La ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a annoncé la semaine dernière les mesures de l’acte 2 du « choc des savoirs », parmi lesquelles l’obligation pour les collégiens, dès 2027, d’obtenir le brevet des collèges pour s’inscrire au lycée.
Cette mesure couperet, ultra sélective, va exclure des bancs du lycée, près de 120 000 jeunes par an. C’est une ineptie pédagogique et un scandale contre la jeunesse populaire, en plus de porter un coup de frein à la démocratisation de l’enseignement secondaire. En 40 ans, la part de bacheliers dans une classe d’âge a augmenté de 50% pour atteindre environ 80% et la part d'élèves sans diplôme à la fin de leur scolarité a, elle, été divisée par 5.
De même, il faut se réjouir du fait que le taux de réussite au baccalauréat des élèves issus des classes populaires (enfants d’ouvriers, d’employés, d’inactifs) ait progressé en moyenne de 18% les 30 dernières années. Si ces résultats sont largement perfectibles, ils montrent qu’il est possible d’enrayer la reproduction des inégalités sociales.
Pourtant, à l’inverse, le projet de la ministre va frapper les élèves très majoritairement issus des classes sociales les plus défavorisées. La réussite et l’échec au brevet sont marqués socialement. D’après les chiffres publiés par l’Éducation nationale, lors de la session 2022 du DNB, 24,5 % des élèves issus de familles d’inactifs ont échoué à l’examen contre seulement 2,7% des élèves dont les parents occupent des emplois de cadres ou de professions intellectuelles supérieures. La ministre veut donc instaurer un sévère filtre social des élèves à la sortie du collège.
Mais, le contre-exemple le plus frappant à la mise en place de cette réforme est que, selon des statistiques ministérielles de 2016, « un élève sur deux parmi ceux en difficulté scolaire en troisième a obtenu le baccalauréat cinq ans après son entrée en classe de troisième ». Or, exclure des élèves du lycée, c’est les priver d’une chance de se relever.
De plus, si le collège est unique en théorie, c’est loin d’être le cas en pratique pour les conditions d’apprentissage des élèves selon leur origine sociale et géographique. Des travaux parlementaires ont, par exemple, mis en évidence que le collège le mieux doté de la Seine- Saint-Denis est moins bien doté que le collège le moins bien doté de Paris.
Le projet de la ministre est donc une double sanction pour les élèves échouant à obtenir le brevet. Non content d’alimenter les conditions de l’échec pour ces élèves en refusant des investissements massifs dans l’éducation, le Gouvernement passe à la phase de réalisation d’un tri social. Les élèves exclus auraient un choix entre l’intégration d’une classe « prépa- seconde », une inscription directe en CAP ou la fin de toute scolarité.
Concernant les classes prépa-seconde, les syndicats d’enseignants s’y sont déjà fermement opposés. Réduction du nombre d’heures d’enseignement alors que ces élèves ont besoin de plus d’encadrement (-6h par rapport à la 3e en cas de redoublement, -8h par rapport à la 2nde pro, -7,5h par rapport à la 2nde générale), pas de programme national avec un choix de discipline et de contenus possibles en sciences et technologie et en art, usage de la différenciation pour les enseignements méthodologiques afin de forcer de manière précoce l’orientation...
Comment la ministre ose-t-elle nous faire croire que l’ensemble des élèves ayant échoué au brevet pourront être accueillis dans ces classes au rabais, alors que le PLF 2025 prévoit par ailleurs la suppression de 4000 postes d’enseignants ?
Fumisterie donc. Il y a fort à parier que les élèves en échec au brevet seront orientés massivement vers des CAP. Or, pour un élève, subir son orientation au lieu d’en être maître peut être source de grande détresse psychologique et de découragement qui risquent d’amener à un décrochage scolaire massif. Personne n’est dupe de l’agenda du Gouvernement qui s’emploie en réalité à créer un vivier de travailleurs peu ou pas qualifiés pour occuper les emplois les plus pénibles et mal rémunérés.
Après avoir ignoré les professeurs, après avoir attaqué les lycéens les plus modestes avec la mise en place de ParcourSup, après avoir rabaissé et mis de côté les élèves des lycées professionnels, le Président s’en prend aux collégiens les plus vulnérables avec son « choc des savoirs partie 2 ». Sous Macron, même l’éducation devient un luxe où la réussite à l’école dépendra de la classe sociale et où les études supérieures seront réservées à certains enfants, issus des milieux aisés. Pour aboutir à une école de l’excellence, le Président et ses ministres de l’Education nationale mettent en place une école de l’exclusion. L’abandon immédiat de toutes ces mesures réactionnaires est la seule feuille de route que la ministre doit suivre.