui renvoie au fantasme d’un instrument d’interrogation tout-puissant, que nul n’aurait mis au point et ajusté, et qui créerait de la connaissance dans le mépris le plus total des problèmes posés par ce qui est à connaître".
Or il s’agit d’une pratique qu’il serait plus juste de qualifier d’artisanale et non pas de scientifique. Rien ne va de soi, il faut du tact pour décider des ingrédients : durée de l’étude, moment où on administre le candidat-médicament (en fonction de quels tests biologiques ? de quels symptômes ? à quel degré de gravité ?), dosage, nombre de patients à inclure, critères de leur sélection, lieux où on va les recruter, critères de jugement (nombre de décès ? durée de la maladie ? sévérité des symptômes ? séquelles ? organes touchés ?), choix des outils statistiques, etc. Enfin, de quel budget dispose-t-on ?
La controverse a vérifié cette remarque de Bruno Latour : "Notre ignorance à propos des techniques est insondable".
Plus on étudie les essais cliniques et plus on comprend que quels que soient les guidelines des agences du médicament, le moindre détail modifiable par les initiateurs peut décider de leur réussite ou de leur échec. Aucune étude clinique ne ressemble à une autre. Chacune est un montage spécifique. Elles s’opposent souvent les unes aux autres et elles peuvent être contredites par de vastes études de cohortes menées sur des années.
Or ce n’est pas comme cela qu’on les a présentées au public : on les a "épistémologisées" pour en faire des abstractions, des machines, capables de s’appliquer partout, en oubliant les tours et détours de leur construction. On a vu le président de la République annoncer d’un air docte la date à laquelle les résultats "incontestables" de l’essai clinique européen initié par l’Inserm comparant plusieurs médicaments seraient dévoilés (Discovery) – étude qui d'ailleurs ne sera probablement jamais menée à son terme... Il importe pourtant de savoir faire la différence entre une preuve expérimentale et ce qui n’aurait été, dans ce cas, qu’une "monstration statistique".

 
Essais cliniques et conflits d’intérêt
Si les essais ont été inventés pour contrôler une industrie pharmaceutique prête à mettre n’importe quoi sur le marché, on ne peut pas ignorer qu’ils ont évolué. Les essais cliniques revêtent aujourd’hui trois traits essentiels qui compliquent la question de leur fiabilité :
1. Ils sont, dans l’immense majorité des cas, sous le contrôle de l’industrie pharmaceutique, qui les finance et décide de leur protocole.
2. C’est le lieu où se tissent les liens les plus serrés entre la profession médicale et l’industrie pharmaceutique.
3. Ils sont toujours présentés comme "scientifiques". Ils sont donc un bon exemple de l’économie de la connaissance qui est en train de subvertir toute la recherche.
Les essais cliniques requièrent une série d’opérations de recrutement successives : le commanditaire doit recruter des statisticiens et des experts en protocoles qui décideront du meilleur schéma à suivre en fonction de ce que les essais précédents (sur animaux, par exemple) ont montré – résultats qui ne sont souvent connus que d’eux –, puis des experts médicaux, qui recruteront eux-mêmes des médecins hospitaliers, qui recruteront à leur tour des patients. Mais chacun a ses propres intérêts ! Le commanditaire veut une "autorisation de mise sur le marché", les experts médicaux veulent être rémunérés et pouvoir publier dans une bonne revue qui améliorera leur réputation. Et le seul intérêt des patients, c’est de guérir !
C’est là que l’ensemble des propositions faites par le professeur Raoult a pu trouver toute sa force : un dépistage massif + une offre de traitement précoce + jamais de placebo. Ce refus du placebo a scandalisé la plus grande partie de ses confrères. Là où la proposition de Didier Raoult aurait dû les faire hésiter, réfléchir, ils se sont contentés de rappeler les impératifs de la science et de la rationalité. Ils se sont même plaints d’être désormais confrontés au refus de nombreux patients réclamant d’être soignés selon le protocole marseillais de participer à toute étude contre placebo. L’obtention de leur "consentement éclairé" était désormais vue par certains comme un emmerdement. Voilà que les patients étaient maintenant comme l’idiot de Bartleby répétant "I would prefer not to". Insupportable !

 
Faire une place aux patients
La proposition de Raoult (pas de placebo) méritait pourtant d’être entendue, discutée et intégrée aux obligations qui sont celles des chercheurs. Là où on a pris l’habitude de renvoyer à un consentement éclairé bureaucratisé et à un comité d’éthique extérieur, une nouvelle place aurait pu à cette occasion être faite aux patients sans les renvoyer à une irrationalité allant de soi et toujours plus menaçante. Or la plupart des chercheurs, qu’ils aient ou non le moindre contact avec des patients, n’ont pas hésité, n’ont pas tremblé, il n’y avait pour eux rien à discuter. Le choix de ne pas utiliser le placebo a été vécu non pas comme une obligation intéressante, même si elle ralentissait les choses, mais comme une sorte de capitulation. La mise en scène était dressée : irrationnel contre rationnel, charlatanerie contre science.
La proposition faite aux patients que l’on veut inclure dans une étude contre placebo a néanmoins quelque chose de terrible : "Vous n’aurez une chance de recevoir le candidat-médicament que si vous acceptez d’avoir une chance sur deux de ne pas l’avoir". Comment ne pas parler de chantage ? N’est-ce pas là un mode de vérification des médicaments qui définit les patients comme des proies ou des enfants, irresponsables mais dont on attend qu’ils soient dociles – et les chercheurs comme des prédateurs ?
On a fait des études contre placebo le Graal de la recherche sur les médicaments. Mais ne pourrait-on penser à d’autres questions ? Une étude sans placebo n’aurait-elle pas permis de savoir si le traitement proposé par le professeur Raoult marchait sur certains profils de patients à l’exclusion d’autres ?
L’appel à la science avait-il un autre objectif que de repousser une trop grande implication des patients dans la définition des essais cliniques ? Ne craignait-on pas qu’ils sortent de leur rôle passif ? Ne s’agissait-il pas de faire taire la clameur de la rue ?

 
Et le vaccin ?
La question du vaccin va reposer toutes ces questions à une échelle infiniment plus grande. Elle est l’objet de prétentions qui pourraient être qualifiées de délirantes ; on va, signe des progrès extraordinaires de la science, le mettre au point en un temps record : deux ans ? Non ! Dix-huit mois ? Non ! Six mois… Le président Trump insistant pour que l’on aille encore plus vite. Et les autorités scientifiques demandent aux pouvoirs publics de commencer dès maintenant une campagne pour rassurer le public, méfiant.
Le mot "vaccin" devrait pourtant suffire à rassurer tout le monde : un vaccin est par définition forcément bon. Mais si nous avons besoin de vaccins, c’est de vaccins de qualité, mis au point avec toute la prudence nécessaire et donc sans sauter d’étapes. Or la seule façon d’aller plus vite est de superposer les phases habituellement successives de l’étude garantissant son efficacité et sa sécurité. Comment éviter que la pression à l’urgence ait pour prix la sécurité des vaccinés ou l’efficacité du vaccin ?
Certains experts, comme Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des maladies infectieuses aux États-Unis, a même commencé à prendre ses distances avec ce type d’ambition dans plusieurs interviews récentes. On ne convaincra pas ceux qui se méfient des vaccins si l’on n’est pas capables, là encore, d’associer, sous toutes les formes possibles, les patients à leur mise au point, en rendant publics tous les détails de leur conception, sans rien dissimuler. On ne convaincra pas le public en le traitant comme irresponsable par nature.
On est très loin du compte. Un étrange silence règne, par exemple, sur le dernier vaccin mis au point par Sanofi contre la dengue, justement en sautant des étapes. Un silence radio, même. Et pourtant, l’affaire n’est pas si vieille et les leçons sont intéressantes à tirer. En février 2016, Sanofi lançait aux Philippines le Dengvaxia et vaccinait 837.000 écoliers. Un lancement en fanfare ! Fin 2017, la campagne était interrompue : on avait de bonnes raisons de penser que le vaccin, au lieu de protéger, aggravait les infections chez des sujets n’ayant auparavant jamais été touchés par la dengue. Comme l’explique La Croixdans un excellent article : "Mais depuis novembre 2017, Sanofi fait profil bas. Le laboratoire a alors annoncé que son vaccin était en fait protecteur uniquement chez les personnes ayant déjà été infectées par la dengue par le passé. […] En principe, en effet, un vaccin vise à protéger des gens n’ayant jamais été infectés, mais dans le cas de la dengue, rien ne marche comme prévu. Au contraire, les personnes vaccinées semblent développer des formes plus graves que les non vaccinées".
On pourrait parler d’une affaire qu’il vaut mieux oublier pour ne pas donner d’arguments aux anti-vaccins. Là encore, il ne s’agirait que de protéger le public contre lui-même. Que ne ferait-on pas pour repousser l’hydre de l’irrationnel ?
On voit où les réflexes pour sauver le progrès dans une période d’incertitude nous mènent : à la mise sous silence d’informations cruciales, à l’infantilisation des patients. Le succès populaire du professeur Raoult sonne pourtant comme un avertissement : on ne fera plus avaler n’importe quoi à un public qui a chaque jour de nouvelles raisons de se méfier.
https://www.nouvelobs.com/idees/20200919.OBS33542/ce-que-masque-l-affaire-raoult-l-infantilisation-des-patients.html
 

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22 Septembre - Tests PCR et cycles d'amplification.

 
"""Pour chercher le virus, la technique PCR consiste à "zoomer" au travers de cycles successifs : plus on les accumule, plus on est capable de détecter d’infimes traces de virus. Or plus la charge virale est élevée, plus un patient serait contagieux. Il est donc pertinent de tenir compte du nombre de cycles d’amplification (CT) nécessaires à la détection du virus.
Alors que la plupart des tests pratiqués aux Etats-Unis font 37 ou 40 cycles, des spécialistes estiment que les tests seraient trop sensibles, que la limite devrait être fixée à 35 ou 30 cycles pour considérer un test comme "positif" (un patient comme contagieux) : près de la moitié auraient été négatifs en limitant la recherche à 35 cycles, et jusqu'à 70 % en la limitant à 30 cycles.
Selon Yazdan Yazdanpanah, il est presque acquis qu'on est contagieux au-dessous d’une valeur CT de 24, et que le risque diminue progressivement au-delà. On pourrait donc considérer qu'avec une valeur CT supérieure à 30, on est très peu, voire pas contagieux
[Raoult évalue de son côté autour de 35 cycles le seuil de non-contagion, ndlr]"""
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/09/09/covid-19-l-hypersensibilite-des-tests-pcr-entre-intox-et-vrai-debat_6051528_4355770.html
 


Donc selon des spécialistes américains, à 24 cycles on serait contagieux ; à 30 cycles 70 % des infectés ne le seraient plus. Or les tests en France se font sur une base de 40 à 45 cycles ! Le n'importe quoi se poursuit...
 
Notons encore que tout le monde se précipite pour se faire tester, sauf qu'en dehors des symptomatiques (qui doivent évidemment le faire), ça devient compliqué si 60 à 80 % des positifs ne sont pas contagieux. Bref, les gens se tapent trois heures de queue pour se faire tester essentiellement parce que la com des autorités est anxiogène, alors qu'on sait par exemple que les moins de 60 ans sont peu concernés par la maladie. De plus, si c'est pour attendre une semaine le résultat des tests, le jour où ils les ont, ils ne sont plus contagieux : s'ils sont positifs, ils ne sont plus contagieux au moment du résultat, et ils peuvent être négatifs et deux jours après se faire infecter. Reste à espérer que tout le monde ai bien compris dans quel sens ça marche, sinon les heureux gagnants recevront une boite de Doliprane remboursée par la sécu.

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5 Octobre - Rassuristes (Libé)

"""Ils ont le verbe flamboyant, l’assurance des sachants. Ils jouent les contradicteurs indignés sur les chaînes d’info en continu et font le buzz sur les réseaux sociaux. Ils s’appellent Didier Raoult, Christian Perronne, Jean-François Toussaint, Laurent Toubiana. Leur point commun ? Une lecture de la situation sanitaire à rebours de celle de leurs pairs : l’épidémie est en bout de course, le virus moins dangereux et les entraves à la vie sociale des citadins inutilement liberticides. Cette thèse, ils la défendent mordicus, quitte à ignorer les travaux de recherche internationaux qui les contredisent, à minimiser la menace pour les populations, l’incertitude qui entoure le comportement du virus incitant la plupart de leurs homologues à la retenue.
Accusés par le Pr Raoult le 24 septembre de "porter une responsabilité dans les mesures déraisonnables prises contre Marseille par le ministre de la Santé" en raison de messages trop alarmistes, 19 chefs de service de l’AP-HM ont martelé que leur rôle "n’est pas d’être alarmiste, mais de soigner des patients face à cette deuxième vague". (...) C’est que les discours déconnectés, l’hôpital n’en peut plus. Ebranlés par la première vague, les hospitaliers de terrain souscrivent pleinement aux restrictions sociales décidées par le gouvernement. Et ce même si l’on est encore très loin de la catastrophe sanitaire du printemps. (...) L'exaspération monte contre les marchands d’espoir à peu de frais. Si ces gens arrivent à fédérer une partie de la population, excédée par les restrictions, il pourrait y avoir une vraie levée de boucliers contre les mesures barrières et on serait dans une situation ingérable. Dans la cacophonie, les appels à la responsabilité risquent de moins porter.
"""
https://www.liberation.fr/france/2020/10/04/covid-19-rassurez-vous-qu-ils-disaient_1801403

Des contestataires s'organisent (Toussaint, Peronne, Toubiana, Mucchielli etc), mais pas sûr qu'ils le fassent avec la rigueur qui sied. Ces voix prennent un peu vite position à mon goût, et peuvent donc être critiquées sur nombre d'assertions qui feraient mieux d'être laissés en suspens... comme celle de nier les effets sanitaires du confinement par exemple, qui certes aurait pu et du être pris par régions et non à l'échelle nationale, mais de là à affirmer qu'il aurait fait plus de victimes que pas de confinement du tout, ça reste à voir. Du coup, les autorités ont eu beau jeu d'inverser les rôles en accusant désormais les contestataires d'employer un "ton péremptoire" quand eux seraient soi-disant les dépositaires de la prudence et du respect du principe d'incertitude ! Voilà donc les opposants accusés d'irresponsabilité, d'être "des marchands d'espoir" qui propagent un message illisible pour l'opinion, alors que ce sont bien les autorités qui ont partout affirmé tout et son contraire pendant des mois. Les autorités sont aujourd'hui "la science" et les opposants "les réseaux sociaux"... jusqu'à oser dire que ce serait les contestataires qui squattent les chaînes d'info en continu : gonflés quand même ! Bref les autorités attaquent là où les contestataires n'auraient du que les mettre en position de se défendre.

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(suit  et fin ici)

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