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Billet de blog 13 décembre 2022

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CORRUPTION –PARLEMENT EUROPEEN LA PARTIE ÉMERGÉ  L'ICEBERG

Les grandes entreprises transnationales européennes, regroupées au sein de l'UNICE - l'Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe - contrôlent étroitement la Commission européenne

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CORRUPTION –PARLEMENT EUROPEEN LA PARTIE ÉMERGÉ  L'ICEBERG

Alejandro Teitelbaum

La corruption est un crime qui nécessite deux auteurs : celui qui corrompt (corruption active) et celui qui se laisse corrompre (corruption passive). En termes généraux, la corruption passive consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose en rapport avec l'exercice d'une fonction publique en échange d'argent ou d'autres cadeaux ou promesses de cadeaux faits par le corrupteur actif. Elle a de graves conséquences économiques et sociales et constitue une source d'inquiétude pour ceux qui s'intéressent à la gestion honnête de l'administration de l'État et au contrôle démocratique de cette gestion. Il existe des formes de corruption qui ne sont ni couvertes par les définitions habituelles ni discutées lors des conférences internationales, mais qui faussent aussi gravement le fonctionnement des institutions dans la prise de décision en matière de politique économique et sociale, comme (dans les pays pauvres comme dans les pays riches) le financement manifeste ou occulte des partis politiques, des ONG, des médias, etc. La corruption d'agents publics est un crime dans de nombreux pays, du moins formellement. Dans les pays plus riches, alors qu'il y a une certaine rigueur dans la punition des fonctionnaires eux-mêmes qui se livrent à la corruption passive, il n'y a aucune punition pour les nationaux eux-mêmes qui corrompent des fonctionnaires étrangers, c'est-à-dire qui se livrent à la corruption active. Il y a quelques années, lorsque la corruption a été discutée à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, les représentants des pays riches ont tenté d'attribuer le phénomène exclusivement aux pays du tiers monde, mais ces derniers se sont opposés à cette approche et la Commission a finalement adopté une résolution affirmant que la corruption était un phénomène mondial. Les 8e et 9e Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants ont abordé la question de la corruption. Lors du 9e congrès, l'ancien juge italien Antonio di Pietro a déclaré que la corruption ne devait pas être différenciée entre les pays en développement et les pays développés, que l'analyse devait se fonder sur la "démocratie de la responsabilité" et non sur la "démocratie de la prospérité", que le phénomène transcende les frontières nationales et qu'il touche non seulement les fonctionnaires mais aussi le secteur privé. Des conventions internationales contre la corruption ont été adoptées : La Convention interaméricaine de 1996, la Convention de l'OCDE de 1997, en vigueur depuis 1999, la Convention pénale européenne sur la corruption, adoptée par le Conseil de l'Europe le 27 janvier 1999, ouverte à la signature des Etats à la même date et en vigueur depuis le 1er juillet 2002 et la Convention civile européenne contre la corruption, en vigueur depuis le 1er novembre 2003. La Convention pénale européenne sur la corruption de 1999 est le plus complet des quatre instruments mentionnés ci-dessus, car elle décrit de manière assez détaillée les différents cas de corruption : a) la corruption active et passive des agents publics nationaux ; b) la corruption de membres d'assemblées publiques nationales, c) la corruption d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères ; d) la corruption active et passive dans le secteur privé ; e) la corruption de fonctionnaires internationaux et de membres d'assemblées parlementaires internationales, f) la corruption des juges et des fonctionnaires des tribunaux internationaux ; (g) le trafic d'influence ; et h) le blanchiment du produit des infractions de corruption. Un autre aspect très important de la Convention pénale européenne sur la corruption est que l'article 18 établit la responsabilité pénale des personnes morales. Cette responsabilité n'apparaît pas dans la convention interaméricaine, tandis que la convention de l'OCDE laisse aux États le choix entre une responsabilité pénale, civile ou administrative. Le même article 18 de la Convention européenne établit la responsabilité pénale des personnes physiques représentant des personnes morales et celle des instigateurs et des complices. La Convention européenne peut être une source d'inspiration pour les initiatives et les actions, aux niveaux national, régional et international. La convention de l'OCDE n'est pas directement applicable dans les États signataires et nécessite une législation nationale de mise en œuvre. Elle ne couvre pas les filiales établies dans des pays tiers de sociétés qui ont leur siège dans des États membres, c'est-à-dire que la fiction juridique de l'autonomie de la filiale est acceptée, sans "lever le voile" sur la réalité économique selon laquelle ces filiales forment un tout avec la société mère. Cela permet de continuer à employer des pratiques de corruption par le biais de filiales établies dans des pays tiers. Ce système est couramment utilisé par les sociétés transnationales américaines pour contourner la législation anti-corruption américaine, ainsi que par les sociétés transnationales basées dans d'autres pays. Malgré ces conventions et en dépit de quelques légers progrès, la corruption se porte toujours bien, par exemple dans l'Union européenne, où la Commission européenne collabore avec les grandes STN européennes (la Table ronde européenne des industriels - ERT) pour ses initiatives législatives. La corruption est souvent un facteur déterminant dans les privatisations et les "déréglementations" et les conditions dans lesquelles elles sont effectuées. Dans Le Monde Diplomatique de juillet 2001, dans un encadré au bas de la page 15, un fonctionnaire du gouvernement français est cité comme parlant de "rapaces qui, au nom de la libre entreprise, par exemple lors de privatisations, s'emparent impunément de secteurs entiers de l'économie". Un câble d'Interpress Service du 18 octobre 2005 indique : "L'indice de perception de la corruption de l'organisation Transparency International montre cette année encore la situation compromise du Sud, qui bénéficie d'un petit coup de pouce des banques du Nord industriel. "La fuite annuelle totale des capitaux de l'Afrique est d'environ 150 milliards de dollars, alors que le flux total d'aide au continent est de 25 milliards de dollars", a déclaré à IPS Chandrashekhar Krishnan, directeur exécutif de l'affilié britannique de Transparency. "Cette fuite de capitaux représente essentiellement le passage des actifs de l'État dans les mains de politiciens corrompus", a ajouté M. Krishnan. "Cet argent est déposé dans des institutions financières à Londres, à Zurich, à New York." "Je suggère que les gouvernements occidentaux fassent beaucoup plus pour s'assurer que leurs systèmes financiers ne sont pas utilisés pour blanchir de l'argent", a-t-il recommandé. La corruption est un phénomène universel, en raison de l'absence - dans tous les pays sans exception - d'un véritable contrôle populaire et démocratique permanent des institutions de l'État. Les lois pénales spécifiques, les lois nationales sur l'accès à l'information publique qui existent dans de nombreux pays, et les organes plus ou moins bureaucratiques chargés de contrôler la fonction publique, ne suffisent pas à compenser cette absence de véritable contrôle populaire de la fonction étatique. La corruption est inhérente au capitalisme. L'essayiste français Guy Sorman, dans un ouvrage intitulé "Comment le capitalisme construit une société morale à partir de comportements immoraux", justifie cela en disant que le capitalisme s'est historiquement développé sur la base de comportements immoraux et qu'il conquiert aujourd'hui de nouvelles régions grâce à l'activité des mafiosi et des trafiquants de drogue. Les condamner serait moralement justifié, tout comme condamner le chômage, l'exclusion et les inégalités sociales. Mais, poursuit M. Sorman, ces comportements contraires à l'éthique servent à développer un système qui s'est avéré être le plus progressiste et moralement respectable, car les êtres humains y vivent mieux ([1]).

Les grandes entreprises transnationales européennes, regroupées au sein de l'UNICE - l'Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe - contrôlent étroitement la Commission européenne et les membres de l'organisation patronale entretiennent des représentations permanentes à Bruxelles et une véritable armée de "lobbyistes" pour influencer les décisions de la Commission ([2]) Un journaliste et syndicaliste belge, Gérard de Selys, raconte comment, grâce au travail d'équipe de la Commission européenne (qui émet des directives outrepassant ses pouvoirs) et de la Table ronde européenne des industriels ERT (les transnationales Volvo, Olivetti, Siemens, Unilever et autres), aidée par la Cour de justice européenne basée à Luxembourg, qui interprète à sa manière les règles de concurrence communes du traité de Rome de 1957 qui a institué la Communauté économique européenne, achève de dépouiller les industries les plus dynamiques et les plus rentables du patrimoine public des pays européens ([3]). Le livre de Selys date de 1995, mais depuis lors et jusqu'à aujourd'hui, l'offensive de privatisation de la Commission européenne contre les services publics (avec le soutien actif des sociétés transnationales) n'a pas cessé. Un article publié dans Le Monde Diplomatique en juillet 2000 (Susan George et Ellen Gould, Libéraliser, sans avoir l'air d'y toucher ) cite un document de la Commission européenne qui déclare : "la participation active des industries de services aux négociations est cruciale pour nous permettre d'aligner nos objectifs de négociation sur les priorités des entreprises. L'AGCS (Accord général sur le commerce des services - OMC) n'est pas seulement un accord entre gouvernements. Il s'agit avant tout d'un instrument au service des entreprises"([4]).

NOTES

[1] Guy Sorman, Comment le capitalisme construit une société morale à partir de comportements immoraux, reproduit dans Problèmes économiques, n° 2444-2445, 1-8/11/95, La Documentation Française, Paris.

 [2] Voyons ce que l'UNICE dit d'elle-même (http://www.unice.org/ Le porte-parole des entreprises en Europe). L'UNICE est la voix du monde des affaires vis-à-vis des institutions de l'Union européenne. Ses 39 membres sont les organisations industrielles multisectorielles et les organisations d'employeurs de 31 pays européens et représentent plus de 16 millions d'entreprises, principalement des petites et moyennes entreprises. L'UNICE est également un partenaire du dialogue social européen au niveau de l'UE. La tâche principale de l'UNICE est d'informer et d'influencer les processus décisionnels dans l'Union européenne, afin que les politiques et les propositions législatives ayant un impact sur l'activité économique en Europe tiennent compte des besoins des entreprises. La première priorité de l'UNICE est de promouvoir la concurrence dans l'environnement économique et l'investissement au niveau européen, seul moyen de parvenir à un développement plus élevé et à un emploi durable. Le monde des affaires a besoin d'une Commission efficace.

[3] Gérard de Selys, Privé de public. A qui profitent les privatisations, Editions EPO, Bruxelles, 1995. Le Club Du Crocodile : Une Coalition Pour Un Parlement Constituant  https://www.taurillon.org/le-club-du-crocodile-une-coalition-pour-un-parlement-constituant

 [4] Un groupe de chercheurs, qui fait partie du Corporate Europe Observatory (CEO), a publié une étude très complète sur le rôle des sociétés transnationales au sein de l'Union européenne : Belén Balanya, Ann Doherty, Olivier Hoedeman, Adan Ma'anit et Erik Wesselius, Europe Inc. Liaisons dangereuses entre institutions et milieux d'affaires européens, Agone Editeur, Marseille, 2e trimestre 2000. Édition originale anglaise : Europe Inc. Regional and Global Restructuring and the Rise of Corporate Power, Pluto Press et CEO, 1999.

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