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Billet de blog 18 février 2025

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La lecture est la seule bouée de secours des générations de demain

Pour Pascal-Raphaël Ambrogi, auteur et lexicologue, l’École se fourvoie en encourageant une immersion prématurée dans le monde numérique. La surexposition aux écrans entrave la formation de la pensée critique, de la réflexion, de l’effort d’imagination.  DISPARU DE FIGARO (contenu  terroriste)

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ENTRETIEN - Pour Pascal-Raphaël Ambrogi, auteur et lexicologue, l’École se fourvoie en encourageant une immersion prématurée dans le monde numérique. La surexposition aux écrans entrave la formation de la pensée critique, de la réflexion, de l’effort d’imagination.

 https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/la-lecture-est-la-seule-bouee-de-secours-des-generations-de-demain-un-ecrivain-ven

 DISPARU DE FIGARO (contenu  terroriste)

«La lecture est la seule bouée de secours des générations de demain»: un écrivain vent debout contre la surexposition aux écrans

Par Victoire Lemoigne

Publié le 18 février à 07h00

 «La lecture en diagonale, norme imposée par l’usage des écrans, a des conséquences sur l’activation des processus de lecture intensive et sur la compréhension du texte», explique Pascal-Raphaël Ambrogi. Pascal-Raphaël Ambrogi.

ENTRETIEN - Pour Pascal-Raphaël Ambrogi, auteur et lexicologue, l’École se fourvoie en encourageant une immersion prématurée dans le monde numérique. La surexposition aux écrans entrave la formation de la pensée critique, de la réflexion, de l’effort d’imagination.

Pascal-Raphaël Ambrogi  est haut fonctionnaire chargé de la langue française et de la terminologie, écrivain et lexicographe. Il est également capitaine de vaisseau au sein de la réserve opérationnelle de la Marine nationale, et auteur de plusieurs ouvrages, dont le Dictionnaire culturel du christianisme (Honoré Champion) en 2020, et le Dictionnaire culturel de la mer et de la marine (Honoré Champion) en septembre 2024.

À découvrir

LE FIGARO. - Une étude récente de l’IFOP  a pointé les risques de la surexposition des écrans sur le développement psychomoteur et relationnel de l’enfant. Quelles sont les principales alertes que lancent aujourd’hui les chercheurs ? 

Pascal-Raphaël AMBROGI. - Les études conduites dans le monde entier ont montré une corrélation positive entre le temps d’écran à six mois et des retards cognitifs et de langage. De même, il a été révélé qu’un temps d’écran supérieur à deux heures par jour, à l’âge de cinq ans, est associé à un risque accru de troubles du comportement et en particulier de difficultés d’attention. Cette association est plus importante que pour tout autre facteur de risques, y compris le sommeil, le stress parental et les facteurs sociaux économiques.

Pour ce qui concerne les enfants plus âgés, au-delà du support, ce sont les contenus qui doivent être observés : l’analyse des connexions révèle que les jeux, la violence, la pornographie, le commerce, les informations fallacieuses sont les principales clefs d’usage. Élèves et étudiants dont l’attention est monopolisée par les écrans, partout et tout le temps, distraits, hyperactifs, irascibles, voient leurs résultats sombrer avec eux. Le temps passé devant un écran est progressivement supérieur à celui passé en classe, jusqu’à tripler entre la maternelle et la terminale.

À lire aussi La pratique de la lecture s’effondre chez les jeunes Français 

Les réseaux sociaux sont également devenus des «armes de destruction massive» de la santé mentale des enfants et des adolescents dont le cortex frontal est en construction : la génération née après 1995 fut la première, nous apprend le chercheur américain Jonathan Haidt, à grandir «avec un portail en poche qui les attire dans un univers alternatif excitant, addictif et instable». Si les réseaux sociaux ont pu apparaître comme un facteur de sociabilité, ils sont devenus, notamment pour les plus fragiles, des espaces de désinhibition et de harcèlement, d’activités coupables que favorise l’anonymat des échanges. Cet environnement, qui aurait pu être celui de l’accès aux savoirs, à la création, est devenu celui des tous les dangers mettant impunément en péril les principes fondamentaux et les structures de nos sociétés.

Avec la diminution de toutes les interactions possibles dans l’environnement humain, c’est notamment l’érosion du lien affectif et la sédentarité associées à leurs dérives qui résultent de la surexposition constatée. Toutes les classes d’âge sont touchées. Au lien affectif est substituée la dépendance narcissique ou la relation virtuelle. La désagrégation du langage l’accompagne, tout comme la capacité à argumenter, à se concentrer et à patienter. L’accès aux formes de vie intérieure, au silence salvateur ou à l’Autre est entravé. Ce contexte est aggravé par les stratégies mercantiles des réseaux sociaux qui visent l’instauration d’un régime de dépendance, l’asservissement et l’activité volontaire.

La manière de lire concerne tous les lecteurs : la lecture en diagonale, norme imposée par l’usage des écrans, a des conséquences sur l’activation des processus de lecture intensive et sur la compréhension du texte.

Le livre demeure, selon vous, le meilleur maître...

Il y a davantage de richesses linguistiques dans les livres préscolaires les plus pauvres que dans les productions verbales les plus prépondérantes ou les programmes audiovisuels éducatifs. Lire, c’est apprendre. Le temps offert à la lecture personnelle affecte la trajectoire scolaire et professionnelle des individus.

Cependant, comme l’a montré Maryanne Wolf, les écrans menacent la lecture profonde, essentielle à la formation de l’esprit des enfants et des adolescents. La manière de lire concerne tous les lecteurs : la lecture en diagonale, norme imposée par l’usage des écrans, a des conséquences sur l’activation des processus de lecture intensive et sur la compréhension du texte. Pour ce qui concerne les jeunes lecteurs, l’immersion continuelle dans un environnement numérique entrave la formation des processus cognitifs que sont la pensée critique, la réflexion, l’effort d’imagination et d’empathie indispensables à la lecture profonde. Leur attention est détournée ; la construction d’une base personnelle de données et d’un imaginaire est contrariée, tout comme la capacité à penser par soi-même.

L’écriture et la lecture, conquêtes récentes de l’humanité, doivent plus que jamais être enseignées. Elles permettront de lutter contre la déshumanisation de la société qui est en cours. Récemment, le Saint-Père a fort pertinemment invité à « dépasser l’obsession des écrans pour consacrer du temps à la littérature ». Souâd Ayada, philosophe, rappelle que toute lecture dessine pour le lecteur quelque chose qui participe du sens de la vie. Ce qui s’offre sur nos écrans disloque le sens.

En quoi la surexposition aux écrans peut-elle avoir de telles répercussions morales ?

Les écrans sont un vecteur accélérateur de cette transformation de l’Homme, de la suffisance de l’individu singulier. L’ère numérique a ouvert la voie de l’avilissement du monde, considérant comme négociables des valeurs que le monde antique, puis la chrétienté défendaient. Dans un contexte où les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché, comme l’a montré mon confrère Pierre Manent, l’individu promu est un sujet autonome, mû par ses seuls intérêts particuliers et ceux du marché ; ses désirs, ses prétentions, sont les sources de droit au mépris du bien commun. L’Homme assujetti ne pense plus sa relation à d’autres hommes, au sein d’une même société. Hannah Arendt l’a exprimé : «L’homme moderne a perdu le monde pour le moi.» Un moi sans spiritualité, sans l’inquiétude intérieure qui fait la vie de l’esprit, un moi ravagé par le narcissisme destructeur.

L’École est le lieu de l’émancipation par le savoir et le raisonnement, non le théâtre de l’amplification des attentes asservissantes du marché et de la construction d’une société de nomades festifs et narcissiques, d’esclaves consentants du marché, tirant chaînes et boulets numériques .

Face à ce constat, quel rôle l’École doit-elle jouer ?

L’École ne peut se rendre involontairement complice de la déstructuration cérébrale de ses élèves et de la dépendance au numérique. Elle est le lieu de l’émancipation par le savoir et le raisonnement, non le théâtre de l’amplification des attentes asservissantes du marché et de la construction d’une société de nomades festifs et narcissiques, d’esclaves consentants du marché, tirant chaînes et boulets numériques : quelle France souhaitons-nous bâtir avec son concours ? Celle de ces couples, en tête à tête avec leurs écrans, étrangers au monde ; celle de ces bébés incapables de lâcher prise, hypnotisés ; de ces adolescents qui ont chu avec leurs parents dans une virtualité ludique addictive, où jamais les désirs, les opinions et les actions n’ont été à ce point exploités, en s’opposant au principe de liberté qui fonde nos sociétés démocratiques ?

Il faut alors que l’École envisage une réaction pédagogique pour montrer à ses élèves ce qu’il y a au-delà de l’individu, leur apprendre à résister à l’enrôlement du moi, à l’exhibition volontaire et généralisée. Elle doit imposer à nouveau la recherche de l’excellence et de l’exigence pour tous, le désir d’apprendre et de grandir par la force du savoir.

Par ses travaux le Conseil supérieur des programmes a mis en valeur les potentialités et les risques d’utilisation du numérique. Son étude avance que l’environnement numérique récréatif nuit à l’apprentissage du langage et de la lecture. C’est l’une des sources de l’illettrisme. Il contraint la concentration et la mémorisation. Il entrave la transmission des savoirs culturels et fondamentaux de base. Il a des effets négatifs sur le développement de l’enfant, le privant d’interactions humaines, de l’exploration sensorielle du monde essentielle au développement cérébral. Michel Desmurget rappelle qu’une conversion tardive au numérique n’empêchera pas un usage des outils numériques. En revanche, une immersion prématurée détournera fatalement d’apprentissages essentiels. Concédons que certains outils numériques peuvent évidemment constituer des supports d’apprentissage pertinents dans le cadre de projets spécifiques : la recherche documentaire, la modélisation, la simulation de situations complexes en sciences ou en mathématiques, l’évaluation des élèves, la personnalisation de certains apprentissages ou la communication au sein de la communauté éducative.

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