Depuis plusieurs siècles, la question est posée : qui sommes-nous et d’où venons-nous ? Avec ces deux interrogations il y a de quoi entretenir toutes les peurs (sale, violent asocial, fainéant et voleur d’enfant)...
Sur nos origines on sait peu de choses, mais par notre physique, même si nous nous sommes un peu mélangés avec les occidentaux et par nos coutumes et notre langue, nous venons de l’Inde et il semblerait que l’on vienne du nord de l’Inde, pourquoi l’avoir quitté ?
Pourquoi pas, car dans un passé pas très éloigné, 5 ou 6 millénaires, beaucoup de peuples sont encore dans le nomadisme ! En France les aristocrates ont été, avec les Tsiganes, les derniers nomades !
Mon ami l’architecte Gérard Vincent s’était beaucoup intéressé aux châteaux forts, il en avait vu un grand nombre, et il ne comprenait pas comment c’était possible de vivre dans la plus grosse tour du château car l'endroit est déplaisant à vivre.
Mais en voyant des peintures datant du Moyen Âge, il comprend que la tente qu’ils utilisent quand ils sortent du château, ils la remontent dans la tour.
En fait, dès qu’il fait beau ou qu’il n’y a pas la guerre, ils redeviennent des nomades, ce qui pourrait expliquer pourquoi les aristocrates ont toujours eu de la sympathie pour nous !
Dans mon enfance, mais ça l’est encore aujourd’hui, les sédentaires forment deux groupes : il y a ceux qui ne nous aiment pas et ceux qui nous aiment jusqu’à nous admirer !
Au 19e siècle, l’époque chrétienne la plus inhumaine pour les gens de modestes conditions, un grand nombre d’artistes en guerre avec les bourgeois revendiquent haut et fort une filiation avec nos tribus ! Frantz List disant : « Ma mère est Tzigane », Arthur Rimbaud : « J’irai loin, bien loin comme un Bohémien », Carmen de Bizet, Victor Hugo avec « Esmeralda »
Et il y a depuis plusieurs siècles, une énorme quantité de peintures et de dessins qui ne laissent aucune place au doute, nous sommes différents des occidentaux et nous sommes des nomades !
Il semble évident que nous dérangeons, mais nous exerçons aussi un fort pouvoir de séduction et pourtant et c’est très récent, des soi-disant «spécialistes» nous disent :« Vous êtes en Occident depuis si longtemps qu'il n'est pas raisonnable de vous donner une origine autre qu'Européenne ». Et pour ce qui est du nomadisme, ils ne peuvent que le nier, car le reconnaitre serai un désaveu de leur affirmation qui ne repose que sur du sable !
Ces gens sont autant spécialistes de nos tribus que moi, qui suis le spécialiste « des grenouilles et des escargots… »
Ces affirmations, car ils affirment, sont propagées pour protéger, car en aparté ils disent : "tôt ou tard on vous dira : vous n’êtes pas d’ici", d’ailleurs les faits leur donnent raison, car en Tchéquie, en Slovaquie, en Hongrie et en France, des responsables politiques importants ne se gênent pas pour nous dires: «retournez d’où vous venez !»
Il y a aussi un deuxième groupe de soi-disant « spécialistes », ils disent à peu près les mêmes bêtises que ceux qui veulent nous protéger, mais leur intention est de nous nuire !
Ils affirment qu’il n y a rien de commun entre les Tziganes qui vivent en France et ceux qui viennent de l’Est Européen.
Si c’est vrai comment expliquer que nos caravanes sont sur les mêmes terrains, qu’il y a de plus en plus de mariages, que nous parlons la même langue, que nous avons la même esthétique, le même amour de la liberté et que la famille et notre croyance en Dieu est très forte ?!
L’Est Européen mais surtout la Roumanie pose un problème parce que le nomadisme était plus ou moins toléré, mais interdit en Roumanie. À partir de ce sinistre fait, certains en font une généralité.
Je crois qu’ils veulent nous faire payer le fait qu’ils vivent et travaillent entre quatre murs et que leur vie est triste… Ces gens ne sont pas seulement malhonnêtes, ils sont stupides, car ils n’ont pas vu que leur souhait est en train de se réaliser… !
Quand Rajenka ma plus jeune fille, celle que j’appelle « La Dernière des Mohicans » sera vieille, les tribus Tsiganes n’existeront plus, car comment résister à la sinistre mondialisation qui emporte toutes les cultures sur son passage !
Aujourd’hui il n’est pas possible de lire un journal, une revue, écouter une radio, regarder un écran ou des affiches dans les rues sans qu’on nous dise : « Tu dois avoir la plus belle voiture, le plus beau costume, la plus belle montre, le plus beau compte en banque et la plus belle femme » et si tu ne rejoins pas le cheptel, tu n’es rien !
Comme la jeunesse de ce pays, notre jeunesse est en première ligne pour avaler tout ce qu’il y a de détestable dans la société.
On nous dit : «Quand vous vous déplacez avec vos caravanes, vous n’allez pas loin»… Ils confondent tourisme et nomadisme. Le touriste, assez tristement d’ailleurs, peut faire 20.000 kilomètres pour trouver un endroit pour y passer des vacances, le nomadisme c’est autre chose, il nous arrive de faire quelques kilomètres…
Récemment, j’ai vu un campement Tsigane faire 500 mètres et il avait raison, car autour d’eux tout avait changé : il n’y avait plus le même paysage et plus les mêmes gens…
J’ai vu un campement Tsigane dans la banlieue parisienne aménagé par la Mairie, il leur avaient acheté des caravanes, il y en avait une centaine… La Mairie avait fait enlevé tous les essieux des caravanes pour être sûr qu’ils ne reprendraient pas la route !
Aujourd’hui en 2017, on suppose, car nous n’avons aucun chiffre, que 50 % des Tsiganes de l’Est et de l’Ouest Européen seraient sédentarisés mais ce nombre va malheureusement augmenter, car tout incite à ce désastre, il suffit de questionner les hommes et les femmes qui étaient des nomades et qui sont devenus par la force des choses, des sédentaires : ils sont tous déprimés, ils n’ont plus de goût a rien…
En Europe on peut encore voyager avec nos caravanes, mais on n’a pas le droit de s’arrêter ailleurs que dans des endroits sinistres entourés d’un mur et surchargés qu’il appelle pudiquement « aire de stationnement », ça fait penser au film On achève bien les chevaux…
Ces spécialistes ne savent même pas pourquoi en France, au 19e siècle et seulement en France, on nous accuse de voler les enfants. Ils y a celles qu’ils appellent les filles-mères, ce sont des adolescentes qui sont tombées enceintes accidentellement car elles ne sont pas mariés, elles sont la honte de la famille… L’enfant est donné et pour la jeune fille c’est le bannissement, elle est envoyé vivre chez des paysans. Elle ne reverra plus jamais sa famille.
Quand ces paysans se voyaient offrir alors qu’ils n’avaient rien demandés ; une jolie jeune fille parfumée et bien habillée, ils se doutaient bien qu’il s’était passé quelque chose de grave. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’était pas considérée…
À la sortie du village il y a le campement Tsigane ; tous les jours elle croise un joli garçon et ils se plaisent… Quand le campement s’en va, elle se sauve avec lui d’où l’accusation : voleur d’enfant !
Si ceux qui se disent spécialistes sortaient un peu de leur bureau pour aller dans les campements tsiganes ce qu’ils ne font jamais, et qu’ils questionnaient nos anciens, ils diraient peut-être moins de bêtises, car ils connaîtraient mieux notre histoire et les plus honnêtes seraient d’accord pour dire : Gitan, Manouche, Bohémien, Romanichel et récemment ROM – ce sont des noms qui nous ont étés donnés par les sédentaires, car notre vrai nom c’est TSIGANE !
Aujourd’hui la question est posée à notre jeunesse : «Que voulez-vous, un plafond aux dessus de la tête ou le ciel étoilée ?»
Moi, Alexandre Romanès de la tribu des Sinti, j’affirme que nous venons de l’Inde et que nous sommes des Nomades !
« J’irai loin bien loin, comme un Bohémien heureux comme avec une femme » A.Rimbaud
Alexandre Romanes Luthiste Baroque, Poète et directeur du Cirque Tzigane
« Entre le monde et moi, aucune réconciliation n’est possible. Moi je préfère l’oiseau impassible sur la falaise et qui s’élance dans le vide. »
Alexandre Romanes, Paroles perdues, collection blanche Gallimard