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Billet de blog 24 octobre 2025

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LES DROITS DE L'HOMME

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LES DROITS DE L’HOMME

Alejandro Teitelbaum

Pendant longtemps, l'idée (qui reste encore très ancrée) selon laquelle les droits de l'homme sont essentiellement des droits individuels a prédominé. La lutte pour ces droits et contre la toute-puissance du pouvoir s'est traduite par l'obtention de chartes garantissant des droits pour les « hommes libres » (Magna Carta de 1215, Bill of Rights de 1689).

C'est là l'origine de la conception individualiste des droits de l'homme, dont le représentant classique est le philosophe anglais John Locke.

Selon Locke, les hommes abandonnent l'état de nature... « se réunissent en communauté et se soumettent à un gouvernement »... afin de « conserver leurs propriétés, pour la préservation desquelles beaucoup de choses font défaut dans l'état de nature » (lois, juges et « un pouvoir capable de soutenir et d'appuyer un jugement rendu et de l'exécuter »). Locke appelle propriétés des individus la vie, la liberté et les biens. (Locke, Traité du gouvernement civil, chapitre VIII, paragraphes I à V). Mais il précise que quel que soit le pouvoir des gouvernants, même s'il est absolu, il ne leur donne pas le droit de s'approprier la moindre partie des biens de leurs sujets et donne l'exemple du général qui a le pouvoir de vie ou de mort sur le soldat, mais qui ne peut disposer des biens et des richesses de ce soldat (op. cit., chap. X, par. VI).

Pour Locke, le tyran est celui qui exerce le pouvoir en marge de la loi « et dont les ordres et les actions ne tendent pas à préserver les propriétés de ceux qui sont sous sa domination » (op. cit., chap. XVII).

Pour Locke, la société politique est donc un contrat entre les gouvernés et les gouvernants par lequel ces derniers, par le biais des lois, des juges et du pouvoir, garantissent aux premiers la jouissance de leurs propriétés (vie, liberté et biens). Cependant, comme nous l'avons vu, parmi cette triade de droits, l'un est suprême et intangible : la propriété privée des biens.

Suivant cette ligne de pensée, le juriste français Maurice Hauriou disait : « L'État a organisé cet équilibre sur la base d'une séparation entre l'économique et le politique. À l'individu, l'entreprise économique, la production des richesses et la propriété des choses sous forme de capital. À l'État, l'entreprise politique et l'exercice du pouvoir sur les hommes ».

Il poursuivait en affirmant que l'État devait remplir trois fonctions essentielles : 1) protéger la société individualiste, en assurant la paix et l'ordre à l'intérieur et à l'extérieur grâce aux forces armées, à la diplomatie, à la police, à la législation et aux tribunaux ; 2) lui fournir des services par le biais de l'administration et 3) réprimer les déviations de l'individualisme par le biais d'une organisation répressive et également par le biais de l'éducation. (Maurice Hauriou, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, dans Cahiers de la Nouvelle Journée, n° 23, Libraire Bloud et Gay, Paris, 1933, p. 60).

Il s'agit d'une description crue de la conception individualiste orthodoxe, dans laquelle l'État est l'expression du politique et la sphère économique est le domaine réservé des propriétaires privés, sphère dans laquelle l'État ne doit pas intervenir, sauf pour préserver la paix et l'ordre et réprimer les déviations. Avec cette conception, il ne peut y avoir d'autres droits que les droits civils et politiques, eux-mêmes conditionnés par la nécessité de préserver la liberté de l'entreprise privée.

Cinquante ans après la mort de Locke, Jean-Jacques Rousseau méditait sur les injustices sociales et écrivait : « Le premier qui, ayant entouré un terrain de palissades, a dit : Ceci est à moi, et qui a trouvé des gens assez simples pour le croire, a été le véritable fondateur de la société civile. Combien de crimes, de guerres, d'assassinats, de misères et d'horreurs aurait-il épargné à l'humanité celui qui, arrachant les poteaux ou comblant le fossé, aurait averti ses semblables : ne croyez pas cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits appartiennent à tous et la terre à personne... »

(J.J. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, deuxième partie, Éditions Gallimard, 1965, p. 87).

Pour Locke, le contrat social est conclu entre les gouvernants et les gouvernés, pour Rousseau, c'est un contrat entre tous, fondé sur la volonté générale, comme expression de la souveraineté populaire. Pour Locke, la liberté individuelle se réalise avec la propriété privée, pour Rousseau, la liberté individuelle se fonde sur la volonté générale et se réalise avec l'égalité et la solidarité sociale.

« Dans un mauvais gouvernement, cette égalité n'est qu'apparente et illusoire ; elle ne sert qu'à maintenir les pauvres dans la misère et les riches dans l'usurpation. En fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n'ont rien, d'où il s'ensuit que l'État social n'est avantageux pour les hommes que lorsque tous ont quelque chose et qu'aucun d'entre eux n'a trop » ( J.J. Rousseau, Le Contrat social,  note finale au chapitre IX du livre I).

La pensée de Rousseau s'est reflétée dans la devise de 1789 : liberté, égalité, fraternité et  de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».

Les idées de Locke ont été – et sont encore largement – dominantes dans les pays dits développés et dans la communauté internationale.-------------------------

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