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Billet de blog 4 septembre 2024

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LA DICTATURE DU GRAN CAPITAL AU GRAND JOUR

En 2017  nous écrivions : ... Il est de plus en plus évident que le mythe de la démocratie "représentative", ou de la "démocratie délégative" comme certains l'appellent, est en état de décomposition avancée.

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LA DICTATURE DU GRAN CAPITAL AU GRAND JOUR

Alejandro Teitelbaum

En 2017  nous écrivions : ... Il est de plus en plus évident que le mythe de la démocratie "représentative", ou de la "démocratie délégative" comme certains l'appellent, est en état de décomposition avancée. Cette démocratie consiste à ce que les citoyens soient périodiquement appelés à choisir entre différents noms sur le bulletin de vote et à opter pour ceux qu'ils croient - après avoir subi un lavage de cerveau pendant la campagne électorale - être les personnes qui représenteront le mieux leurs intérêts et leurs opinions, en leur déléguant - sans limitation ni contrôle ultérieur - le pouvoir de décider de tout ce qui peut affecter leur propre existence d'une manière ou d'une autre ... Le vote des citoyens subit le conditionnement de la propagande électorale canalisée par les oligopoles médiatiques gouvernementaux ou au service des secteurs de la bourgeoisie opposés au gouvernement en place, où les propositions alternatives de certains mouvements de gauche n'apparaissent pratiquement pas.

En règle générale, les élus font le contraire de ce qu'ils ont promis. Parce que - comme le pensent les politiciens professionnels et certains le disent à haute voix - c'est une chose de faire campagne pour des élections et une autre de gouverner.

Depuis quelques années, de nombreux citoyens ont cessé de croire en ce système et l'ont montré en s'abstenant de voter (les chiffres de l'abstentionnisme sont de plus en plus élevés) ou en déclarant, dans différentes enquêtes, leur manque total de confiance dans les politiciens et les partis politiques en général. Ce dernier point se reflète également dans la chute verticale du nombre de membres des partis, toutes tendances confondues[1]. En substitution des partis, des mouvements hétéroclites d'"indignados" apparaissent, qui finissent par s'éteindre.

Un autre élément qui montre la dégradation progressive de la démocratie représentative est l'analyse de la composition sociale des parlements - la supposée "représentation populaire" - où les classes populaires, et en particulier les ouvriers, n'ont jamais été représentés proportionnellement à leur poids démographique. Et au cours des dernières décennies, la courbe de cette représentation a été descendante jusqu'à ce qu'elle soit aujourd'hui, en ce qui concerne les travailleurs, presque nulle. Les taux les plus élevés correspondent, dans certains pays, aux périodes où les partis communistes et sociaux-démocrates qui comptaient une proportion relativement élevée de travailleurs dans leurs rangs, ce qui se reflétait en partie dans leur représentation parlementaire. Mais aujourd'hui, le divorce entre les partis sociaux-démocrates et communistes et les classes ouvrières c’est un fait.

Par exemple en France, dans la première Assemblée nationale d'après-guerre, où le parti communiste avait 150 députés sur 522, les ouvriers et employés représentaient 18,8% des députés, le taux le plus élevé depuis la création de l'Assemblée nationale en 1871. Déjà en 1958, ce taux était tombé à 4 %, en 1967 il est passé à 9 % et en 2012 il était de 2 %.  Alors que dans la société française, les ouvriers et les employés représentent près de 50% de la population active[2] .

Environ 80% des députés français entrés au Parlement en 2007 et 2012 sont issus des catégories aisés de la population (industriels, chefs d'entreprises, professions libérales, cadres supérieurs, etc.) catégories qui représentent entre 13 et 14% de la population [3]. À la suite des élections de 2022, on a constaté une augmentation presque imperceptible, tous partis confondus, de la présence de travailleurs à l'AN.

 Un tableau statistique, tiré d'enquêtes réalisées par l'Institut de recherche sur les élites parlementaires de l'Université de Salamanque, fournit les données suivantes sur le pourcentage de députés d'origine ouvrière ou artisanale dans certains pays d'Amérique latine : Argentine 2,2 % ; Bolivie 11,2 ; Chili 4,6 ; Uruguay 8,3 et Brésil 0,8 % [4].

En France , lors des élections législatives qui ont suivi les élections présidentielles, 7878 candidats de plus d'une douzaine de partis se sont présentés. 135 d'entre eux (2 %) ont déclaré être des ouvriers. Parmi les partis ayant une chance d'avoir des députés ouvriers  élus, le parti communiste, les Insoumis, le Front national et les écologistes ont présenté 7 ou 8 candidats travailleurs. Les partis de centre-droit et le parti socialiste n'ont pas présenté de candidats ouvriers et les Marcheurs  un. Tous les candidats ouvriers, qui se présentaient dans les districts où leur parti respectif avait le moins de chances, ont été éliminés au premier ou au second tour et le résultat est qu'il n'y avait AUCUN député ouvrier dans le Parlement de 2017. Malgré le fait qu'ils constituent 20,5% de la population active de la France.

Les députés sont investis d’un mandat national. Bien qu’élus dans une circonscription, chacun représente la Nation toute entière.

Les circonscriptions dans le cadre desquelles se déroule l’élection de chaque député sont délimitées par le code électoral à l’intérieur de chaque département, en fonction de l’importance de la population. À l’heure actuelle, leur nombre varie ainsi selon les départements de 1 à 21.

La loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 a habilité le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnances, au redécoupage des circonscriptions, le précédent découpage électoral remontant à 1986.

Ce redécoupage électoral devrait respecter un certain nombre de règles énoncées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et rappelées dans la loi d’habilitation : ainsi, la délimitation des circonscriptions devait reposer sur des bases essentiellement démographiques ; des écarts de population entre les circonscriptions pouvaient être admis, s’ils étaient limités et justifiés par des impératifs d’intérêt général ; en aucun cas, la population d’une circonscription ne pouvait s’écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département.

Dans la pratique, ce n'est pas le cas [5], de sorte qu'il existe un décalage important entre l'expression de la volonté populaire et son reflet dans le nombre de sièges détenus par chaque parti politique. Certains partis ont un pourcentage de sièges supérieur au pourcentage de votes, d'autres un pourcentage inférieur. L'écart est parfois considérable.


Il existe donc, pour l'exercice de la fonction parlementaire, un processus de recrutement sélectif et de classe qui passe par les organes politiques (de droite comme de gauche) d'une part[6], et un décalage considérable entre l'expression de la volonté populaire par le vote et la composition de l'Assemblée nationale.

Dans la note  1 du Prologue nous écrivons Le gouvernement actuel de la France (2023) est prototypique de l'État dans le système capitaliste. Il cadre parfaitement avec les analyses faites par Lénine dans L'État et la Révolution. Il peut être très instructif de le prendre comme étude de cas pour vérifier les hypothèses formulées par Lénine.

Avec cette vision de l'État bourgeois, un mouvement ou un parti qui se considère comme révolutionnaire doit établir sa stratégie en combinant ses activités dans les institutions bourgeoises avec son travail parmi les masses populaires, en interagissant avec elles, en aidant à les organiser, en expliquant les événements du point de vue de l'antagonisme de classe, et ainsi de suite.

Au Parlement on présente ses propres idées et propositions, on démasque les pièges du Pouvoir, et on peut obtenir des résultats positifs partiels et temporaires. Pour cela, on doit respecter ses règles et ses "tempos". Cela exclut la tenue de "happenings" en son sein et l'utilisation de tactiques d'obstruction. Et, bien sûr, des succès partiels au Parlement sur des questions importantes ne peuvent être acquis qu'en combinant l'activité parlementaire avec la mobilisation des classes populaires.

[Si les travailleurs ne veulent pas travailler jusqu’à l’épuisement ou partir avec une pension de misère, ils ne peuvent pas mettre leurs espoirs dans le Parlement mais doivent compter sur leur mobilisation et en particulier sur la grève. Macron n’est qu’un exécutant des exigences patronales. Si les travailleurs menaçaient la production, c’est-à-dire la machine à profits du grand patronat, ce dernier lui demanderait bien vite de remiser sa loi]. 

Comme tribune, le Parlement  sert à partager les expériences avec les masses populaires en leur expliquant les limites étroites du parlementarisme bourgeois, qui est organisé de telle sorte qu'une minorité de privilégiés tient en otage la majorité du peuple.

 Certains citoyens semblent désormais s'apercevoir de cette réalité. Mais, la grande majorité d'entre eux continuent de penser qu'il n'existe pas de meilleur système politique auquel aspirer que celui qui prévaut dans les soi-disant démocraties occidentales. Ainsi, il ne fait pas partie de leurs projets de rechercher un changement qualitatif dans un système qui, surmontant le capitalisme, parvient à être réellement démocratique, fondé sur la justice sociale, et inspiré par la Commune de Paris.

[1] Voir : Des élections en mal de démocratie ? Frédéric Thomas

  https://www.cetri.be/Des-elections-en-mal-de-democratie

… “La démocratie est souvent réduite aux élections. Mais la croyance en l’efficacité de celles-ci décroit partout dans le monde, à mesure que croît la défiance envers la politique. Et la soif de démocratie effective.…Dans le discours politique et médiatique dominant, la démocratie est le plus souvent réduite aux élections. A priori, les pays où les gens votent seraient démocratiques. Mais, cette assertion butte sur un double paradoxe. Les élections sont devenues la norme , y compris au sein de régimes autoritaires, voire dictatoriaux. De plus, la confiance en celles-ci tend à diminuer, au nom même de l’attachement aux principes démocratiques qui, lui, demeure important.…Selon l’enquête 2021 de l’OCDE, moins de 40% des personnes interrogées font confiance en leurs gouvernements, parlements et partis politiques, …Les forces de gauche sont engagées dans une course contre la montre pour donner à la défiance et au ras-le-bol un sens émancipateur et les dégager de la sorte des tentations autoritaires. Cela implique de se défaire du fétichisme électoral en prenant la mesure de la soif de changement, en renouant avec la critique libertaire du système électoral et de la démocratie représentative et en ouvrant l’imaginaire politique aux expressions d’une démocratie (davantage) égalitaire et directe”.

[2] De quel milieu social sont issus les députés ? Observatoire des inegalités, 2013. https://datan.fr/statistiques/deputes-origine-sociale

[3] Daniel Gaxie, Questionner la représentation politique. Université de Paris I, Centre Européen de Sociologie et Science, in Savoir/Agir. n° 31, mars 2015.

[4] Constanza Moreira, Entre la protesta y el compromiso. La gauche au gouvernement. Editorial Trilce, Uruguay. 2009. p. 117.

[5] Législatives : les seuils de voix varient de 1 à 50 selon les circonscriptions pour se qualifier au second tour. Environ 18 000 voix seront nécessaires pour se maintenir dans la 3ᵉ circonscription de Vendée, mais seulement 634 à Saint-Pierre-et-Miquelon, et plus de 33 000 pour les Français d’Amérique du Nord (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/06/27/legislatives-2024-les-seuils-de-voix-varient-de-1-a-50-selon-les-circonscri)

[6] On peut donc dire que le taux de représentation des couches socio-économiques dans le Parlement est inversé par rapport à la réalité sociale. En d'autres termes, les couches sociales les plus riches et les moins nombreuses sont surreprésentées et les plus modestes et les plus nombreuses sont sous-représentées.

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