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Billet de blog 2 juillet 2024

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LES ÉLECTIONS EN FRANCE

Défiance des citoyens à l'égard de la classe politique traditionnelle ; l'extrême droite a pu mentir en toute impunité en utilisant le monopole des médias; la grande majorité de la population est conditionnée par la consommation du numérique sous toutes ses formes - smartphones, tablettes, télévision, etc.

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LES ÉLECTIONS EN FRANCE

AlejandroTeitelbaum

I. L'avantage électoral du RN est le résultat d'une combinaison de facteurs :

1) la défiance des citoyens à l'égard de la classe politique traditionnelle ;

2) l'extrême droite a pu mentir en toute impunité en utilisant le monopole des médias, propriété d'un petit groupe de milliardaires. Entre autres, en qualifiant à tort LFI d'antisémite et de pro-terroriste.

3) La grande majorité de la population est conditionnée par la consommation du numérique sous toutes ses formes - smartphones, tablettes, télévision, etc. - à n'accepter que des arguments simplistes et est imperméable aux raisonnements complexes[1] sur la réalité sociale du système capitaliste actuel, qui révèle sa vraie nature : oppressive, prédatrice et exploiteuse.

Henri Laborit et Lars Svendsen ont abordé le sujet de la fausse conscience de classe[2] sous différents angles
Le biologiste Henri Laborit a écrit "Nos déterminismes sociaux sont dominants, car les sociétés, comme toute structure vivante, ont tendance à maintenir l'état dans lequel elles se trouvent pour préserver leur existence, soumettant l'individu à leurs préjugés, leurs préceptes, leurs  valeurs". Un tel sujet est - dit-on - en équilibre avec son environnement, un état idéal car il ne sera à l'origine d'aucune révolte. Il n'aura même pas besoin de penser..."[3].

Laborit soutient qu'un tel comportement, qui évite de recourir aux constructions imaginatives de notre cerveau structurant, a été très utile à certaines étapes de l'humanité, lorsque les êtres humains devaient se défendre rapidement et efficacement contre les agressions de l'environnement extérieur. Mais, aujourd'hui, alors que l'homme peut dominer l'environnement, ce comportement a perdu son objectif initial. Cependant - pour résumer l'exposé de Laborit - la maîtrise de l'environnement a entrainé l'apparition de l'accumulation et du capital, et "il est difficile d'imaginer un capital qui ne soit pas constitué pour augmenter". Le résultat est la persistance d'un comportement (chez la grande majorité des êtres humains, ajoutons-nous) déterminé par le système dominant et le blocage de l'émergence de "l'homme imaginatif", capable de penser une société différente. En ce sens, on peut lire dans le livre de Laborit, La nouvelle grille, cette excellente synthèse de la question : "En bref, où situer la classe des "travailleurs" et ses intérêts de classe ? Il est probable qu'un cadre supérieur ou un ouvrier spécialisé ait ou non conscience d'appartenir au prolétariat, à la classe des "travailleurs", en fonction des satisfactions - ou insatisfactions - de la domination hiérarchique qu'il ressent. Dans la classe ouvrière, il y a de parfaits bourgeois et heureux de l'être, même s'ils sont exploités et privés de leur plus-value, de même qu'il y a dans la bourgeoisie de véritables prolétaires et fiers de l'être, même si par ailleurs ils profitent pleinement de leur pouvoir économique et politique qu'ils considèrent comme équitable parce qu'ils ne contestent pas l'existence d'un pouvoir hiérarchique, mais son mode de répartition"[4].

Lars Svendsen écrit : [les travailleurs] " [...] en vinrent à accepter le rapport salarial et la division du travail qui en résultait. Contrairement aux attentes du marxisme révolutionnaire, ils ont cessé de remettre en question le paradigme capitaliste, se contentant de l'ambition plus modeste d'améliorer leur condition au sein du système. Cela signifie également que leur espoir de liberté et d'épanouissement réside dans leur rôle de consommateurs. Leur principal objectif était d'augmenter leur salaire afin de pouvoir consommer davantage » [5].

Elle résulte de l'hégémonie idéologique et culturelle des mêmes tendances obscurantistes, entretenues et élargies, par des méthodes contestables, dans les milieux académiques et universitaires.

Tendances qui ont imprégné plusieurs générations, des élites politiques e intellectuelles de toutes tendances, et qui ont contaminé aussi celles de gauche[6].

La France Insoumise a contribué, par ses errements politiques et tactiques, à accentuer la confusion ambiante. Erreurs imposées par JLM à travers une structure interne anti-démocratique, avec sa personnalité égocentrique et son idéologie populiste,[7] opposée à un projet de transformation radicale de la société capitaliste.

II. Le barrage  de l'extrême droite s'impose pour le second tour.

Mais, il s'agit d'une tactique politique de circonstance, à laquelle une gauche authentique doit mettre fin, une fois les élections terminées le 7 juillet.

Car dans un tel barrage, participent des personnages, des groupes et des partis politiques qui ont agi et agissent invariablement comme des laquais de l'impérialisme dominant en Occident et contre les intérêts des classes laborieuses, comme en cette période de crise profonde, c'est devenu plus évident.

III. Quel que soit le résultat des élections, un bloc majoritaire de droite sera  formé de fait à l'AN, qui légiférera, comme il l'a fait jusqu'à présent, en suivant les diktats du grand capital, contre les droits des classes laborieuses et du peuple en général.

Ainsi, à partir du 8 juillet, la tâche urgente et prioritaire est la (re)construction, à partir de la base, d'un parti authentiquement révolutionnaire qui interagisse avec les classes populaires et participe aux prochaines luttes qui ne tarderont pas à commencer lorsque l'imposture du RN et la confusion générale promue par les classes dominantes lors de la campagne électorale seront mises à nu.

IV. La progression de l’extrême droite y compris  dans les "grandes démocraties occidentales" avec leur aile fasciste, où des milices organisées pratiquant la violence sont impliquées, n'est pas un phénomène passager, et encore moins un phénomène anodin.

Le facteur aggravant est que la variante la plus réactionnaire recueille le consensus d'une grande partie de la population, malgré qu'elle souffre de la crise économique et qu'elle soit victime de l'exploitation et de l'oppression capitalistes, qui augmentent rapidement.

Non sans lien avec ce paradoxe - les pauvres faisant confiance aux plus riches qui les exploitent –à laquelle contribue le délitement  politique et idéologique des partis de gauche traditionnels, PS et PCF[8], qui ont perdu la plupart de leurs adhérents et sympathisants. Et les errements des nouvelles gauches.

La représentation politique de la gauche, dont les formations traditionnelles risquaient de disparaître, a donc été réduite au minimum.

LFI a alors émergé, avec un programme résolument alternatif à celui des classes dirigeantes au pouvoir et sa proposition du NUPES, qui, outre le fait de dépasser en partie les ambiguïtés et les renoncements programmatiques du PCF, du PS et d'EELV, leur offrait une bouée de sauvetage face à la perspective de leur quasi-disparition des instances électives.

LFI et NUPES ont suscité un écho positif chez de nombreuses personnes aux idées de gauche, mais elles ont perdu leur enthousiasme initial en constatant le fonctionnement concret de ces deux instances, alourdies par les idéologies dominantes et, en particulier LFI, par leur organisation gazeuse et verticaliste.

LFI, en contradiction avec sa proposition de transformer/démocratiser l'appareil d'État, consacre une attention disproportionnée aux institutions existantes, sur lesquelles elle semble confier pour obtenir des changements positifs significatifs dans la situation politique, économique et sociale en train de se dégrader rapidement. Et  commet des erreurs stratégiques et tactiques[9] qui ne contribuent pas à modifier les rapports de force au sein de la population. Dans le cadre de l'attention quasi obsessionnelle que LFI consacre aux  échéances électoraux.

Des origines du capitalisme à nos jours, l'État a été et est "une machine essentiellement capitaliste, l'État des capitalistes".

Il ne s'agit donc pas d'"améliorer" l'État, mais de le démanteler et de le transformer en des formes institutionnelles totalement différentes, qui donnent le pouvoir de décision à ceux qui travaillent (ce qui n'est pas la même chose qu'une "participation" formelle aux décisions prises par les "dirigeants"). Y établir mandats révocables et non renouvelables à tous les niveaux afin de  constituer une barrière insurmontable à la formation de bureaucraties.

Parallèlement, avec le démantèlement de l’Etat capitaliste,  les rapports de production capitalistes doivent être  abolis, en socialisant les instruments et les moyens de production et d'échange. En d'autres termes, un socialisme démocratique et participatif consistant en un système - jusqu'ici inédit dans le monde - basé sur la propriété sociale ou collective des instruments et des moyens de production et d'échange et sur des formes institutionnelles permettant l'intervention active et consciente des individus et des collectivités dans la prise de décision à tous les niveaux et à toutes les étapes, depuis la détermination des objectifs et des moyens pour les atteindre jusqu'à leur mise en œuvre et au contrôle et à l'évaluation des résultats.

En gardant toujours à l'esprit l'avertissement d'Engels dans l'introduction de 1891 à La guerre civile en France : " (...) une vénération superstitieuse de l'État et de tout ce qui s'y rattache, vénération superstitieuse qui s'enracine dans les consciences d'autant plus facilement qu'on est habitué dès l'enfance à penser que les affaires et les intérêts communs à toute la société ne peuvent être gérés et sauvegardés autrement que comme ils l'ont été jusqu'à présent, c'est-à-dire au moyen de l'État et de ses fonctionnaires bien rémunérés. Et l'on croit qu'il a fait preuve d'une énorme audace en se débarrassant de sa foi en la monarchie héréditaire et en s'enthousiasmant pour la république démocratique. En réalité, l'État n'est rien d'autre qu'une machine à opprimer une classe par une autre, que ce soit dans la république démocratique ou sous la monarchie ; et dans le meilleur des cas, c'est un mal qui se transmet héréditairement au prolétariat triomphant dans sa lutte pour la domination de classe".

Tel devrait être le projet de ceux qui veulent vraiment un changement radical de société conduisant à la libération et à la réalisation de l'être humain. Qui devraient préfigurer dans leurs propres organisations, avec la participation de tous leurs membres aux délibérations et décisions.

La désorientation de la gauche n'est pas seulement le résultat de l'influence d'idéologies conservatrices et irrationnelles, mais elle est due à plusieurs facteurs que nous pourrions résumer, à commencer, par l'énorme déception provoquée par le passage de la République soviétique, qui avait fait naître l'espoir d'un monde nouveau, à une bureaucratie néo-capitaliste et autoritaire, puis le refus de ces gauches d'accepter la réalité d'une société dominée par une minorité de grands capitalistes qui assujettissent et exploitent les grandes majorités et qui, face à la crise économique, sociale, culturelle et environnementale du système, ont ouvert la voie d'une dictature d'inspiration fasciste pour préserver leurs privilèges.

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La définition du fascisme de Georgi Dimitrov (7ème Congrès de l’International Communiste, août 1935) est devenue un élément de base de l'idéologie communiste : « Le fascisme au pouvoir est, comme l'a caractérisé avec raison la XIIIe Séance Plénière du Comité exécutif de l'Internationale Communiste, la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier ». https://www.lesmaterialistes.com/georgi-dimitrov-definition-fascisme.

NOTES

[1] Michel Desmourget, docteur en neurosciences, TV Lobotomie - la vérité scientifique sur les effets de la télévision ; La fabrique du crétin digital.

 [2] Dans le langage des auteurs liés à la sociologie marxiste, les conceptions et les idées des individus qui ne correspondent pas - ou qui contredisent directement - leurs conditions matérielles d'existence sont appelées fausses consciences. Celle-ci, outre qu'elle n'offre pas une vision fiable de la réalité, rend difficile la connaissance de la vérité. Un exemple de fausse conscience est l'adoption de l'idéologie bourgeoise par un travailleur salarié. On peut également dire qu'un tel travailleur manque de conscience de classe, puisqu'il adopte une vision du monde qui ne correspond pas à ses intérêts individuels et de classe, mais aux intérêts de classe de la bourgeoisie.

 [3] Laborit, Henri, L’homme imaginant, essai de biologie politique, Union Générale d’Editions, 1970, pages. 16-17.

[4] Laborit, Henri, La nouvelle grille, Edit. Robert Laffont, France, 1987, pages. 184-185.

[5] Lars Svendsen, Le travail. Gagner sa vie, à quel prix ? Éditions Autrement, Paris, septembre 2013, p. 140.

 [6] Teitelbaum, France : bilan  idéologique et culturel. https://blogs.mediapart.fr/aleteitelbaum/blog/290822/france-bilan-ideologique-et-culturel

 7 Martin Retamozo, Ernesto Laclau's theory of populism : an introduction. La théorie du populisme d'Ernesto Laclau : une introduction. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0185161617300185. Voir ci-dessus - en France : bilan idéologique et culturel, la note 15.

 [8] La plupart de l'électorat ouvrier du PCF a migré vers le FN/RN.

 [9] Lors du débat parlementaire sur le relèvement de l'âge de la retraite, LFI a choisi d'utiliser la tactique du blocage et du happening au lieu de se servir de l'AN comme d'une plateforme pour expliquer à la population le contenu réactionnaire et antipopulaire du projet du gouvernement.

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