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Billet de blog 4 juin 2013

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Mamadou Koulibaly architecte d'un nouveau mur de Berlin en Côte d'Ivoire!

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Dans un passage de son interview au journal camerounais Mutations, Mamadou Koulibaly avoue que Gbagbo avait perdu les élections présidentielles de décembre 2010 parce qu’il avait perdu la bataille de la légitimité administrative, c’est-à-dire celle de la construction des infrastructures, du respect des droits des populations et de l’amélioration de leurs conditions de vie durant sa longue magistrature, sans élection de 2000 et 2010. « Si nous avions travaillé dans ce sens, déclare Mamadou Koulibaly, nous aurions gagné en légitimité. Mais rien n’a été fait. La primature et la présidence étaient en rivalité pour savoir qui allait gaspiller le plus. Nos chantiers ont été abandonnés, pendant que les hommes du système s’enrichissaient et faisaient perdurer la crise plus que nécessaire. »Gbagbo n’a donc pas perdu les élections présidentielle de décembre 2010 parce que la victoire lui aurait été injustement arrachée en raison d’un complot international ourdi pour le punir de son anticolonialisme (cf notre article « les raisons secrètes de la théorie du complot international ») tel que le soutient jusqu’à ce jour la propagande! Comme Mamadou Koulibaly le révèle, Gbagbo fut au contraire un agent actif du néocolonialisme et de la françafrique. Gbagbo a perdu les élections tout simplement parce qu’il avait perdu, aux yeux du peuple ivoirien, la bataille de la légitimité administrative en dilapidant les fonds publics dans la corruption et le clanisme. Il a perdu les élections présidentielles de 2010 parce qu’après l’accaparement du pouvoir à la suite de son élection calamiteuse en 2000, dans une compétition électorale d’où furent exclus Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, les principaux leaders de l’opposition ivoirienne, il avait détourné le trésor public vers l’achat massif d’armes de guerre pour réprimer les manifestations de colère publique que provoquait sa politique de ségrégation! A la différence de Mamadou Koulibaly qui, au lieu de résoudre le problème de la rébellion de 2002 par une politique d’intégration nationale, proposait d’appliquer en Côte d’Ivoire, « la politique du mur de Berlin » en abandonnant le Nord à la déréliction économique et sociale au profit du Sud, Alassane Dramane Ouattara reconstruit les infrastructures nationales et le tissu social sur toute l’étendue du territoire national, dans un esprit d’égalité républicaine, par une politique d’intégration nationale qui ne privilégie pas le Nord au détriment du Sud ! Contrairement à Gbagbo et à Mamadou Koulibaly qui sont d’accord, dans le fond, sur la politique d’exclusion et de ségrégation par delà leurs divergences, le président ivoirien actuel concentre, depuis deux ans, son combat politique sur la conquête de la légitimité administrative dans une politique de production et de reconstruction de la richesse nationale. Il faut donc commencer à tirer les leçons de la bombe lancée par Mamadou Koulibaly en partant de l’hallucinante proposition qu’il avança pour résoudre le problème de la quasi-partition de la Côte d’ivoire provoquée par la politique ségrégationniste du FPI: « J’ai proposé, dès le début de la crise, que nous puissions définir une politique telle que ce fût le cas entre Berlin-Ouest et Berlin-Est. C’est-à-dire, comme la Côte d’Ivoire était divisée entre le Nord sous contrôle rebelle et le Sud sous contrôle gouvernemental, il était important que nous puissions massivement investir au Sud, dans l’amélioration des conditions de vie des citoyens, la promotion des droits de l’homme, l’amélioration des infrastructures, de telle sorte que les citoyens du Nord puissent être envieux à l’égard des citoyens du Sud. » Pour répondre à la rébellion, qui fut provoquée par une politique d’exclusion et de désintégration nationale, Mamadou Koulibaly, qui sera ensuite exclu du FPI ou à tout le moins partira de lui-même en se rebellant, propose une solution d’exclusion et de ségrégation! Dans l’espace microscopique d’un parti ou d’une association, la discrimination et la ségrégation provoquent la contestation, la révolte et la rupture de ceux qui sont en butte à cette ségrégation lorsque le contentieux ne trouve pas de solution institutionnelle fondée sur des compromis et le rétablissement du respect des droits personnels. Dans l’espace macroscopique d’un Etat, l’exclusion d’une partie de la population qui devient, de ce fait, apatride provoque toujours des révoltes, des rébellions et des séparatismes. L’Afrique du sud, le Rwanda et le Congo Kinshasa hier, comme le Mali aujourd’hui, sont les exemples des conséquences de cet apartheid intérieur et de cette politique de ségrégation qui génère des révoltes et des rébellions. Pour prévenir la rébellion qui naît de la discrimination, de l’inégalité et de la répression, les sociétés modernes s’organisent en République en faisant du principe de la liberté et de l’égalité, les fondements d’une politique d’intégration sociale qui s’actualise de manière plénière dans la démocratie électorale-représentative. Si toute rébellion est formellement condamnable et interdite dans une République, et dans une démocratie, c’est parce qu’une république démocratique est justement un espace politique d’intégration fondé sur la liberté, l’égalité et le respect des droits personnels ; un espace de contestation et de règlement institutionnel des conflits sociaux fondé sur le dialogue et le compromis. Or, le pouvoir de Gbagbo dont Mamadou Koulibaly fut le n°2 influent et écouté, quoiqu’il en dise, s’est constitué sur la négation de la République et de la démocratie ! Le charnier de Yopougon précède la rébellion de 2002 ! Manifestement, un groupe de 56 contestataires originaires du nord de la Côte d’Ivoire qui refusaient d’accepter les résultats d’une élection calamiteuse, où les principaux leaders de l’opposition furent exclus de la compétition électorale, avaient été massacrés ! Cette logique d’exclusion et de domination, cette politique de désintégration sociale qui ne reculait pas devant l’assassinat massif et les massacres, est allée jusqu’au bout en 2010 dans le refus de la règle démocratique cardinale que représente la majorité du suffrage ! Il est donc maintenant clair, de l’aveu de Mamadou Koulibaly lui-même, que Gbagbo n’avait pas gagné les élections présidentielles ivoiriennes de décembre 2010 ! La révolte de la majorité du peuple ivoirien contre le vol de la volonté générale à une élection où, à la différence des élections de 2002, tous les leaders des partis politiques ivoiriens eurent la liberté de se présenter était donc justifiée ; comme était justifiée la rébellion de 2002 d’une frange d’Ivoiriens exclus à partir d’une réécriture injuste du code de la nationalité et d’une défiguration de la République ! Ce qui est alors étonnant, dans cet aveu de Mamadou Koulibaly dénonçant l’ethno-nationalisme et le tribalisme du FPI - comme en témoigne cette phrase terrible qui lui fut opposée « on n’attache pas bagages avec Dioula » - contre lequel il s’était lui-même rebellé en quittant le parti qui avait provoqué en Côte d’Ivoire un inutile amok, est cette justification de l’exclusion et de la ségrégation auxquelles il faudrait se soumettre ! Sa solution hallucinante d’appliquer, dans la Côte d’ivoire divisée par l’injustice de la dictature de Gbagbo dont il était le n°2, la politique appliquée à Berlin par les puissances étrangères occupantes à la suite de la folie nazie, dévoile la confusion morale et intellectuelle d’un homme politique qui fait de l’exclusion ethno-nationaliste et de la ségrégation sociale un principe de politique intérieure après en avoir lui-même souffert. Il y a manifestement chez Mamadou Koulibaly une confusion entre Etat de droit et Etat de non droit, entre démocratie républicaine et dictature. Cette confusion explique la rage du chef du Lider contre la contestation sociale. Elle augure du type de gouvernement brutal que cet homme pourrait réserver à la Côte d’Ivoire si par malheur l’Etat ivoirien tombait entre ses mains ! Mamadou Koulibaly n’est pas Robespierre qui avait engagé la terreur et la répression de la dissidence au service de l’intégration républicaine après la Révolution française. Mamadou Koulibaly n’est pas l’Incorruptible qui était devenu, par son zèle révolutionnaire, la faucille de la volonté générale contre les particularismes. Mamadou Koulibaly engagerait la terreur pour réprimer les révoltes contre la politique d’inégalité, d’iniquité, d’exclusion et de ségrégation que sa conception du monde antirépublicaine le dispose à mener contre les minorités et contre des populations susceptibles d’être, du jour au lendemain, arbitrairement déclarées comme population de seconde zone ! Le libéralisme de Mamadou Koulibaly n’est qu’un libéralisme de façade qui dissimule un autoritarisme antirépublicain, comme le socialisme de Gbagbo n’est qu’un socialisme de façade, qui camoufle un ethno-nationalisme communautaire raciste et xénophobe ! Dans le cadre de la démocratie ivoirienne naissante, il est donc nécessaire que le FPI et le Lider s’assument idéologiquement et dévoilent au grand jour leur véritable identité en se déclarant clairement comme étant des variantes de l’extrême-droite antirépublicaine.

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