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Billet de blog 8 juin 2013

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Comment préserver la démocratie ivoirienne des dangers qui la menacent ?

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La démocratie ivoirienne doit se protéger actuellement contre deux dangers. Elle doit se préserver de la corruption, du népotisme et du clientélisme qui risquent de compromettre le succès manifeste du gouvernement dans la bataille de la légitimité administrative. Et elle doit également se préserver du retour de l’ethno-nationalisme antirépublicain que matérialise en ces jours-ci ce que d’aucun appellent déjà « une victoire d’étape pour les pros-Gbagbo » à la suite de l’ajournement du procès de leur mentor par la CPI. Apparemment distincts, ces deux dangers sont cependant liés. La corruption, le clientélisme et le népotisme entament la crédibilité du nouveau pouvoir dans le combat décisif pour la conquête de la légitimité administrative, et elle remet indirectement en débat la légitimité électorale du nouveau pouvoir qui est, comme on le sait, toujours contestée par les thuriféraires de l’ancien régime. En introduisant dans la population un doute insidieux quant à l’aptitude du nouveau régime à servir effectivement l’intérêt général et à défendre le bien commun, malgré d’incontestables réussites sur ce plan, ces tares donnent indirectement du crédit aux arguties contestatrices de l’ex-régime en validant ses poncifs ethno-nationalistes nauséeux. Il n’a sûrement pas échappé aux esprits vigilants qu’une campagne médiatique, centrée sur le thème de la responsabilité des membres des forces armées du nouveau régime dans les crimes de la crise post-électorale ivoirienne, accompagne en ce moment les doutes formulés par certains juges de la CPI quant à la culpabilité de Laurent Gbagbo. Il faut donc noter que la conjonction des récents évènements fait système et sens pour accréditer la thèse selon laquelle le nouveau gouvernement qui souffriraient des tares de la corruption, du népotisme et de l’ethnicisme est nécessairement entièrement responsable des exactions commises durant la crise post-électorale ; responsabilité dont il essaie de se décharger en cautionnant la justice partiale de la CPI comme cela a été déjà avancé par HRW. Or un tel soupçon de corruption, de partialité et d’habileté manœuvrière met nécessairement en cause in fine la régularité de l’élection présidentielle de 2010. Il n’est donc pas irrationnel de penser que de grandes manœuvres soutenues par des Etats, dont certains chefs viennent au sommet de l’UA de mettre en cause publiquement la crédibilité de la CPI, soient en cours contre la démocratie ivoirienne. Il serait naïf, en effet, de croire que l’irruption des peuples sur la scène de la politique africaine fasse plaisir aux autocrates africains, et que ceux-ci restent sans réagir devant la progression de la démocratie électorale-représentative qui fit une avancée remarquable lors de l’étape ivoirienne en Décembre 2010. Pour renverser le cours de l’histoire au profit des dictatures et des ethno-nationalismes, il faut donc sauver le soldat Laurent Gbagbo. L’éthos de la corruption, du népotisme, et du clientélisme, défauts habituels des régimes africains, pourrait être un allié précieux qui aiderait les autocrates africains et leurs intellectuels organiques à discréditer le régime ivoirien démocratiquement élu qui doit faire ses preuves à travers la conquête de la légitimité administrative. L’heure est donc à la vigilance critique pour sauvegarder la démocratie ivoirienne. Contre ces deux dangers mortels, deux types de vigilances sont requises. Il faut mobiliser une vigilance critique contre le gouvernement pour le contraindre à conquérir quotidiennement sa légitimité administrative. Un combat impitoyable et sans relâche doit être mené contre la corruption, le népotisme, et le clientélisme qui privatisent la chose publique, détruisent l’efficacité de l’administration menaçant ainsi le service de l’intérêt général et la défense du bien commun. En démocratie électorale représentative, l’existence d’un bon gouvernement ne dépend pas seulement des vertus et des talents des membres de l’exécutif. C’est l’efficacité des procédures de contrôle et de surveillance qui doit jouer le rôle de moteur. L’efficience des efforts de l’exécutif dans la bataille de la légitimité administrative dépend donc entièrement de l’efficience de la surveillance citoyenne des actes du Pouvoir ; étant entendu que la légitimité démocratique contemporaine repose par dessus tout sur la capacité d’un gouvernement à servir effectivement l’intérêt général et le bien commun. La pérennité de la démocratie électorale-représentative ivoirienne repose donc sur la mise en œuvre de la démocratie de surveillance qui soumet les pouvoirs au contrôle des citoyens. Mais elle dépend aussi de la mobilisation de la vigilance critique comme défense du pacte républicain démocratique fondé sur le respect du principe de la coexistence de la pluralité socioculturelle. La vigilance démocratique ne doit pas être exclusivement centrée sur le contrôle du pouvoir et sur la dénonciation de la corruption et du népotisme. Elle doit aussi être mobilisée contre les tentatives permanentes de l’ancien régime antirépublicain qui essaie de se repositionner sur l’échiquier national en avançant sous les masques qui lui permirent de perpétrer son imposture. Quels sont ces masques ? Énumérons-les : c’est d’abord le masque de la légitimité électorale. Laurent Gbagbo a gagné les élections. Cet argument démentiel est d’ailleurs, selon lui et ceux qui le soutiennent, la raison de sa présence à la CPI interprétée comme une punition infligée par une communauté internationale téléguidée par les intérêts des multinationales. C’est ensuite le masque de l’innocence judiciaire qui fait de Laurent Gbagbo la victime d’une justice internationale partiale et biaisée. Laurent Gbagbo n’est responsable d’aucun crime. La violence politique a été initié en Côte d’Ivoire par le nouveau Président ivoirien et tous les crimes commis en Côte d’Ivoire avant et durant la crise post-électorale ont été inspirés et provoqués par le nouveau chef de l’Etat ivoirien. C’est enfin le masque de l’anticolonialisme et du socialisme. Laurent Gbagbo est un socialiste anticolonialiste et un nationaliste intransigeant. Laurent Gbagbo est donc jusqu’aujourd’hui en butte à un complot international. Ces camouflages soutenus par une propagande éculée sont un tissu d’illusions mensongères et trompeuses! On sait depuis toujours que Laurent Gbagbo comme Mamadou Koulibaly l’ex n°2 du FPI l’a reconnu récemment n’avait pas gagné l’élection présidentielle de Décembre 2010 ! On sait depuis toujours que Laurent Gbagbo, comme le même Mamadou Koulibaly l’a révélé, fut un pion virulent et efficace de la Françafrique qui était prêt à tout pour préserver les intérêts des multinationales contre les intérêts de la Côte d’Ivoire en espérant que ces dernières le soutiendraient contre vents et marées dans sa conservation illégitime du pouvoir qui durait depuis 10 ans sans élection. Le 25 mars 2004, le mitraillage des manifestants qui protestaient contre l’attribution de gré à gré du marché du terminal à Containers par Laurent Gbagbo à la multinationale du Français Vincent Bolloré, comme vient de le révéler l’opérateur économique ivoirien Jean-Louis Billon dans une interview au Nouvel Observateur le 6 juin dernier, est un fait qui le démontre éloquemment. Ce crime attesté constitue, avec les nombreux crimes terrifiants, tels l’immolation d’innocents transformés en brasiers vivants en pleine rue que Laurent Gbagbo a inspirées et cautionnées, un abominable cocktail horrifiant d’actes de barbarie documenté par des enquêtes. Entre d’autres abominations, le mitraillage des manifestants du RHDP le 16 Décembre 2010, lors de la marche sur le siège de la Télévision Nationale pour installer le nouveau DG, le siège meurtrier des populations civiles du quartier d’Abobo par les forces armées du régime de Laurent Gbagbo, le massacre des femmes d’Abobo à la mitrailleuse lourde , constituent bel et bien des crimes massifs documentés. Devant la juridiction continentale de la fragile CPI, en butte à la pression manifeste des divers réseaux et groupes d’intérêts politiques qui ont en horreur la souveraineté des peuples africains, l’impudeur foncière de Laurent Gbagbo, l’amène cependant à refuser d’assumer sa responsabilité indirecte en tant que chef de l’Etat ivoirien durant la période où furent commises ces abominations. En cette ère des réseaux de communication sans frontière, le triomphalisme puant, prématuré et scandaleux de son avocat et de ses supporters qui plastronnent sur la toile et sur les réseaux sociaux, fait éclater aux yeux de l’univers, l’impudeur significative d’une partie des élites africaines que n’émeuvent ni les impostures ni les crimes fussent-ils massifs. Cette impudeur, racine morale profonde de la barbarie insigne des nombreuses dictatures africaines, est assumée sans retenue et sans honte devant le monde entier par Laurent Gbagbo, ses complices et ses soutiens. Selon eux, les chefs d’Etat et responsables politiques africains ne sont responsables de rien : ni responsables des actes commis par les armées dont ils sont pourtant les chefs suprêmes ni comptables devant les peuples dont ils dirigent la destinée. S’il faut admettre avec Platon dans le Protagoras que la pudeur et la justice constituent les vertus fondatrices de l’art politique, et convenir avec lui que la ruine de la cité est toujours provoquée par le défaut de pudeur et de justice, l’on mesure alors l’enjeu de la nécessaire double vigilance critique citoyenne qui doit permettre de sauvegarder la démocratie ivoirienne contre les dangers internes et externes qui la menacent actuellement. Mais l’on mesure aussi la dimension de la responsabilité politique qui est celle du nouveau pouvoir ivoirien quant au service de l’intérêt général et quant à l’administration du Bien commun. Cet impératif catégorique signifie exactement que le gouvernement doit assurer la gestion impartiale de la généralité en évitant l’accaparement de l’Etat par des intérêts particuliers.

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