HAITI. HISTOIRE D'UN GENOCIDE ET D'UN ECOCIDE
Alejandro Teitelbaum
Lorsque Christophe Colomb arrive en 1492 sur l'île qu'il appelle Hispaniola (Haïti et Saint-Domingue), il trouve un véritable verger occupé par une importante population indigène vivant paisiblement.
Mais dès le début des années 1500, les Espagnols ont commencé à dévaster l'île et à décimer ses habitants par le travail forcé et la répression lorsqu'ils se révoltaient, à tel point qu'au milieu du XVIe siècle, ils ont dû commencer à les remplacer par des Africains réduits en esclavage, qu'ils ont également sauvagement exploités et qui se sont bientôt révoltés.
Au milieu du XVIIe siècle, les Espagnols ont abandonné une partie de l'île, qui a été occupée par les Français, qui ont poursuivi l'œuvre génocidaire et dévastatrice de leurs prédécesseurs, avec de bons résultats pour eux : en 1700, Haïti était le premier producteur mondial de canne à sucre.
Lorsqu'il s'agit de déposséder d'autres peuples, les Anglais ne sont généralement pas absents : au XVIIe siècle, des pirates anglais se sont postés sur l'île de Tortuga, au nord d'Haïti, pour accoster les navires espagnols, et en 1794, ils ont occupé Port-au-Prince.
À l'époque de la conquête espagnole, 80 % de l'île était couverte de forêts d'essences diverses : cocotiers, manguiers, papayers, acajous, ceiba, tamarins, etc.
Au 18ème siècle, les cultivateurs de canne à sucre, d'épices, de café, d'indigo, ont procédé à une déforestation massive pour faire place à leurs cultures, et pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont accéléré le déboisement pour planter du sisal et de l'hévéa.
Les Duvalier ont complété le travail par l'exploitation effrénée des forêts de feuillus comme l'acajou.
Ainsi, au début du XXIe siècle, la surface forestière, qui occupait 80 % du territoire au moment de la conquête, a été réduite à 2 % en Haïti et à 30 % à Saint-Domingue, avec d'énormes conséquences écologiques et climatiques.
La première République d'Amérique latine et des Caraïbes et la première République noire du monde.
Il y a un peu plus de 200 ans, le 1er janvier 1804, la population noire d'Haïti a eu l'insolence d'abolir l'esclavage et de se proclamer République indépendante. C'était la première République indépendante d'Amérique latine et des Caraïbes, et la première République noire du monde.
Elle paie aujourd'hui encore cette insolence en termes de racisme et de néocolonialisme.
L'abolition de l'esclavage en Haïti a fait craindre que les esclaves des possessions coloniales européennes voisines et des États-Unis, où l'esclavage a existé jusqu'à la guerre de Sécession dans les années 1860, ne fassent de même. En conséquence, Haïti a souffert d'une longue période d'isolement international.
La rébellion générale des esclaves a commencé en Haïti en 1791.
En 1792, l'Assemblée nationale française décide d'accorder la citoyenneté aux hommes de couleur libres, et en 1794, la Convention nationale française déclare l'abolition de l'esclavage des Noirs dans toutes les colonies françaises.
Mais en 1802, Napoléon, qui a l'intention de rétablir l'esclavage dans les colonies, envoie une expédition militaire de 24 000 hommes en Haïti sous le commandement de son beau-frère, le général Leclerc, qui obtient d'abord l'acquiescement d'une partie des Haïtiens sur la fausse promesse de ne pas rétablir l'esclavage.
Toussaint Louverture, avec une autre partie des Haïtiens, n'est pas dupe et se bat contre les Français avec des fortunes diverses.
En mai 1802, Toussaint propose de capituler en échange de la liberté et que ses troupes rejoignent l'armée française, conditions que les Français acceptent. Mais la duplicité des Français est révélée par la nouvelle du rétablissement de l'esclavage dans d'autres colonies comme la Guadeloupe et la capture par ruse de Louverture le 7 juin et son envoi en France, où il est emprisonné dans des conditions difficiles jusqu'à sa mort en 1803.
Les rebelles reprennent alors le combat avec plus de vigueur et finissent par vaincre l'armée envoyée par Napoléon et entrent à Port-au-Prince en octobre 1803. Les forces françaises, qui ont perdu plusieurs milliers d'hommes, leur commandant le général Leclerc et plusieurs autres généraux, évacuent l'île en décembre 1803, et la République est proclamée le 1er janvier 1804.
Depuis lors jusqu'à aujourd'hui, les Haïtiens ont subi des invasions (par les États-Unis de 1915 à 1934), des dictatures sous le haut patronage des États-Unis, des coups d'État et de nouvelles invasions.