aleteitelbaum (avatar)

aleteitelbaum

retraité

Abonné·e de Mediapart

396 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 mai 2025

aleteitelbaum (avatar)

aleteitelbaum

retraité

Abonné·e de Mediapart

L’AFFAIRE BÉTHARRAM  REVELATER D’UNE SITUATION KAFKAÏENNE

L'affaire Bétharram a pris de l'ampleur en 2024 avec plus de 200 plaintes d'anciens élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram

aleteitelbaum (avatar)

aleteitelbaum

retraité

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’AFFAIRE BÉTHARRAM  REVELATER D’UNE SITUATION KAFKAÏENNE

Alejandro Teitelbaum

L'affaire Bétharram a pris de l'ampleur en 2024 avec plus de 200 plaintes d'anciens élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram  contre des religieux de la congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, des membres du personnel laïc et des élèves de cet établissement catholique privé, pour des faits commis principalement dans les années 1990

LE CONTEXTE

Deux écoles privées ciblés en trente ans

Les ruptures de contrat entre l’État et les établissements privés sont extrêmement rares. Entre 1991 et 2023, aucun établissement n’avait vu son contrat d’association rompu. Pourtant, en l’espace de deux ans à peine — fin 2023 et début 2025 — deux établissements musulmans ont vu leur contrat résilié : le groupe scolaire Al-Kindi, situé près de Lyon, et le lycée Averroès de Lille.

Une discrimination systémique est-elle à l’œuvre entre les écoles musulmanes, catholiques et juives ? En trente ans, en France, seuls deux établissements scolaires ont perdu leur contrat d’association avec l’Etat : le groupe scolaire Al-Kindi à de Lyon et le lycée Averroès de Lille.

Alors que le lycée musulman Averroès a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Lille, 20 Minutes a publié un article approfondi rassemblant les éléments disponibles sur les contrôles opérés dans les écoles privées musulmanes, catholiques et juives, ainsi que leurs impacts. Les résultats sont clairs : Il existe bien une discrimination systémique.

 « J’ai le sentiment d’un deux poids, deux mesures assez choquant entre le sort de l’établissement Stanislas, pour lequel il y a des témoignages abondants et dont le contrat d’association perdure, et le sort du lycée Averroès de Lille, dont le contrat a été rompu par l’État », a déclaré début avril le député Paul Vannier lors d’une audition de la commission d’enquête sur les contrôles des établissements scolaires.

Malgré un taux de réussite de 100 % au baccalauréat général, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, a annoncé le 10 janvier 2025 la fin du contrat du groupe Al-Kindi, argumentant sa décision par des éléments « contraires aux valeurs de la République ». Le tribunal administratif de Lyon a rejeté, le 12 mars, la demande de maintien du contrat formulée par Al-Kindi.

Des contrôles à répétitions dans les écoles musulmanes

L’établissement avait déjà été visé par de nombreux contrôles : neuf inspections pédagogiques depuis 2014, ainsi que plusieurs inspections à l’initiative de la préfecture. À titre de comparaison, certains établissements catholiques comme Bétharram n’ont pas été inspectés pendant près de trois décennies.

Le lycée musulman Averroès, de son côté, a subi quatorze inspections, dont une évaluation approfondie de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) en 2020, qui lui a pourtant été favorable.

Les établissements catholiques peu inspectés

À l’inverse, les établissements catholiques semblent être très peu inspectés. Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes notait que les contrôles pédagogiques dans les établissements privés sous contrat — en très grande majorité catholiques — étaient « exercés de manière minimaliste », et que le suivi financier était rarement mis en œuvre.

Le cas de l’établissement Stanislas à Paris est emblématique. Malgré une plainte pour discrimination et un rapport accablant de l’Inspection générale évoquant des « dérives » sexistes et homophobes, son contrat d’association n’a pas été remis en cause. D’autres écoles catholiques ont également été impliquées dans des scandales sans conséquence sur leur contrat.

Selon Bernard Toulemonde — ancien directeur de l’enseignement scolaire au ministère — une consigne aurait été donnée dans les années 2000 pour interdire toute inspection dans les établissements juifs. Il affirme que cette politique reste en grande partie inchangée : « Il n’y a pas de contrôle administratif des établissements juifs, comme il n’y en a pas d’ailleurs dans les établissements catholiques, sauf exception », déclare-t-il à 20 Minutes.

Pour lui, l’inégalité de traitement est évident. Ce « deux poids, deux mesures » entre les établissements musulmans et les autres semble refléter une forme de discrimination structurelle.

LES PLAINTES CONTRE LE PERSONNEL DE BETHARRAM ONT REVELE AU PUBLIC CETTE SITUATION ABERRANTE.

A Notre-Dame-de-Bétharram, plus de 200 plaintes ont été déposées pour agressions sexuelles ou viols sur mineurs, sans remettre en cause le partenariat avec l’État. Un rapport de l’Éducation nationale relevait pourtant plusieurs irrégularités. Une inspection générale est en cours, mais la rupture du contrat n’est pas envisagée à ce jour.

Comment expliquer que des faits aussi graves, connus depuis longtemps par les autorités publiques, y compris Bayrou aussi en sa qualité de père d’élève, soient restés silencieux pendant des décennies ?

Il ne s’agit pas seulement d’un échec institutionnel, mais d’un phénomène de société, expliqué dans le texte suivant:

Laelia Benoit, pédopsychiatre : « Il est glaçant de constater qu’à Bétharram les enfants ont tenté d’alerter, mais n’ont pas été entendus »

Propos recueillis par Claire Legros Publié dans Le Monde le 14 mai 2025 à 08h00.

L’affaire des violences perpétrées au sein de l’établissement catholique béarnais est l’illustration tragique d’une culture de la soumission qui permet aux violences envers les mineurs de prospérer, explique la médecin et chercheuse en sciences sociales dans un entretien au « Monde ».

Laelia Benoit est pédopsychiatre et chercheuse à l’Inserm, ainsi qu’au Yale Child Study Center, aux Etats-Unis. Formée en sociologie, elle s’intéresse à l’influence des dynamiques sociales sur la santé mentale infantile. Elle est l’autrice de l’ouvrage Infantisme (Seuil, 2023), consacré aux préjugés et discriminations contre les enfants.

Que révèle, selon vous, le long silence autour des violences commises à Notre-Dame-de-Bétharram, où plus de 200 anciens élèves dénoncent des violences subies entre 1950 et les années 2000 ?

Au-delà de la responsabilité individuelle des adultes mis en cause, qui reste soumise à l’appréciation de la justice, cette tragédie et le silence qui l’a entourée mettent au jour des mécanismes structurels encore très présents dans notre société.

Jusqu’à la médiatisation d’actes d’une cruauté inouïe, placer ses enfants en internat à Notre-Dame-de-Bétharram représentait une fierté pour de nombreuses familles. Elles y voyaient l’assurance que leurs enfants y seraient « tenus », forcés d’obéir et soumis aux principes d’une « bonne éducation ». Que les élèves soient punis, quelle qu’en soit la raison, ne suscitait pas d’inquiétude. Leur assujettissement était perçu comme nécessaire à leur formation. Il était connu, toléré, parfois même recherché. Cette culture de la soumission a permis aux violences de prospérer dans des formes toujours plus extrêmes.

Dans les témoignages recueillis par le porte-parole des victimes, Alain Esquerre [Le Silence de Bétharram, Michel Lafon, 256 pages,], il est glaçant de constater que les enfants ont tenté d’alerter. Ils ont cherché des adultes à qui confier ce qu’ils subissaient, mais ils n’ont pas été entendus. Pire, on leur a retourné, pour certains, la culpabilité des violences en instillant le doute sur leur propre responsabilité : n’avaient-ils pas « mérité » ce  qui leur arrivait ?

Lire aussi | Notre-Dame-de-Bétharram : l’établissement catholique déclaré « civilement responsable » de viols et agressions sexuelles en 2006

L’affaire de Bétharram est un concentré de culture discriminatoire envers les enfants et les adolescents. Trop d’adultes étaient informés des faits, mais ont refusé d’y croire. D’autres les ont sciemment couverts. Rares sont ceux qui ont osé s’y opposer. Cette affaire incarne tragiquement ce que les sciences sociales désignent sous le nom d’infantisme.

Que recouvre cette notion ?

C’est un concept bien documenté aux Etats-Unis, childism, défini en 1972. L’infantisme est un système de préjugés et de discriminations contre les enfants et les adolescents, considérés comme inférieurs aux adultes, et dont le propos est disqualifié d’emblée au nom de leur manque de jugement et d’expérience.

Lire aussi (2024) | Article réservé à nos abonnés Les préjugés sur les jeunes et l’autorité : « N’est-ce pas une preuve d’intelligence que de questionner une nouvelle règle ? »

Dans une culture infantiste, les adultes considèrent que les enfants n’ont pas leur mot à dire. Ils doivent obéir sans exprimer leur point de vue et sans que l’adulte ait besoin de justifier ses décisions. Discuter un ordre revient à défier l’autorité, à se rendre coupable d’impertinence. Le premier réflexe de l’adulte à qui l’enfant se plaint d’une injustice est souvent de considérer qu’il exagère, et de chercher une excuse à l’adulte responsable.

Quels sont les mécanismes de ces discriminations ?

La psychanalyste américaine Elisabeth Young-Bruehl [1946-2011] a identifié trois mécanismes inconscients qui conduisent à disqualifier les plus jeunes. Le premier, qu’elle nomme « infantisme narcissique », est animé par une peur inconsciente de l’altérité et du remplacement : l’enfant, par sa différence, devient une menace qu’il faut contrôler. Cela pousse l’adulte à poser un jugement moral sur l’enfant, jugé « gentil » s’il dort la nuit, « méchant » s’il fait pipi au lit, par exemple. Une posture très répandue en France.

( https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/14/laelia-benoit-pedopsychiatre-il-est-glacant-de-constater-qu-a-betharram-les-enfants-ont-tente-d-alerter-mais-).

Pour résumer ce qui précède : la bigoterie contamine non seulement les institutions mais aussi une partie de la société française, avec des conséquences désastreuses.

HEURESEMENT, LA PUBLICITÉ DE L’AFFAIRE BÉTHARRAM A CONDUIT A LA CRÉATION DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation, dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l'Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires publics et privés", débuta ses auditions le mois de mars et veut notamment entendre François Bayrou au cours de ses travaux qui se termineront en juin. 

Membres de la Commission : Présidente : Fatiha Keloua Hachi ; Co-raporteurs : Viollette Spillebout et Paul Vannier.

"C'est absolument exceptionnel, ce n'est jamais arrivé". Pour la première fois, la Commission des affaires culturelles et de l'éducation s'est dotée des prérogatives d'une commission d'enquête. Une possibilité aussi utilisée, récemment, par la commission des finances pour enquêter sur le dérapage du déficit public. "Nous allons pleinement nous en saisir", a déclaré Fatiha Keloua Hachi (Socialistes), qui préside la Commission des affaires culturelles, le mercredi 12 mars, lors de la présentation du périmètre des travaux à venir.

"Notre objectif est d'empêcher d'autres Bétharramd'empêcher que des enfants soient victimes de violences physiques, psychologiques, sexuelles" dans des établissements scolaires "quel que soit leur statut"public, privé sous contrat ou privé hors contrat, a indiqué le co-rapporteur de la commission d'enquête, Paul Vannier (La France insoumise). 

"On ne peut pas s'habituer à ce qu'on lit, (...) à la violence qui n'est pas admissible et qui a détruit des vies. Nous savons que nous avons un rôle important", a complété l'autre co-rapporteure Violette Spillebout (Ensemble pour la République). Derrière Notre-Dame de Bétharram, cet établissement catholique situé dans les Pyrénées-Atlantiques qui fait la une de l'actualité ces dernières semaines, "il y a d'autres écoles qui ont le même système avec une omerta entretenue par un silence complice, volontairement ou non, d'un certain nombre d'institutions", a déclaré l'élue du Nord, citant l'histoire du village pour enfants de Riaumont, à Liévin (Pas-de-Calais). "En partant de Bétharram, nous allons élargir la focale", a renchéri Paul Vannier.

Les auditions débutèrent le 20 mars

Cette Commission d'enquête se déroulera en trois temps : d'abord l'écoute des victimes, puis l'audition des administrations de l'Etat, des institutions religieuses, de chercheurs, et enfin l'audition de responsables politiques, ministres actuels et passés. 

C'est Alain Esquerre, à l'origine du collectif des victimes de Bétharram, qui a été le premier auditionné, jeudi 20 mars. "C'est très important symboliquement qu'il débute les auditions", estime Paul Vannier et "très important" de partir des témoignages des victimes, juge Violette Spillebout. Egalement auditionnés ce jour, d'autres collectifs de victimes, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civise) et Jean-Marc Sauvéqui a présidé la commission sur les abus sexuels dans l'Eglise.

La commission entend aussi poser la question des responsabilités politiques, notamment concernant Bétharram. "Nous auditionnerons François Bayrou qui comme ministre de l'Education nationale entre 1993 et 1997, mais aussi comme président du Conseil départemental [des Pyrénées-Atlantiques] pourra probablement éclairer nos travaux", a rapidement indiqué Paul Vannier, pour qui "Bayrou savait" ce qu'il se passait dans cet établissement.

Outre le Premier ministre, l'actuelle ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, sera également entendue. L'un comme l'autre pourraient-ils refuser ces convocations ? "Ils ne peuvent s'y soustraire. Bien sûr que François Bayrou et Elisabeth Borne seront auditionnés", a indiqué Fatiha Keloua Hachi.

Toutes les auditions seront publiques, sauf en cas d'auditions de mineurs ou si une victime fait la demande d'un huis clos. 

Des conclusions attendues fin juin

Les conclusions des travaux de la commission seront rendus à la fin du mois de juin, ont annoncé mercredi la présidente et les deux Co-rapporteurs. "Il y a beaucoup à faire dans un temps bref", a reconnu Paul Vannier, affirmant que leur "détermination est totale" face à ce "défi". Parmi les principaux points à investiguer : la manière dont sont contrôlés les établissements, notamment ceux privés sous contrat. "On ne cherche pas à identifier des agresseurs, (...) mais à diagnostiquer des défaillances dans le contrôle à Bétharram et ailleurs", a précisé le député insoumis, tout en notant que "la question des internats va être une grande question". La commission d'enquête n'ayant pas vocation - et pas le droit - de se substituer à la justice - a rappelé  Fatiha Keloua Hachi.

Cette Commission d'enquête va forcement avoir des conséquences.(Violette Spillebout, Co-Rapporteuse)

"Nous n'avons pas de freins" a souligné Violette Spillebout, pour qui "cette commission d'enquête va forcément avoir des conséquences". Les députés jugeront, au terme de leurs travaux, s'ils jugent nécessaire de déposer une proposition de loi pour "corriger des dysfonctionnements" dans les modalités de contrôle de l'Etat.

Autre le Premier ministre, l'actuelle ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, sera également entendue. Toutes les auditions seront publiques, sauf en cas d'auditions de mineurs ou si une victime fait la demande d'un huis clos. 

Des conclusions attendues fin juin

Les conclusions des travaux de la commission seront rendus à la fin du mois de juin, ont annoncé mercredi la présidente et les deux Co-rapporteurs. "Il y a beaucoup à faire dans un temps bref", a reconnu Paul Vannier, affirmant que leur "détermination est totale" face à ce "défi". Parmi les principaux points à investiguer : la manière dont sont contrôlés les établissements, notamment ceux privés sous contrat. "On ne cherche pas à identifier des agresseurs, (...) mais à diagnostiquer des défaillances dans le contrôle à Bétharram et ailleurs", a précisé le député insoumis, tout en notant que "la question des internats va être une grande question". La commission d'enquête n'ayant pas vocation - et pas le droit - de se substituer à la justice - a rappelé  Fatiha Keloua Hachi.

"Nous n'avons pas de freins" a souligné Violette Spillebout, pour qui "cette commission d'enquête va forcément avoir des conséquences". Les députés jugeront, au terme de leurs travaux, s'ils jugent nécessaire de déposer une proposition de loi pour "corriger des dysfonctionnements" dans les modalités de contrôle de l'Etat.

Bayrou, qui tente d'éluder ses responsabilités avec des manœuvres et des arguments esperpénticos (ridicules et grotesques) et tente de discréditer la lancer d’alerte  Françoise Gaullung, les témoins et les officiers de gendarmerie, est un Premier ministre de vaudeville, donnant une très mauvaise image d'une fonction aussi importante comme celle de PM, transformant ainsi un grave problème social en un problème politique.

Les monopoles médiatiques[1] qui,  jusqu'à il y a quelques jours, s'abstenaient de rendre compte des travaux de la Commission d'enquête, bien qu'il s'agisse d'un problème sociétal majeur, ont mis le sujet au premier plan lorsque c'était au tour de Bayrou de répondre,  présentant faussement la Commission comme un duel entre Vannier et Bayrou, ils ont commencé à lancer des cris d'orfraie disqualifiant la Commission avec des épithètes différentes. Par exemple dans CNEWS :

 «Une commission d'enquête parlementaire dirigée par un député insoumis[2] exhale un parfum de guillotine», a estimé Pascal Praud ce jeudi dans son édito en ouverture de «L'Heure des Pros» sur CNEWS.(Publié le 15/05/2025 à 09:29 - Mis à jour le 15/05/2025 à 09:39)

 NOTES

[1] Voir : Manipulation de la pensée - https://blogs.mediapart.fr/aleteitelbaum/blog/190525/manipulation-de-la-pensee

[2] Faux, la Commission est présidée par la députée PS Fatiha Keloua Hachi.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.