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Billet de blog 6 novembre 2025

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AUSCHWITZ, QUATRE VINGT ANS APRÈS

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AUSCHWITZ, QUATRE VINGT ANS APRÈS

Par Alejandro Teitelbaum

Auschwitz était le plus grand camp de concentration et d'extermination organisé par la machine nazie, où des millions de personnes ont été soumises au travail forcé, à la famine, aux fusillades, aux fours crématoires et aux chambres à gaz. C'était l'industrialisation de la mort.

Ces camps sont restés dans la mémoire collective comme l'expression de la plus grande bestialité dont l'être humain est capable.

Mais dans ces commémorations, indispensables pour conserver la mémoire de cette horreur indicible, on a presque oublié un aspect des camps de concentration, camps de la mort mais aussi sources de main-d'œuvre esclave pour les grandes entreprises.

Le 30 avril 1942, Oswald Pohl, chef du « Bureau principal économique et administratif SS », envoyait à Himmler un rapport sur « La situation actuelle des camps de concentration » :

« La guerre a entraîné des changements structurels visibles dans les camps de concentration et a radicalement modifié leurs tâches en ce qui concerne l'utilisation des détenus. La détention pour des raisons de sécurité, d'éducation ou de prévention n'est plus au premier plan. Le centre de gravité s'est déplacé vers l'aspect économique ».

Le règlement qui en découla stipulait que les détenus devaient travailler jusqu'à l'épuisement afin d'atteindre un rendement maximal, que la journée de travail était illimitée et ne dépendait que de la structure et de la nature du travail.

De cette main-d'œuvre gratuite et esclave ont profité de grandes entreprises telles que Krupp et Siemens, mais surtout, à Auschwitz, l'IG Farbenindustrie, qui a installé à Buna, troisième camp d'Auschwitz, une usine de caoutchouc synthétique. Environ 35 000 détenus y sont passés, dont 25 000 sont morts (Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988).

D'autres grandes entreprises allemandes ont également participé et profité de l'Holocauste, notamment Volkswagen et Daimler Benz.

IBM et l'Holocauste, d'Edwin Black (éd. Laffont, Paris, février 2001), raconte comment le célèbre géant américain de l'informatique a travaillé pour le régime nazi (les cartes perforées d'IBM ont servi à identifier et à répertorier ceux qui seraient persécutés et éliminés).

Ford et General Motors ont également eu recours au travail forcé sous Hitler, fabriquant pendant la guerre des véhicules militaires en Allemagne pour l'armée allemande.

Hitler, dans le bureau duquel était accroché le portrait d'Henry Ford, l'a décoré en 1938 de la Grand-Croix de l'Aigle allemand. Ils avaient en commun, entre autres, un antisémitisme virulent. Hitler était un grand admirateur du travail à la chaîne mis en place par Ford dans ses usines. Dans son autobiographie My life and work, Ford écrit, comme le rappelle Charles Petterson (Eternal Treblinka: Our Treatment of Animals and the Holocaust), qu'il s'était inspiré pour le travail à la chaîne du mode de fonctionnement des abattoirs de Chicago. La boucle est ainsi symboliquement bouclée. Comme le dit un personnage du roman La vie des animaux de J.M. Coetzee : « Chicago nous a montré la voie, c'est dans les enclos pour animaux de Chicago que les nazis ont appris à traiter les corps ».

Plusieurs des entreprises qui ont participé et profité de l'Holocauste participent aujourd'hui à de grandes réunions internationales, financent des fondations et subventionnent des ONG, mais, à l'instar de Volkswagen et Ford, elles rechignent à verser les indemnités réclamées par les survivants des travaux forcés.

Mais elles n'ont jamais complètement abandonné leurs anciennes pratiques et continuent aujourd'hui encore à violer les droits humains, en fomentant des guerres civiles, en encourageant des coups d'État (en collaboration avec la CIA), en soutenant des dictatures, en violant le droit à la santé, les droits du travail et les droits environnementaux, etc.

Et bien sûr, elles sont imitées par des sociétés transnationales plus récentes ou plus anciennes qui ont changé de nom, mais pas leurs habitudes. Avec leurs slogans de rendement maximal, de réduction des salaires, d'augmentation du temps de travail et de flexibilisation du travail, le règlement du travail d'Auschwitz reste l'idéal de ces entreprises.

Et l'esclavage subsiste sous la forme de la traite des hommes, des femmes et des enfants à des fins d'exploitation sexuelle ou par le travail, tout comme subsistent le racisme, la xénophobie et les diverses formes de discrimination et d'intolérance, souvent encouragées par les gouvernements.

En ce 80e anniversaire de la libération des camps nazis, il convient de rappeler la phrase qui conclut « L'ascension résistible d'Arturo Ui » de Bertold Brecht :

APPRENEZ À VOIR AU LIEU DE REGARDER BÊTEMENT, AGISSEZ AU LIEU DE BAVARDER ET PENSEZ QU'UNE FOIS, CELA A FAILLI DOMINER LE MONDE ! LES PEUPLES ONT RÉUSSI À VAINCRE, MAIS PERSONNE NE DOIT CRIER VICTOIRE AVANT L'HEURE... LE VENTRE D'OÙ EST SORTIE L'IMMONDICE EST ENCORE FÉCOND !

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