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Billet de blog 28 mai 2024

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L'UNION EUROPÉENNE, AUX ORDRES DU GRAND CAPITAL TRANSNATIONAL

L'Union européenne est profondément antisociale, atlantiste et belliciste aux antipodes de ce qu'elle devrait être : une puissance indépendante et pacifique dans le concert mondial, démocratique et sociale et prête à établir des relations mutuellement avantageuses sur un pied d'égalité avec d'autres régions et pays.

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L'UNION EUROPÉENNE, AUX ORDRES DU GRAND CAPITAL TRANSNATIONAL

 Alejandro Teitelbaum

  I. En Europe, il existe un certain nombre d'institutions sous le dénominateur commun de l'UNION EUROPÉENNE. Les trois principales institutions de l'Union européenne sont : a) le Conseil de l'Union européenne, b) la Commission de l'Union européenne et c) le Parlement européen. Et, avec des fonctions uniquement consultatives, le Comité européen des régions, créé en 1994.

ALe Conseil de l'Union européenne  est composé des premiers ministres ou des chefs de gouvernement des 27 États membres de l'Union européenne. Il y en avait 28 avant le retrait de la Grande-Bretagne. Les États membres assurent la présidence à tour de rôle par trios de 18 mois de six mois chacun. Le Conseil de l'Union européenne a six responsabilités fondamentales : 1. adopter des lois européennes (lignes directrices); 2. Coordonner les politiques économiques des États membres. Cette tâche est assurée par les ministres de l'Économie et des finances; 3. Conclure des accords internationaux entre l'UE et un ou plusieurs États ou organisations internationales. Peut également conclure des conventions entre les États membres de l'UE dans certains domaines tels que la fiscalité, etc.; 4. Approuver le budget de l'UE, conjointement avec le Parlement. Le Conseil a la décision finale sur les dépenses obligatoires, tandis que le Parlement a la décision finale sur les dépenses non obligatoires, s'ils ne sont pas d'accord sur l'adoption du budget; 5. Développer la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'UE, sur la base des orientations décidées par le Conseil lui-même; 6. Coordonner la coopération entre les tribunaux nationaux et la police en matière pénale (Justice et Affaires intérieures); 7. Coordonner les politiques économiques des États membres. C'est la tâche des ministres de l'économie et des finances.

Le Conseil de l’Union Européenne prend ses décisions, comme le prévoient les traités, a) à l'unanimité, b) à la majorité qualifiée : chaque État membre se voit attribuer un nombre de voix (vote pondéré), ce qui est la manière dont sont prises les décisions les plus importantes, et c) à la majorité simple pour les décisions de procédure. Dans de nombreux domaines, il légifère en commun avec le Parlement européen. Mais, et c'est important, le Conseil ne prend généralement pas l'initiative et n'agit que sur proposition de la Commission de l'Union européenne et après consultation du Parlement.

BLa Commission européenne est la branche exécutive de l'Union européenne, mais elle dispose également de pouvoirs législatifs étendus (lignes directrices) qui lui permettent de prendre l'initiative sur des questions essentielles. Le Conseil de l'Union européenne (réunion des ministres ou chefs d'État des États membres) nomme, à la majorité qualifiée, le président de la Commission européenne, et cette nomination est soumise à l'approbation du Parlement européen. Le président désigné de la Commission européenne nomme, en consultation avec le Conseil, les 27 commissaires qui composent la Commission de l'Union européenne. Tous les membres de la Commission sont approuvés par le Parlement à la majorité simple, après une série d'auditions de chaque commissaire devant les différentes commissions parlementaires compétentes. À l'issue de ce processus, le Conseil des ministres nomme la Commission dans son ensemble, à la majorité qualifiée[1].

Le rôle principal de la Commission européenne est de proposer et de mettre en œuvre les politiques de l'UE, de surveiller l'application des traités européens et de disposer d'un quasi-monopole du droit d'initiative sur toutes les questions économiques fondamentales, ce qui lui permet d'influencer les décisions du Parlement et du Conseil des ministres. Même l'article 250 de la version consolidée du traité instituant l'Union européenne exige un vote à l'unanimité du Conseil des ministres pour modifier une proposition de la Commission. Mais, en guise de petite compensation, le Parlement et le Conseil des ministres peuvent demander à la Commission d'adopter des règles dans certains domaines. La Commission européenne a été présidée par José Manuel Barroso pendant deux mandats, de 2004 à 2014, auquel a succédé Jean Claude Juncker, et maintenant Ursula von der Leyen est en fonction. Elle est impliquée dans le manque de transparence des négociations et des contrats avec les fournisseurs Big Pharma de vaccins contre le coronavirus[2].

 C.  Le Parlement européen est composé de 705 députés élus au suffrage direct des citoyens des 27 États membres de l'Union européenne, proportionnellement à leur population[3]. Il existe ce que l'on appelle la procédure de codécision (Commission, Conseil et Parlement) mais, en réalité, c'est la Commission qui oriente la politique de l'Union européenne, pour des raisons institutionnelles et aussi parce que les tendances néolibérales et à privatiser les industries et les services essentiels sont partagées par les gouvernements conservateurs, socialistes et conservateurs-socialistes des pays de l'Union européenne, qui ont ensemble le contrôle total des institutions européennes. La preuve en est que depuis l'introduction de la procédure de codécision en 1995 jusqu'en 2004, le Parlement a rejeté deux projets sur 420, les 418 autres ayant été adoptés en première ou deuxième lecture ou après une procédure de conciliation.

 D.  Le Comité européen des régions, dont les fonctions sont uniquement consultatives, a été créé en 1994. Les membres du Comité des régions sont nommés par le Conseil de l'Union européenne, statuant à l'unanimité, pour une période de cinq ans, conformément aux propositions faites par chaque État membre concerné. Le mandat est renouvelable. Les membres nommés doivent être titulaires d'un mandat électoral d'une autorité régionale ou locale ou être politiquement responsables devant une assemblée de leur région.

 Autres institutions européennes,qui ne font pas partie de l'UE, sont

le Conseil européen, et  le Conseil de l'Europe.

Les membres du Conseil européen sont les chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'UE. Le rôle du Conseil européen est de donner des impulsions et des orientations politiques, économiques et sociales, mais ses lignes directrices et ses déclarations n'ont pas de valeur juridique. Le  Conseil européen a été créé en 1974 en tant qu'enceinte informelle de discussion entre les chefs d'État ou de gouvernement des États membres de l'UE. En 1992 le traité de Maastricht a conféré au Conseil européen un statut officiel et lui a attribué pour fonction de donner les impulsions et de définir les orientations politiques générales de l'UE.

Le Conseil de l'Europe, a été fondée en 1949 par six États d'Europe occidentale et compte actuellement 46 États européens.

Le Conseil de l’Europe se compose d'un Comité des ministres (un par État membre) et d'une Assemblée parlementaire de 324 membres et 324 suppléants représentant les États membres au prorata de leur population respective. Par décision du Comité des ministres du Conseil de l'Europe du 16 mars 2022, la Fédération de Russie a cessé d'être membre du Conseil de l'Europe en raison de l'agression contre l'Ukraine. Toutefois, les relations avec la société civile de ce pays ont été maintenues.

Le Conseil de l’Europe a créé un dense corpus juridique qui comprend plus de 200 conventions, protocoles et arrangements divers, dont la liste complète peut être consultée sur le site https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list.

L'une des premières à avoir été adoptée est la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, qui entra en vigueur le 3 septembre 1953.

 Il existe deux tribunaux européens :

 1)La Cour européenne des droits de l'homme, qui est une juridiction européenne instituée en 1959 par le Conseil de l'Europe, siégeant à Strasbourg, ayant pour mission d'assurer le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention européenne des droits de l'homme.

2) La Cour de justice de l'Union européenne, siégeant à Luxembourg, qui statue, conformément aux traités : a) sur les recours formés par un État membre, par une institution ou par des personnes physiques ou morales ; b) à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur l'interprétation du droit de l'Union ou la validité des actes adoptés par les institutions ; c) dans les autres cas prévus par les traités.

 Et deux tribunaux internationales:

 1)La Cour pénale internationale (CPI), également connue sous le nom de Tribunal pénal international, basée à La Haye, est une cour de justice internationale permanente dont la mission est de juger les personnes accusées d'avoir commis des crimes de génocide, de guerre, d'agression et des crimes contre l'humanité. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une cour internationale, et non européenne. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une cour internationale, et non européenne. Le Statut de Rome est le traité international qui a fondé la Cour pénale internationale. Il est adopté lors d'une conférence diplomatique réunissant les représentants des États adhérant aux Nations Unies, dite Conférence de Rome,  célébré du 15 juin au 17 juillet 1998 à Rome, Il entre en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États. 

La Cour pénale internationale est alors officiellement créée. La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.

 2) La Cour Internationale de Justice  (CIJ). La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé son activité en avril 1946.La mission de la Cour est de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies autorisés à le faire. La CIJ a ordonné à Israël mesures conservatoires en Gaza qui n'ont pas été suivies d'effet- https://www.monde-diplomatique.fr/2024/02/ROBERT/66549

 IILA PRATIQUE DE L'UNION EUROPEENNE

Les grandes entreprises transnationales européennes, regroupées au sein de l'UNICE - l'Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe - contrôlent étroitement la Commission européenne. Les membres de l'organisation patronale entretiennent des représentations permanentes à Bruxelles et une véritable armée de "lobbyistes" pour influencer les décisions de la Commission[4].

Un journaliste et syndicaliste belge, Gérard de Selys, raconte[5] comment, grâce au travail d'équipe de la Commission européenne (qui émet des directives outrepassant ses pouvoirs) et de la Table ronde européenne des industriels ERT (les transnationales Volvo, Olivetti, Siemens, Unilever et autres), aidé par la Cour de justice de l'Union européenne,  qui interprète à sa manière les règles communes de concurrence du traité de Rome de 1957 qui a institué la Communauté économique européenne[6], achève de dépouiller les industries les plus dynamiques et les plus rentables du patrimoine public des pays européens.

Le livre de Selys date de 1995, mais depuis lors et jusqu'aujourd'hui, l'offensive de privatisation de la Commission européenne contre les services publics (avec le soutien actif des sociétés transnationales) n'a pas cessé. Un article publié dans Le Monde Diplomatique en juillet 2000 (Susan George et Ellen Gould, Libéraliser, sans avoir l'air d'y toucher) cite un document de la Commission européenne qui déclare : "la participation active des industries de services aux négociations est cruciale pour nous permettre d'aligner nos objectifs de négociation sur les priorités des entreprises. L'AGCS (Accord général sur le commerce des services) n'est pas seulement un accord entre gouvernements. Il s'agit avant tout d'un instrument au service des entreprises"[7].

 LES INDUSTRIES DE L’ENERGIE

 Le Traité sur la charte de l'énergie(TCE) a été signé en 1994, afin d'offrir des garanties aux investisseurs  dans des pays d'Europe orientale et de l'ex-URSS. En réunissant l'Union européenne et 52 pays, il permet aux entreprises de réclamer, devant un tribunal d'arbitrage privé, des dommages et intérêts contre un État dont les décisions affectent la rentabilité de leurs investissements, même lorsqu'il s'agit de politiques pro-climat.

Une fois atteint l'objectif initial de garantir les investissements des sociétés transnationales du secteur de l'énergie dans l'ex-URSS, les conditions draconiennes du traité en faveur des sociétés ont été utilisées par celles-ci pour intenter des procès devant des tribunaux d'arbitrage contre divers États européens et obtenir des compensations de plusieurs millions de dollars.

 L'Union européenne avait obtenu une réforme du TCE, mais le compromis a été jugé insuffisant par les ONG, qui ont appelé les européens à se retirer.

Le Haut Conseil pour le climat (HCC)[8] dans sa  auto-saisine d’octobre 2022, a déclaré que la France et l'Union européenne devaient sortir du TCE. Ce traité vieux de 30 ans est incompatible avec les "calendriers de décarbonisation" prévus par l'Accord de Paris.

" Aucun des cas de figure possibles dans le cinquième cycle de négociation (...) ne permettra pas aux parties signataires de s'engager dans une trajectoire de décarbonisation de leurs secteurs énergétiques respectifs à l'horizon 2030 et au niveau de l'ambition de l'accord de Paris ".

L'Italie s'est retirée du traité en 2016.

En  octobre 2022, Macron a annoncé le retrait de  la France du Traité sur la charte de l'énergie (TCE), retrait qui a pris effet fin décembre 2023.

Plusieurs États membres sont déjà en train de prendre le chemin de la sortie. Le 18 octobre 2022, le ministre néerlandais du climat et de l'énergie, Rob Jetten, a annoncé que les Pays-Bas, demandés  à deux reprises pour leur décision de fermer leurs centrales électriques au charbon, avaient décidé de se retirer du TCE. L'Espagne a également confirmé qu'elle était désormais " certaine " de se retirer de cet accord, ayant trouvé des " améliorations " insuffisantes. L'assemblée polonaise a également voté un projet de loi pour le retrait. Et selon des informations transmises par le collectif Stop Ceta, l'Allemagne serait la suivante.

Pour l'évaluer correctement la tendance des États a quitter le TCE, il faut la situer historiquement au moment de la célébration  du traité (offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d'Europe de l'Est et de l'ex-URSS) et le replacer dans le contexte des politiques énergétiques actuellement dominants à l’échelle mondiale sur le plan factuel et juridique.

Depuis des années la planète est prise dans un réseau dense d'accords et de traités économiques et financiers internationaux, régionaux et bilatéraux qui ont subordonné ou supplanté les instruments fondamentaux du droit international et régional des droits humains, les constitutions nationales, la législation économique axée sur le développement national et les lois sociales et du travail existantes, y compris le droit à un environnement sain.

Grâce à l'application des clauses de "traitement le plus favorable", de "traitement national" et de "nation la plus favorisée", qui figurent dans presque tous les traités, cette toile fonctionne comme un système de vases communicants, permettant aux politiques néolibérales de circuler librement à l'échelle planétaire et de pénétrer dans les États, où elles désintègrent les économies nationales et génèrent de graves dommages sociaux. Tout cela implique la primauté du grand capital sur les droits démocratiques et humains des peuples. Les politiques de libéralisation et de privatisation sont consolidées sous la forme d'un régime juridiquement contraignant. L'objectif est de garantir, par le biais d'accords internationaux, que ces politiques ne puissent être inversées.

 Il s'agit d'une régression vers une sorte de droit féodal ou corporatif, souvent appelé "lex mercatoria", mais qui va bien au-delà des coutumes et des pratiques dans le domaine du commerce, car il est intégré au droit existant sous la forme de traités interétatiques qui sont incorporés au droit interne, même s'ils sont contraires au droit public national et international. Il fonctionne dans l'intérêt exclusif du grand capital transnational et des États riches et au détriment des droits fondamentaux des États dits périphériques et de leurs peuples.

Avec le facteur aggravant que ce droit est accompagné d'un fort système coercitif pour assurer son application : amendes, sanctions et pressions économiques, diplomatiques et militaires.

Et pour le règlement des litiges entre les parties, des "tribunaux d'arbitrage" ont été créés en dehors du système judiciaire de droit public étatique et international, dont ceux mis en place au sein du CIRDI[9], pour régler les litiges entre les entreprises et les États. Dans ce cadre, les entreprises peuvent poursuivre les États, mais les États NE PEUVENT PAS poursuivre les entreprises.

L'Organisation mondiale du commerce  a son propre  tribunal, l'Organe de règlement des différends, où sont réglés les litiges entre États[10]. Les accords internationaux, régionaux, sous-régionaux et bilatéraux font partie de ce système de droit favorable aux entreprises transnationales[11] .

On ne peut pas non plus compter sur le Parlement européen -qui est majoritairement de centre et de droite- pour changer cet état de fait : le 4 juin 2003, le Parlement européen a accepté à une large majorité d'autoriser la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz, y compris la fourniture aux particuliers, à partir du 1er juillet 2007[12].

Suivant le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) de 1944, dans l'immédiat après-guerre, la France  a procédé à la nationalisation du secteur de l’énergie, parmi de nombreuses autres nationalisations. "Compte tenu de la nécessité de "rendre à la nation les grands moyens de production monopolisés, les fruits du travail commun, les sources d'énergie, les richesses du sous-sol, les compagnies d'assurances et les grandes banques, la nationalisation apparaisse comme "une œuvre de libération" qui devait permettre de "développer la production de notre pays" en tenant compte du fait que l'énergie est avant tout un bien public et qu'à ce titre, sa gestion ne peut rester entre les mains d'entreprises privées.

Cette approche s'est érodée, et 80 ans plus tard, la situation s'est complètement inversée et l'énergie, sa production et sa distribution aux consommateurs sont entre les mains du capital industriel et du capital financier. Ce dernier  monopolise également les médias qui se chargent d'"expliquer" que cet état de fait est la meilleure solution.

Beaucoup de choses ont changé depuis l’après-guerre: l'augmentation verticale de la consommation d’energie, la diversification des sources de production d'électricité (nucléaire, gaz, pétrole, hydroélectricité, éolien, solaire, etc.), la création d'un marché commun européen, les guerres, qui ont conduit à la perte de certaines sources et à l'accès à d’autres, soit par voie contractuel ou soit  par la force militaire.

Face à ces éventualités, l’option des détenteurs du pouvoir économique et politique a toujours été la même : augmenter les profits du capital financier spéculatif et  des entreprises[13] qui  interviennent d'une manière ou d'une autre dans la production et la distribution de l'électricité (producteurs,  fournisseurs et distributeurs) au détriment des consommateurs : particuliers, PME, grandes industries, hôpitaux, écoles, etc.[14].

Pour approfondir le thème de l'énergie, voir :

 1) Arthur Olivier, Energie : comment fonctionne le marché européen de l’électricité ? https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/energie-comment-fonctionne-le-marche-europeen-de-l-electricite/

2) https://www.touteleurope.eu/dossier/energie/

3)https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lectricit%C3%A9_de_France

 L'INDUSTRIE DE L'ARMEMENT.

 Le 23 septembre 2004, la Commission européenne a publié un "Livre vert" intitulé "Les marchés publics de la défense" en vue d'ouvrir les marchés militaires à la "libre concurrence". Au début de l'introduction, il est indiqué : "Ce livre vert est l'une des actions annoncées par la Commission européenne dans sa communication "Vers une politique de l'UE en matière d'équipements de défense", adoptée le 11 mars 2003. Par ces actions, la Commission européenne entend contribuer à la construction progressive d'un marché européen des équipements de défense ("EDEM"), plus transparent et plus ouvert entre les États membres, qui, tout en respectant les spécificités du secteur, le rendra plus efficace économiquement". Le 7 décembre 2006, la Commission européenne a publié de nouvelles lignes directrices visant à limiter les exceptions à la "libre concurrence" dans les contrats de l'industrie militaire, dans le but proclamé de "libéraliser" davantage le secteur. Cette pression pour la libéralisation du secteur proviendrait de l'industrie de l'armement elle-même. Mais qui sont ces fabricants d'armes ? Le journal Le Monde du 14 juillet 2005 (Les fonds américains irriguent l'industrie de défense européenne) rapporte que de puissants fonds d'investissement américains, Blackstone, KKR, One Equity Partner entre autres, prennent le contrôle de secteurs de l'industrie de défense européenne : QinetiQ, Bofors Weapons, Gemplus, etc..... En juillet 2003, Carlyle et Finmeccanica ont acheté respectivement 70 % et 30 % de Fiat Avio. Toujours en 2003, le fonds KKR a acheté un tiers du capital du fabricant de moteurs militaires Eurojet, et à la fin de la même année, il a acheté MTU, le premier fabricant de moteurs allemand. En 2000, Texas Pacific Group a acquis 25% de Gemplus. En février 2003, Carlyle a acheté une participation de 33,8 % dans QinetiQ, etc. Il n'est pas exclu qu'en plus des objectifs purement économiques de recherche de profits plus élevés, ces mouvements de capitaux répondent à une géostratégie politico-militaire des centres de pouvoir américains, dans laquelle le projet de "libéralisation" de l'industrie européenne de la défense, contenu dans le livre vert de la Commission européenne, a ouvert les portes de l'Europe à l'industrie militaire américaine.

La situation internationale se caractérise par l'affrontement des trois grands centres de pouvoir mondial, les États-Unis, la Chine et la Russie, pour le contrôle géopolitique et économique de vastes régions de la planète, y compris la guerre, pour l'instant localisée en Russie/Ukraine, qui pourrait se généraliser et se transformer en catastrophe nucléaire en Europe. Le bilan de cette guerre, ce sont des dizaines de milliers de morts ukrainiens et russes, d'énormes destructions en Ukraine[15], une crise d'approvisionnement et une inflation galopante en Europe occidentale. Le principal bénéficiaire est les États-Unis, qui réalisent d'énormes profits avec leur industrie de l'armement, ont étendu leur présence géopolitique en Europe avec l'élargissement de l'OTAN[16] dont l'Union européenne fait institutionnellement partie depuis longtemps[17], et remplacent les fournisseurs russes de certains produits en Europe occidentale à des prix spéculatifs[18]. En outre, le bilan des États-Unis est OK[19].

NOTES

[1] À la Commission européenne, le  « pantouflage » fonctionne régulièrement avec  presque tous ses commissaires. Ils arrivent à leur poste après avoir occupé des fonctions importantes dans de grandes entreprises et, lorsqu'ils terminent leur mandat - après avoir servi les intérêts des grandes entreprises dans leurs fonctions publiques - ils retournent à une activité privée. Un  cas exemplaire :les « Uber Files » ont révélé en 2022 que l’ex  commissaire européenne Neelie Kroes avait entrepris une relation d’affaires avec la plate-forme de VTC avant la fin de son mandat. Mais l’enquête européenne concernant ce dossier a buté sur un manque de transparence. (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/03/15/l-echec-de-l-enquete-sur-le-recrutement-de-la-commissaire-europeenne-neelie-kroes-par-uber_6222191_4355770.html)

 [2] https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/16/affaire-des-sms-d-ursula-von-der-leyen-mauvaise-gestion-administrative-selon-la-mediatrice-de-l-ue_6135022_3210.html 

https://www.investigate-europe.eu/fr/2021/eu-negotiators-covid-19-vaccine-price-moderna-pfizer/

[3] Les classes populaires ne sont pas représentées au Parlement européen : lorsqu'il comptait 766 députés (705 aujourd'hui), 0,4% étaient des ouvriers et 1,4% des employés (http://geopolis. francetvinfo. fr/qui-sont-les-766-deputes- europeens-26227).

[4] Voyons ce que l'UNICE dit d'elle-même (http://www.unice.org/ Le porte-parole des entreprises en Europe). L'UNICE est la voix du monde des affaires vis-à-vis des institutions de l'Union européenne. Ses 39 membres sont les organisations industrielles multisectorielles et les organisations d'employeurs de 31 pays européens et représentent plus de 16 millions d'entreprises, principalement des petites et moyennes entreprises. L'UNICE est également un partenaire du dialogue social européen au niveau de l'UE. La tâche principale de l'UNICE est d'informer et d'influencer les processus décisionnels dans l'Union européenne, afin que les politiques et les propositions législatives ayant un impact sur l'activité économique en Europe tiennent compte des besoins des entreprises. La première priorité de l'UNICE est de promouvoir la concurrence dans l'environnement économique et l'investissement au niveau européen, seul moyen de parvenir à un développement plus élevé et à un emploi durable. Le monde des affaires a besoin d'une Commission efficace.

[5] Gérard de Selys, Privé de public. A qui profitent les privatisations?, Editions EPO, Bruxelles, 1995.  

[6] L'organisme qui a précédé l'actuelle Union européenne.

[7] Un groupe de chercheurs, qui fait partie du Corporate Europe Observatory (CEO), a publié une étude très complète sur le rôle des sociétés transnationales au sein de l'Union européenne : Belén Balanya, Ann Doherty, Olivier Hoedeman, Adan Ma'anit et Erik Wesselius, Europe Inc. Liaisons dangereuses entre institutions et milieux d'affaires européens, Agone Editeur, Marseille, 2e trimestre 2000. Édition originale anglaise : Europe Inc. Regional and Global Restructuring and the Rise of Corporate Power, Pluto Press et CEO, 1999.

 [8]Le Haut Conseil pour le climat est une instance consultative indépendante française, créée en novembre 2018, placée auprès du Premier ministre et composée au plus de treize membres experts nommés par décret.

[9] Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI- CIADI-ICSID). Le droit corporatif ou néo-féodal au service des sociétés transnationales, constitué par les traités bilatéraux sur le libre-échange, la promotion et la protection des investissements étrangers, et la propriété intellectuelle, entre autres, est complété par des juridictions spécifiques, les tribunaux d'arbitrage internationaux.

Si l'on exclut le Traité sur la charte de l'énergie comme moyen de poursuivre les États, les entreprises peuvent le faire via le CIRDI . Ils le font déjà, même en invoquant le TCE. Les litiges en CIRDI concernant l'électricité et les autres sources d'énergie, le pétrole, le gaz et les mines représentent 31% du total. https://icsid.worldbank.org/sites/default/files/publications/Caseload%20Statistics/fr/Special%20Issues/Stats%20EU%20Special%20Issue%20-%20Fre.pdf. Parmi les tribunaux arbitraux, ceux constitués au sein du CIRDI, membre du groupe de la Banque mondiale et dont le président est, d'office, le président de la Banque mondiale lui-même, comme l'établit le règlement du CIRDI, jouent un rôle prépondérant. Le CIRDI, avec le manque d'objectivité et d'impartialité qui est inhérent à la Banque mondiale, contribue à la mise en place de tribunaux d'arbitrage internationaux pour régler les litiges entre les sociétés transnationales et les 158 États, qui ont accepté de se soumettre à cette procédure. En acceptant cette compétence pour régler dans des conditions inférieures les litiges avec les entreprises privées, les États renoncent à une prérogative fondamentale de souveraineté telle que la compétence territoriale de leurs tribunaux nationaux. Nous disons dans des conditions inférieures parce que la règle générale, qui découle des traités bilatéraux de libre-échange, est que seule l'entreprise peut poursuivre l'État pour non-respect, mais que ce dernier ne peut pas poursuivre la première. -Alejandro Teitelbaum, La armadura del capitalismo: El poder de las sociedades transnacionales en el mundo contemporàneo.Edit. Icaria, España, 2010. Pags. 185 à 212.  -Estelle Leroy-Debiasi, Le Tribunal Arbitral (CIRDI /CIADI) entre annulations et sanctions

https://www.elcorreo.eu.org/Le-Tribunal-Arbitral-CIRDI-CIADI-entre-annulations-et-sanctions

 [10] L'Inde a perdu un différend devant l'OMC face aux États-Unis et à l'Union européenne sur une question semblable à celle soulevée dans le procès des 39 transnationales pharmaceutiques (qui s'est terminé par un règlement entre les parties) contre l'Afrique du Sud, cette dernière ayant commencé à fabriquer des médicaments contre le SIDA à bas prix. En 1997, l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce a donné raison aux États-Unis, qui contestaient la législation indienne empêchant temporairement l'enregistrement des brevets sur les produits pharmaceutiques et agrochimiques.

[11] Les traités internationaux sont principalement ceux conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Les accords régionaux comprennent l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, qui est en vigueur depuis 1994, et l'Accord de libre-échange d'Amérique centrale (CAFTA). Il y a aussi le traité européen de Maastricht et d'autres structures régionales comme l'ANASE (Association des nations de l'Asie de l'Est), l'AFTA (zone de libre-échange de l'ANASE) et l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique).

 [12] Pour un aperçu détaillé des politiques de l'UE sur le marché de l'électricité. Voir : http://www.iirsa.org/admin_iirsa_web/Uploads/Documents/oe_cepal03_presentacionrafaelmateoalcala.pdf

 [13] Total Energies parmi   les premiers-  Derrière l’affichage « vert », Total Energies entend augmenter sa production pétrogazière

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/05/25/derriere-l-affichage-vert-totalenergies-entend-augmenter-sa-production-petrogaziere_6235392_3234.

[14] Comment se forment les prix de l’électricité sur le marché européen ? L’électricité est négociée entre les producteurs (les propriétaires des centrales électriques) et les fournisseurs, qui leur achètent l’électricité. Ces derniers livrent ensuite l’énergie achetée aux distributeurs qui s’occupent de la faire parvenir aux consommateurs. Des traders interviennent également pour acheter et vendre sur le marché. Il peut donc y avoir des échanges sur les bourses (EEX par exemple), avec des intermédiaires ou directement entre deux parties, en bilatéral.

 [15] Les bombardements russes sur l´Ukraine  sont comparables à ceux effectués par les deux camps de la Seconde Guerre mondiale, à Hiroshima et Nagasaki,  au bombardement des quartiers populaires de San Miguelito et El Chorrillo,  lors de l'invasion USA du Panama en décembre 1989 et à ceux effectués par les États-Unis, France et la Grande-Bretagne sous le drapeau de l'OTAN au cours des deux dernières décennies dans la guerre du Golfe (plusieurs dizaines de milliers de morts civils), la guerre en Yougoslavie, la guerre contre l'Irak (plusieurs centaines de milliers de morts civils), la guerre en Afghanistan et l'attaque a la Libye.

Le gouvernent Israélien a dépassé presque tous les précédents, cités ci-dessus, avec leurs  bombardements délibérément génocidaires de la bande de Gaza qui  bénéficient de la passivité complice de l'Union européenne et de ses principaux États membres. Et de la collaboration active des États-Unis et la France , qui lui fournissent des munitions pour assurer  la continuation du génocide.

 [16] Depuis sa fondation, l'OTAN est passée de douze à trente deux membres avec les adhesions de la Finlande en avril 2023 et de la Suède en mars 2024.

[17] Conseil de l'UE -Communiqué de presse-20 juin 2022- Coopération UE-OTAN: septième rapport d'étape. Le Conseil a pris note ce jour du septième rapport d'étape sur les suites données aux 74 propositions communes entérinées par le Conseil de l'UE et le Conseil de l'Atlantique Nord le 6 décembre 2016 et le 5 décembre 2017, sur la base des deux déclarations conjointes sur la coopération UE-OTAN de 2016 et 2018 et des principes arrêtés d'un commun accord qui guident le partenariat stratégique UE-OTAN. Le rapport détaille les progrès accomplis entre juin 2021 et mai 2022 en présentant les résultats concrets qui ont été réalisés dans tous les domaines de la coopération. Depuis le premier jour de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'UE et l'OTAN, les États membres de l'UE et les alliés de l'OTAN ont intensifié leurs travaux et leur coopération, faisant preuve d'unité et de la même détermination pour condamner la guerre d'agression menée par la Russie et soutenir l'Ukraine pour l'aider à se défendre et à protéger sa population. Le partenariat stratégique UE-OTAN est plus solide et plus important que jamais en cette période cruciale pour la sécurité euro-atlantique. Dans ce contexte, le rapport souligne en particulier que le dialogue politique entre l'UE et l'OTAN et leurs messages communs ont été encore renforcés, que les consultations politiques bien établies se sont poursuivies à un rythme soutenu sous différentes formes, notamment au moyen de réunions régulières entre le Comité politique et de sécurité (COPS) de l'UE et le Conseil de l'Atlantique Nord (NAC) .(https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/06/20/eu-nato-cooperation-seventh-progress-report)

 [18] Les Etats-Unis pratiquent-ils des prix indécents sur le marché du gaz ? Oui selon Berlin. Le ministre allemand de l'Economie a déploré mercredi les prix "astronomiques" demandés par les pays "amis" de l'Allemagne, Etats-Unis en tête, pour fournir le gaz permettant de compenser la fin des livraisons russes. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a demandé aux États-Unis la livraison à la France d'un gaz naturel liquéfié «moins cher», au moment où la crise énergétique fait rage en Europe en raison de la guerre. «Nous attendons davantage de l'administration américaine», a affirmé le ministre français . La France attend selon lui «d'obtenir du GNL moins cher au travers d'une approche de long terme». Après l'invasion de l'Ukraine, la Russie a considérablement baissé ses livraisons de gaz à l'Europe.  Le continent s'est alors tourné vers les États-Unis, dont la part dans les importations européennes de GNL a grimpé de 28% à 45% entre 2021 et 2022.

[19] L'expression OK vient de Zero Killed, pour indiquer que dans une bataille, le camp américain n'a eu aucune perte.

 EN CONCLUSION,

 L'Union européenne est profondément antisociale, atlantiste et belliciste (participation à la guerre du Golfe et aux agressions contre la Yougoslavie, l'Irak et l'Afghanistan), aux antipodes de ce qu'elle devrait être : une puissance indépendante et pacifique dans le concert mondial, démocratique et sociale et prête à établir des relations mutuellement avantageuses sur un pied d'égalité avec d'autres régions et pays.

Il n'est donc pas surprenant que l'abstention aux élections du Parlement européen soit de plus en plus élevée, de la première élection en 1979 (40 % d'abstention) à 2019, où le taux d'abstention moyen était de 60 % avec des pics allant jusqu'à 90 % dans certains pays. La majorité des peuples européens sont conscients que l'Union européenne ne représente pas leurs intérêts et que ses gouvernements (de droite et socialistes) évitent soigneusement une réelle démocratisation de ses institutions et un changement vers des politiques sociales. Bien qu'ils tentent de regagner l'opinion publique avec quelques réformes cosmétiques après chaque rejet populaire de plus en plus retentissant dans les urnes.

REFLEXION FINALE

 Il faut comprendre que les textes juridiques sont une chose et que leur application dans la pratique en est une autre.

 DANS LE SYSTÈME CAPITALISTE,  LES INSTITUCIONES ET LES NORMES  NATIONALES ET INTERNATIONALES SONT FAÇONÉES POUR PRÉSERVER LES PRIVILÈGES DES CLASSES POSSÉDANTES. Même si elles ont l'apparence de consacrer des droits - et des obligations - pour tous les êtres humains.

Dans de nombreux cas, cela est formellement vrai. C'est parce qu'ils ont été adoptés à une époque où le rapport de forces était en faveur des opprimés et des exploités. Mais, comme elles sont le résultat du système socio-économique existant, ces normes juridiques contiennent des lacunes et des dispositions qui servent à neutraliser les aspects favorables aux classes subordonnées. Et, si, malgré tout, la règle en vigueur affecte les intérêts des classes dominantes, l'État bourgeois la transgresse sans hésiter et impose l'arbitraire.

C'est ce qu'explique la juriste Katharina Pistor dans son ouvrage Le Code du capital. Comment la loi crée la richesse capitaliste et les inégalités. Edit. Seuil, 2023.

Pistor écrit dans un article :  Il n’est pas surprenant que le droit lui-même soit devenu le principal instrument de création de richesse . Si je peux demander à mon avocat d’augmenter ma richesse en transférant des comptes dans différentes juridictions, en créant de nouveaux actifs financiers ou en m’assurant que mon brevet sera prolongé une fois de plus en changeant quelques composés mineurs, pourquoi prendre la peine de produire beaucoup, voire quoi que ce soit ? (https://geopolitique.eu/auteurs/katharina-pistor/)

Katharina Pistor, nous explique la fabrique du capital. Elle raconte l'histoire de l'adaptation du droit pour instituer successivement le codage capitaliste de la terre, de l'entreprise, de la connaissance, de la dette, de la nature. Elle met au jour le rôle des « maîtres privés du code » – ces avocats et banquiers qui élaborent de fait le code public en inventant des contrats et des instruments qu'ils font ensuite valider par la loi. Ce droit conçu par et dans l’intérêt de riches acteurs privés induit à la fois l’accumulation de richesse, l’envol des inégalités et les crises à répétition. Mais, puisque que c'est la loi qui fait le pouvoir du capital, l’auteure peut esquisser la manière de concevoir un autre code qui remettrait le droit des entreprises, des marchés et de la finance au service de l'intérêt commun.

Lorsqu'une initiative populaire propose un projet de texte juridique ou de convention internationale inacceptable pour le système dominant, les ressources institutionnelles et humaines en symbiose avec le pouvoir économique sont mobilisées pour que le projet n'avance pas, stagne et soit finalement abandonné.(Voir : https://www.cetim.ch/les-democraties-liberales-contre-la-regulation-contraignante-des-societes-transnationales/).

 La nature des normes juridiques dans le système capitaliste ont déjà été expliquées par Marx:

Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques – ainsi que les formes de l’État – ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l’esprit humain, mais qu’ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d’existence matérielles dont Hegel, à l’exemple des Anglais et des Français du XVIIIe siècle, comprend l’ensemble sous le nom de « société civile », et que l’anatomie de la société civile doit être cherchée à son tour dans l’économie politique . Marx poursuit en affirmant que, pour cette raison, les rapports de production constituent « la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées »( K. Marx, « Préface » (1859), in Contribution à la critique de l’économie politique). Comme il l’écrit dans L’idéologie allemande, « les rapports de production des individus entre eux s’expriment nécessairement aussi sous forme de rapports politiques et juridiques».

Dans la philosophie du droit et les sciences juridiques, les différentes écoles et tendances (positivistes, jusnaturalistes, normativistes, etc.) qui jouissent d'une reconnaissance académique et universitaire privilégiée concluent d'une manière ou d'une autre à la naturalisation (dans le sens d'une autonomie par rapport aux relations de production existantes) du droit moderne et de l'État de droit, en niant leur essence capitaliste, bourgeoise et coercitive et comme garants de la propriété privée des instruments et des moyens de production (tous sont égaux devant la loi, mais pas devant la propriété privée). L'arsenal juridique actuellement en vigueur, tel que la Déclaration universelle des droits de l'homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, les conventions et recommandations de l'OIT, entre autres, qui, bien qu'utile, est insuffisant, et entravé ou stérilisé par de nombreux obstacles.

 Les normes juridiques, aussi sophistiquées soient-elles, ne peuvent pas être l'outil du changement social. Pourtant, nous pensons qu'elles peuvent contribuer à ce changement, en particulier dans le sens où elles peuvent aider à sensibiliser les personnes à leurs droits et les motiver à lutter pour les défendre. S'il faut garder à l'esprit que l'élaboration du droit est l'œuvre de l'État comme représentant des classes dominantes, le droit en vigueur n'est pas simplement le produit de la volonté des classes dominantes, mais reflète - pour schématiser - le rapport de force entre les classes sociales à un moment donné de l'histoire. Lorsque le rapport de force est plus favorable aux groupes subordonnés, des normes positives, sont sanctionnées. En revanche, lorsque le rapport de forces est plus défavorable, il y a régression normative. Mais même dans ces circonstances, l'invocation de certaines normes juridiques pour sanctionner les membres de l'élite économique qui violent les droits humains  fondamentaux, a une valeur éducative et idéologique en mettant en évidence les mécanismes d'un système social injuste.--------------------------------------------------------------------

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