HEURES DE TRAVAIL TEMPS LIBRE ET ÂGE DE LA RETRAITE
Alejandro Teitelbaum
L'état actuel de développement des forces productives pourrait nous permettre d'entrevoir le seuil de la société envisagée par Marx il y a un siècle et demi : l'être humain libéré de la nécessité, du travail physique et du travail aliéné et disposant de plus de temps libre à consacrer à son épanouissement personnel [1].
Mais la tendance actuelle est tout à fait contraire et les élites politico-économiques, avec leur entourage d'économistes, de "politologues" et autres spécialistes[2], présentent comme inévitables des politiques sociales injustes, économiquement irrationnelles et écologiquement meurtrières.
Sous prétexte de lutter contre la crise et le chômage et de "sauver" la sécurité sociale, au lieu de réduire le temps de travail et d'augmenter les salaires et les pensions en fonction de l'augmentation de la productivité, on gèle ou on diminue les salaires, on augmente le temps de travail, on introduit la "flexibilité du travail", qu'on veut faire accepter par le néologisme de "flexicurité", on augmente l'âge de la retraite et on diminue les pensions et les retraites. Et alors que l'on dépense toujours plus pour l'armement et que l'on réduit ou limite les impôts sur les gros profits (dont l'ampleur astronomique au niveau de l'élite la plus riche échappe à la compréhension commune), on dit qu'il n'y a pas de ressources pour la santé publique, le logement décent et l'éducation[3].
[1] Voir Karl Marx, Éléments fondamentaux pour la critique de l'économie politique (Grundrisse). [Contradiction entre la base de la production bourgeoise (mesure de la valeur) et son propre développement. Machines, etc.]. Siglo XXI Editores, 12e édition, 1989, volume 2, p. 227 et suivantes.
[2] "La tendance de l'économie et des autres sciences sociales à s'adapter aux besoins et à la mentalité des membres aisés de la communauté a été suffisamment soulignée", John K. Galbraith, Voyage dans le temps économique, Editions du Seuil, Paris, octobre 1995, pp. 114-115.
[3] « Je suis convaincu que certaines des choses qui sont urgemment requises dans le domaine pratique, telles que le contrôle central des investissements et une distribution différente des revenus, de manière à fournir un pouvoir d'achat qui garantira un débouché pour l'énorme production potentielle que la technologie moderne permet, tendront également à produire un meilleur type de société... la technologie productive a atteint un tel niveau de perfection qu'elle a rendu évidents les défauts de l'organisation économique qui a toujours existé". John Maynard Keynes, The Dilemma of Modern Socialism (Society for Socialist Inquiry) 13 décembre 1931 in L'assurditá dei sacrifici, Ed. Manifestolibri, Rome, juin 1995.