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Billet de blog 19 octobre 2025

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Le concept d'hégémonie dans l'œuvre de Gramsci

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Le concept d'hégémonie dans l'œuvre de Gramsci

Valentino Gerratana

Antonio Gramsci et le « progrès intellectuel de masse » . Sous la direction de Giorgio Baratta et Andrea Catone. , Milan : Unicopli, 1995. - pp. 245

Un article de Valentino Gerratana publié en 1995

Le concept d'hégémonie est central dans le développement de la pensée politique et éducative d'Antonio Gramsci. « Qu'il utilise le terme « hégémonie » ou des termes équivalents (par exemple, « direction intellectuelle et morale »), ce qui intéresse le plus Gramsci, c'est l'importance essentielle du cadre de référence dans lequel le concept s'enracine ».

Gramsci fait souvent référence à Lénine comme au « théoricien de l'hégémonie », en se référant aux « écrits de Lénine en défense de l'hégémonie du prolétariat dans la révolution démocratique bourgeoise ».

Lénine écrivait : « Du point de vue du marxisme, une classe qui nie l'idée d'hégémonie, ou qui ne la comprend pas, n'est pas, ou n'est pas encore, une classe, mais une corporation [c'est-à-dire un simple syndicat professionnel] ou une somme de diverses corporations ». Et c'est, ajoutait Lénine, « précisément la conscience de l'idée d'hégémonie » qui doit transformer « une somme de corporations en une classe » (Œuvres complètes, XVII).

Gramsci complétait : « Pour être capable de gouverner en tant que classe, le prolétariat doit se débarrasser de tout résidu corporatif, de tout préjugé ou incrustation syndicaliste. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'il faut non seulement dépasser les distinctions qui existent entre les professions, mais aussi [...] surmonter certains préjugés et vaincre certains égoïsmes qui peuvent subsister et subsistent dans la classe ouvrière en tant que telle, même lorsque les particularismes professionnels ont déjà disparu. Le métallurgiste, le charpentier, le maçon, etc. doivent penser non seulement comme des prolétaires et non plus comme des métallurgistes, des charpentiers, des maçons, etc., mais ils doivent aller encore plus loin : ils doivent penser en tant que travailleurs membres d'une classe qui tend à diriger les paysans et les intellectuels, d'une classe qui ne peut vaincre et construire le socialisme que si elle est aidée et suivie par la majorité de ces couches sociales » (La questione meridionale, 1926).

Mais une classe qui parvient à diriger, et pas seulement à dominer, dans une société fondée économiquement sur l'exploitation de classe, et dans laquelle on veut perpétuer cette exploitation, est obligée de recourir à des formes d'hégémonie qui dissimulent cette situation et mystifient cette exploitation : elle a donc besoin de formes d'hégémonie appropriées pour susciter un consensus manipulé, un consensus d'alliés subalternes. Une relation d'alliance dans une société structurée sur l'exploitation de classe n'est pas possible autrement. » (144-145).

« La situation de la classe ouvrière qui lutte pour sa propre hégémonie est différente. Alors que l'hégémonie bourgeoise, en essayant de concilier des intérêts opposés et contradictoires, est structurellement incapable de transparence, car elle doit masquer l'antagonisme des relations économiques et cacher d'une manière ou d'une autre la réalité, le premier intérêt du prolétariat est précisément de dévoiler les tromperies idéologiques qui cachent la dialectique de la réalité. C'est précisément la marque distinctive du marxisme en tant que philosophie de la praxis : le marxisme « ne tend pas à résoudre pacifiquement les contradictions existant dans l'histoire ou dans la société, mais il est la théorie même de ces contradictions ; il n'est pas l'instrument de gouvernement des groupes dominants pour obtenir le consensus et exercer leur hégémonie sur les classes subalternes : il est l'expression de ces classes subalternes qui veulent s'éduquer elles-mêmes à l'art de gouverner et qui ont intérêt à connaître toute la vérité, même celle qui est désagréable, et à éviter les tromperies (impossibles) de la classe supérieure et, plus encore, d'elles-mêmes » (Q, 1320). » (145).

« C'est pourquoi, en pensant aux classes subalternes qui tentent de s'éduquer elles-mêmes à l'art de gouverner, Gramsci peut parler d'une relation d'hégémonie qui est aussi, nécessairement, « une relation pédagogique ». Il s'agit toutefois d'une pratique pédagogique dans laquelle « le lien entre le maître et l'élève est une connexion active, faite de relations réciproques et [dans laquelle], par conséquent, tout maître est toujours élève, et tout élève, maître » (Q, 1331). On peut ainsi concevoir des relations de parité entre alliés, contrairement à ce qui se passe dans l'hégémonie bourgeoise, où il y a toujours un supérieur qui prévaut sur un inférieur, et où cette prévalence se traduit souvent par une prévarication brutale (d'où dérive peut-être l'utilisation du terme « hégémonie » compris comme synonyme d'arrogance). Cette conversion du lien d'hégémonie en une relation éducative réciproque se vérifie, selon Gramsci, « non seulement à l'intérieur d'une nation entre les différentes forces qui la composent, mais aussi dans l'ensemble du champ international et mondial, entre les complexes de civilisation nationaux et continentaux » (Q, 1331). (145)

« Une hégémonie sans tromperie est donc ce qui distingue l'hégémonie du prolétariat de l'hégémonie bourgeoise : c'est pourquoi Gramsci ne se lasse pas de souligner que « dans la politique de masse, dire la vérité est une nécessité politique » (Q,700). C'est clairement le principe opposé à celui bien connu de la tradition bourgeoise, selon lequel l'art de la politique repose essentiellement sur la capacité à mentir, « à savoir cacher habilement ses véritables opinions et les véritables objectifs que l'on poursuit » (Q, 699). (146)

« La capacité de diriger n'est pas offerte à la classe ouvrière comme un don du ciel : au contraire, elle doit être conquise dans la pratique politique à partir de l'expérience primitive que Gramsci appelle la phase économique-corporative (lorsque la classe ouvrière, selon l'expression de Lénine, n'est pas encore proprement une classe, mais une corporation ou une somme de corporations). On ne peut parler d'une idée d'hégémonie du prolétariat que lorsque des éléments de connaissance de la réalité sociale commencent à entrer dans la conscience de la classe ouvrière, qui devient ainsi capable, même en sacrifiant des intérêts particularistes immédiats, de tirer parti de la convergence de ses propres intérêts permanents [...] avec les intérêts des autres couches sociales, et se trouve donc en mesure de construire une politique d'alliances. C'est en ce sens que Gramsci peut dire que le marxisme, en tant que philosophie de la praxis, « conçoit la réalité des relations humaines de connaissance comme un élément d'« hégémonie » politique » (Q, 1245). » (146)

« Étant donné que la réalité sociale est en constante transformation, l'hégémonie du prolétariat ne pourra jamais être conquise une fois pour toutes. S'il est vrai que l'on est capable de connaître et de comprendre, il en découle que ce travail de connaissance doit être continuellement renouvelé pour être en mesure de continuer à diriger. L'hégémonie du prolétariat ne peut donc être poursuivie aujourd'hui sur la base des connaissances spécifiques acquises par Gramsci grâce aux expériences et aux analyses de classe de son époque, mais uniquement en renouvelant les efforts de connaissance nécessaires pour comprendre la réalité d'aujourd'hui. Ces efforts ne seraient toutefois pas possibles, ou seraient inadéquats et insuffisants, si les acquis permanents de la recherche théorique gramscienne avaient été perdus. Parmi ces acquis théoriques – remarquables par les implications pratiques qui en découlent – figure la différence qualitative qui distingue l'hégémonie du prolétariat de l'hégémonie bourgeoise. » (146)

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