FEMICIDES EN MEXIQUE
Alejandro Teitelbaum
I. En 2022, 2 800 femmes ont été assassinées au Mexique. Près d'un millier de ces meurtres ont été classés comme des féminicides. À cela s'ajoutent quelque 1 800 femmes disparues.
Une grande partie des victimes sont des jeunes femmes, qui travaillent, des femmes indigènes, souvent des femmes d'Amérique centrale en transit au Mexique dans l'espoir d'entrer aux États-Unis.
Parmi elles, on compte de nombreuses victimes d'agressions sexuelles qui se terminent par un homicide et parmi les auteurs de ces actes, on trouve des trafiquants de drogue, des membres des forces armées et de la police ainsi que, dans plusieurs cas, les partenaires des victimes.
II. La frontière entre le Mexique et les États-Unis s'étend sur environ 3 185 kilomètres et est très perméable, légalement et illégalement. Du côté mexicain de la frontière, approximativement 3 000 "maquiladoras" font partie de chaînes de production binationales : elles importent des composants et des matières premières des États-Unis, que les travailleurs mexicains assemblent pour des salaires dix fois inférieurs à ceux des États-Unis, avant de les réexporter de l'autre côté de la frontière.
Par exemple, à Ciudad Juárez, à la frontière avec la ville américaine d'El Paso, de nombreuses femmes travaillent dans les "maquiladoras" dans des conditions de travail épouvantables (bas salaires et longues heures de travail) avec le facteur aggravant de l'insécurité : elles se rendent au travail à l'aube, en partie en bus et en partie à pied, marchant dans des zones pratiquement désertes alors qu'il ne fait pas encore jour, et rentrent chez elles le soir dans les mêmes conditions. Certains d'entre eux sont attaqués et disparaissent. Parfois, leurs corps sont retrouvés, parfois non.
La "perméabilité" des frontières, qui fournissait du travail à de nombreux Mexicains mais dans des conditions de travail misérables, s'est considérablement accrue avec l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, entré en vigueur le 1er janvier 1994. La subordination du Mexique à son voisin du nord résultant de l'ALENA a été complétée en 2005 par le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP).
Simultanément à cette perméabilité, le trafic de drogue du Mexique vers les États-Unis a énormément augmenté, donnant lieu à la formation de puissantes mafias de trafiquants de drogue qui se battent violemment pour le contrôle du business, ce qui explique, en partie, les massacres quotidiens. En outre, ces gangs proposent aux Centraméricains qui transitent par le Mexique dans le but d'atteindre les États-Unis de transporter de la drogue dans ce pays. En d'autres termes, de travailler pour eux en tant que "mules". Et s'ils refusent, ils les tuent. Cela explique la découverte fréquente de groupes de cadavres mutilés et non identifiables, d'hommes et de femmes.
La même chose arrive souvent aux femmes mexicaines lorsqu'elles refusent de travailler comme "mules" pour les trafiquants de drogue.