Dr Alexis Dieth
Vienne. Autriche
Le combat douteux de Philippe Duval
Philippe Duval, qui se présente sur le net comme un « spécialiste de l’Afrique », travaille-t-il par ses articles et ses tribunes à la promotion de l’Etat de droit et de la démocratie en Afrique ? Combat-il au contraire pour tenter de sauver la mise aux élites politiques se réclamant de l’idéologie anticolonialiste des mouvements foncièrement antidémocratiques de libération nationale, mouvements qui ont généré invariablement des dictatures dans tout le tiers-monde comme le prouve l’histoire ? Cherche-t-il à inscrire l’Afrique dans la modernité démocratique du XXIème siècle ou à faire de l’Afrique la terre sur laquelle l’idéologie surannée du romantisme révolutionnaire français des années 1970 définitivement décrédibilisé en Occident doit retrouver un second souffle?
Il est nécessaire de brider le nouveau pouvoir ivoirien par une critique vigilante et constructive qui le maintienne dans le cadre du droit en dénonçant ses éventuels abus et défaillances! Il faut ainsi, par exemple, concernant le drame de la nuit de la St-Sylvestre dénoncer les manquements qui ont conduit à l’accident meurtrier et qui trahissent de coupables négligences de la part des services de sécurité ! Mais n’est-il pas tout autant indispensable de dénoncer l’instrumentalisation et la manipulation de cette indispensable critique quotidienne à des fins de désinformation par certains réseaux d’une « françafrique de gauche » qui continuent de considérer que le nouveau Pouvoir ivoirien est une création du néo-colonialisme français et occidental ?
Dans la continuité du combat d’arrière garde de l’anti-impérialisme et de l’anticolonialisme d’opérette qu’il mène, Philippe Duval, comme à son habitude, en habile propagandiste, instrumentalise tous les évènements et toutes les occasions pour ressasser son opinion personnelle selon laquelle le Pouvoir ivoirien serait un pouvoir fantoche installé par le néo-colonialisme français et international. Un article faussement impartial au titre faussement compassionnel consacré au drame de la St-sylvestre sert de prétexte à broder sur l’un de ses thèmes de prédilection : l’injustice et l’arbitraire du nouveau pouvoir ivoirien installé par la France. Des phrases incongrues et hors contexte du genre de celles-ci « des dizaines de pro-Gbagbo restent détenus sans jugement depuis plus de dix-huit mois pour des faits liés à la crise postélectorale. » « L’opposition et des ONG internationales dénoncent une «justice des vainqueurs», émaillent un article prétendument consacré aux questions nécessaires que posait le drame de la St-Sylvestre. Dans cet article, Philippe Duval, pourfendeur de l’intervention française en Côte d’Ivoire, se soucie pourtant bizarrement de la prospérité des affaires des opérateurs économiques français et relaie volontiers leurs critiques à l’encontre du nouveau Pouvoir ivoirien ! «L'administration ne suit pas, raconte un patron de PME française. L'Etat n'a pas d'argent pour nous rembourser les crédits d'impôts qu'il nous doit » ! « On ne peut pas construire un pays en dressant une partie de ses habitants contre l'autre. Ça ne marche pas » écrit Philippe Duval rapportant les propos d’un opérateur économique français interrogé par ses soins ! L’article de Mr Philippe Duval était censé demander des explications sur le drame de la St-Sylvestre ! On finit par y découvrir que l’argumentaire est tout entier mobilisé vers la démonstration de l’injustice, de l’arbitraire et de l’incompétence généralisée du nouveau pouvoir ivoirien. Bien souvent, en effet, sous la plume désinformatrice de Mr Philippe Duval, la nouvelle Côte d’Ivoire de Ouattara apparaît au lecteur non-averti comme la terre du crime du chaos et de l’insécurité sur laquelle règnerait une dictature ubuesque digne de l’ex Ouganda d’Idi Amine ou du Zimbabwe contemporain de Mugabe dont « le spécialiste de l’Afrique » ne souffle étrangement aucun mot dans ses nombreux articles!
A l’occasion du drame de la St-Sylvestre, Philippe Duval mobilisait le thème de l’incompétence généralisée d’un pouvoir illégitime qui était de surcroit incapable d’assurer la sécurité quotidienne des Ivoiriens. Dans son article récent sur Mamadou Koulibaly intitulé « Mamadou Koulibaly, le révolté de la politique ivoirienne », panégyrique adressé à l’intéressé, qu’il campe dans le beau rôle de l’opposant intransigeant persécuté autant par le nouveau pouvoir que par les membres du clan Gbagbo, Duval mobilise le thème de la France marraine et architecte du pouvoir de Ouattara qui a été investi président grâce à « l’ arrestation de Gbagbo par les forces françaises» . Habilement disséminés dans l’argumentation serrée d’articles apparemment impartiaux et objectifs, ces passages qui en constituent le centre et le cœur véhiculent des messages subliminaux qui, répétés ad-nauseam, doivent s’imprimer dans l’esprit des lecteurs afin de formater les consciences et modeler les opinions nationales et internationales.
Comme l’article précédent et comme bien d’autres, le panégyrique écrit par Philippe Duval à l’adresse de Mamadou Koulibaly s’inscrit dans la même veine de la propagande désinformatrice qui vise à convaincre les opinions que le pouvoir de Alassane Dramane Ouattara est un pouvoir illégitime installé par la France pour servir ses intérêts ! Le ton est donné par ce passage où brodant sur le thème éculé du néo-colonialisme, Philippe Duval affirme, sans aucune preuve, que la France, en 2004, « a tenté, à la faveur du bombardement de Bouaké, d'installer le général Doué, alors chef d'état-major de Gbagbo, dans le fauteuil présidentiel ». Cette allégation sans fondement vise à asseoir l’idée que la France fut le maître d’œuvre secret des révoltes et rebellions ivoiriennes depuis la prise du pouvoir de Gbagbo, que la France écrivit le scénario de l’élection présidentielle ivoirienne et décida du résultat au détriment de Gbagbo. Selon Philippe Duval, l’infantile peuple ivoirien ne décida de rien entre 2002 et 2010 et continue de ne décider de rien ! Dans cette geste des maitres de l’histoire et du destin de la population ivoirienne, les héros révolutionnaires Mamadou Koulibaly et Gbagbo Laurent affrontent le néo-colonialisme français qui ne recule pas devant le crime! Selon Philippe Duval « en novembre 2004 » la résidence de Mamadou Koulibaly, « voisine de la résidence présidentielle est mitraillée par des hélicoptères français, une attaque destinée à impressionner Gbagbo et à l'éloigner du pouvoir. » Et Philippe Duval le thuriféraire français de l’anticolonialisme d’opérette et de ses héros énumère, en faisant parler Mamadou Koulibaly, les 64 Ivoiriens tués par les forces armées françaises devant l’Hôtel ivoire d’Abidjan. En présentant la France comme l’architecte principal des massacres qui eurent lieu en Côte d’Ivoire sous le régime de Gbagbo il fait porter à la France la responsabilité de la mort des milliers d’Ivoiriens tués par les milices de Gbagbo. Motus et bouche cousue de Philippe Duval sur les journalistes et opérateurs économiques français et étrangers dont on ne retrouvera jamais les corps massacrés et démembrés par les milices du régime Gbagbo dont son héros Mamadou Koulibaly fut le N°2 virulent ! Et Philippe Duval de conclure : « On connaît la suite, le second tour de l'élection présidentielle, la crise postélectorale qui aboutira, le 11 avril 2011, à l'arrestation de Gbagbo par les forces françaises et à l'investiture d'Alassane Ouattara ».
Tel est le message fondamental qui parachève un argumentaire dont le but était de prouver, à travers le prétexte d’une interview, que le nouveau pouvoir ivoirien a été installé par les forces françaises et qu’il est donc illégitime. Mamadou Koulibaly, auquel Philippe Duval accorde arbitrairement selon ses propres critères subjectifs, le statut d’opposant ivoirien le plus crédible est la caution ivoirienne qui vient valider ses propres opinions personnelles: le nouveau pouvoir ivoirien serait une création de France ! C’est un pouvoir dont le chef serait le président d’une ethnie ! Alassane Dramane Ouattara est l’architecte de la division et du clivage ethnique qui ont ensanglanté la Côte d’Ivoire depuis la prise de pouvoir de Gbagbo ! L’armée de l’Etat ivoirien, dirigé par Alassane Dramane Ouattara, est une milice meurtrière qui rançonne la population et qui est incapable de garantir la sécurité des Ivoiriens ! Selon Philippe Duval et Mamadou Koulibaly, Ouattara et Soro Guillaume portent la responsabilité de tous les crimes commis en Côte d’Ivoire. Ils sont tous les deux les artisans de la violence et de la déchéance du pays depuis la prise du pouvoir de Gbagbo jusqu’à sa chute ! Ce n’est pas Gbagbo qui a plongé la Côte d’Ivoire dans les abysses de la division ethnique, de la xénophobie meurtrière et de l’insécurité quotidienne, en diffusant la haine ethnique dans le corps social et en distribuant des armes de guerre à ses partisans et miliciens dans tous les quartiers , les villages et les villes de Côte d’Ivoire. Les auteurs de la catastrophe ivoirienne sont le chef de l’Etat ivoirien et le Président de l’Assemblée Nationale que le FPI et ses propagandistes, en leur mentalité formatée par l’ethnicisme et le rejet de l’Autre, assimilent à des leaders ethniques.
Cet argumentaire caricatural a des précédents historiques qui en révèlent le caractère pervers et vicieux. Un argumentaire similaire fut mobilisé contre Kagamé au Rwanda par les génocidaires hutus et les réseaux « tiers-mondistes » gauchisant français qui les soutenaient : Au Rwanda, ces barbouzes de la plume étaient allés jusqu’à soutenir l’insoutenable en affirmant que le FPR du tutsi Kagamé avait provoqué le génocide de son propre peuple en abattant l’aéronef de l’ex-président hutu rwandais Habyarimana. Un argument équivalent fut utilisé en Novembre 1938 par les nazis qui ont accusé le jeune juif Herschel Feidel Grynszpan d’avoir provoqué le pogrom anti-juif de la Nuit de cristal et le génocide des juifs par l’assassinat de Ernst vom Rath secrétaire à l’ambassade d’Allemagne à Paris ! A cette différence près que le FPR de Kagamé comme viennent de le prouver des enquêtes récentes n’avait pas été l’auteur de la destruction de l’avion dans lequel Habyarimana devait trouver la mort et que ni Alassane Dramane Ouattara ni Soro Kigbafori Guillaume ne furent les initiateurs et les auteurs de la haine xénophobe et de l’ethno-nationalisme meurtrier qui ont dévasté la Côte d’ivoire durant plus d’une décennie et qui continuent de briser le tissu social du pays jusqu’à nos jours !
Dr Alexis Dieth
Vienne. Autriche
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