L'OTAN mérite l'étiquette d'"organisation criminelle" au sens du jugement de Nuremberg
Par Alfred de ZayasPublié : 15 juil. 2023 12:23 PM
Qu'est-ce qu'une organisation criminelle ? Le commun des mortels pense immédiatement aux cartels de la drogue locaux et internationaux, aux réseaux de traite des êtres humains, aux sociétés de pornographie infantile, aux sites de jeux d'argent ou à la mafia. Peut-être en raison d'une image artificiellement créée, soutenue par les médias occidentaux, l'OTAN n'est pas facilement reconnue comme une "organisation criminelle."
Au départ, l'OTAN n'était pas une organisation criminelle. Le traité instituant l'OTAN le 4 avril 1949 stipulait dans son article 5 :
"Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre elles toutes et, en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque armée se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant immédiatement, individuellement et d'accord avec les autres parties, les mesures qu'elle jugera nécessaires, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et maintenir la sécurité de la région de l'Atlantique Nord."
Initialement, l'OTAN avait un objectif de sécurité légitime, compatible avec le chapitre VIII de la Charte des Nations unies (articles 52 à 54), qui autorise les arrangements régionaux, à condition qu'ils soient conformes à l'objet et au but de la Charte des Nations unies, et qu'ils soient subordonnés au Conseil de sécurité de l'ONU. En effet, conformément à l'article 103 de la Charte ("clause de suprématie"), en cas de conflit entre un traité et la Charte, c'est la Charte qui prime.
Tant que l'Union soviétique menaçait l'Europe occidentale et visait l'expansion occidentale, il était légitime pour les pays occidentaux de prendre des mesures de sécurité collective. L'une des conséquences du traité de l'OTAN est que l'Union soviétique a organisé une alliance concurrente appelée le Pacte de Varsovie (1955-1991) et que la menace d'une destruction mutuelle assurée grâce aux armes nucléaires a dissuadé les deux camps de s'attaquer l'un l'autre. Tout a changé en 1989, lorsque le dirigeant soviétique pacifiste Mikhaïl Gorbatchev a retiré les forces soviétiques d'Europe centrale et orientale et que le président américain de l'époque, George H.W. Bush, et le secrétaire d'État, James Baker, lui ont promis que l'OTAN ne bougerait pas "d'un pouce" vers l'est.
Pendant un bref moment, la paix mondiale semblait possible grâce au désarmement mutuel. Ce rêve a été brisé par le président américain Bill Clinton, lorsqu'il a décidé de suivre les conseils des néo-conservateurs et la feuille de route impérialiste du politologue Zbigniew Brzezinski, qui a concocté l'idée d'un monde unipolaire sous l'égide d'un hégémon, les États-Unis, qui remplacerait essentiellement l'ONU. La décision de Clinton d'étendre l'OTAN vers l'est, en violation de promesses contraignantes, a été fortement décriée par George F. Kennan, qui l'a qualifiée d'"erreur fatale" dans son essai paru dans le New York Times du 5 février 1997.
Après 1997, l'OTAN s'est progressivement transformée d'une alliance "défensive" en un mastodonte géopolitique destiné à soumettre le reste du monde. Dès les années 1990, les pays de l'OTAN ont participé à la destruction de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, et en 1999, sans le consentement du Conseil de sécurité des Nations Unies, l'OTAN a bombardé la Yougoslavie, violant ainsi l'article 2(4) de la Charte des Nations Unies. La guerre d'agression de l'OTAN en 1999 était une répétition générale de ce qui allait suivre. Elle a également donné lieu à de graves crimes de guerre, notamment le bombardement aveugle de centres civils et l'utilisation d'armes aveugles, telles que l'uranium appauvri et les bombes à fragmentation. La Yougoslavie n'était que le prélude à une série d'agressions contre l'Afghanistan, l'Irak, la Libye et la Syrie et ailleurs, au cours desquelles des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été perpétrés en toute impunité. La Cour pénale internationale, qui est essentiellement au service de l'"Occident collectif", n'a pas enquêté sur ces crimes et aucun politicien ou chef militaire occidental n'a jamais été inculpé.
Lors des procès de Nuremberg en 1945-46, la délégation américaine avait envisagé de juger 14 organisations comme criminelles, ramenées par la suite à six - le cabinet du Reich, le corps dirigeant du parti nazi, la Gestapo, la SA, la SS et le SD, ainsi que l'état-major général et le haut commandement de l'armée allemande (Wehrmacht). L'objectif était de faire en sorte que ces organisations soient déclarées criminelles a posteriori, afin que leurs membres puissent être jugés plus rapidement pour leur simple appartenance. Bien entendu, ce concept viole l'État de droit, car il entraîne une punition collective et subvertit le principe de la présomption d'innocence. Si le jugement de Nuremberg a considéré que trois organisations étaient criminelles en soi, il n'a pas retenu la SA, le cabinet du Reich ou la Wehrmacht comme criminels. Le jugement de Nuremberg a cependant créé un précédent (et un mauvais), qui pourrait être appliqué aux pays de l'OTAN et aux forces de l'OTAN. Cela n'est cependant pas nécessaire, puisque les violations des Conventions de La Haye et de Genève par les forces de l'OTAN sont si bien documentées que tout tribunal ayant la compétence appropriée pourrait juger les membres des forces de l'OTAN en vertu des Conventions déjà existantes sans avoir à s'appuyer sur le concept d'organisation criminelle.
En définitive, si les forces de l'OTAN ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité depuis les années 1990, ce qui importe aujourd'hui, c'est que l'opinion publique mondiale reconnaisse que l'OTAN constitue une menace pour la paix et la sécurité de l'humanité. Ses provocations en série constituent le plus grand danger pour notre survie en tant qu'espèce. Si l'OTAN mérite l'étiquette d'"organisation criminelle", ce qui est crucial, ce n'est pas de mener des procès pour crimes de guerre, mais de neutraliser la menace.
L'auteur est professeur de droit international à la Geneva School of Diplomacy et ancien expert indépendant de l'ONU. opinion@globaltimes
(Traduit de l'original anglais par AT)