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Billet de blog 15 décembre 2016

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La Volte-face égocratique de Yahya Jammeh et le progrès de la démocratie en Afrique

Le fair-play démocratique de John Dramani Mahama est le contre-point critique et normatif de la volte-face égocratique de Yahya Jammeh. Ce fair-play oppose à cette volte-face, la contradiction nécessaire qui sauvegarde la nouvelle norme politique du continent. Il montre que la volonté démocratique des dirigeants africains est la condition du progrès de la démocratie en Afrique.

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Nous avions salué la reddition démocratique du dictateur Yahya Jammey. Sa volte-face égocratique ne remet guère en cause la leçon que nous avons tirée de cette reddition. Elle la confirme. La volonté des acteurs politiques africains détermine la démocratie en Afrique. Leur volonté de confisquer le pouvoir et de soumettre la société sous leur tutelle est, de même, la cause ultime des dictatures et des autocraties qui dévastèrent le continent. La concomitance temporelle de la reddition démocratique de Yahya Jammey en Gambie, de sa volte-face égocratique et du fair play démocratique de John Dramani Mahama au Ghana, témoigne de l’historicité  des acteurs politiques africains, de leur capacité à déterminer, par leur volonté, leurs décisions et leurs actions, le cours de l’histoire de leur pays et de leurs peuples.

Cette nouvelle concomitance temporelle des décisions démocratiques et autocratiques des acteurs politiques Gambiens et Ghanéens, rappelle celle du fair-play démocratique Goodluck Jonathan qui, en Mars 2015, battit  en brèche les choix autocratiques de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et de Pierre N’Kurunzia au Burundi. Ces décisions politiques divergentes qui ont déterminé la situation des Etats et les conditions de vie des populations mettent en pleine lumière le facteur subjectif interne irréductible qui conditionne l’histoire : le choix décisoire des acteurs politiques africains a toujours été l’alpha et l’oméga de l’histoire africaine.

En Gambie, la décision précédente de Yahya Jammeh d’accepter sa défaite électorale avait ouvert la possibilité de l’alternance démocratique du pouvoir. Sa volte-face ferme la porte à cette alternance démocratique du pouvoir et initie un retour au régime autocratique.

La reddition démocratique et la volte-face qui l’annule sont des actes de volonté d’une personne. Dans les deux cas, le dictateur Gambien Yahya Jammeh use souverainement de sa liberté. Il est donc, à part entière, l’auteur du régime autocratique gambien. Il aurait pu être l’un des acteurs majeurs de la démocratie gambienne s’il en était resté à sa décision de reddition démocratique qui aurait accompagné le choix démocratique du peuple Gambien. La reddition démocratique et la volte-face autocratique de Jammeh font émerger symboliquement l’historicité absolue du dirigeant politique africain qui, en tant qu’acteur et auteur de l’histoire, s’était pourtant jusqu’à nos jours dissimulé sous le passif de la traite négrière occidentale et de la colonisation pour camoufler ses démissions et ses entreprises de prédation.

En recourant aux écrans de fumée habituellement utilisés par ses pairs pour justifier leur  volonté confiscatoire à savoir, la partialité de commission électorale indépendante, le complot international, l’agression néocoloniale, le dictateur Gambien use donc d’un expédient qui ne fait plus illusion. Sa reddition précédente en avait dénoncé définitivement le caractère dérisoire.

Le fair-play démocratique de John Dramani Mahama est de ce point de vue le contre-point critique et normatif de la volte-face autocratique de Yahya Jammeh. La reddition démocratique de Yahya Jammeh, dictateur en rupture de ban hier, dénonce le reniement autocratique de Yahya Jammeh le dictateur qui a retrouvé ses réflexes d’égocrate aujourd’hui. Le fair-play démocratique de John Dramani Mahama lui porte la contradiction nécessaire qui sauvegarde la nouvelle norme politique du continent. Ce fair-play démocratique qui fut de manière emblématique, précédemment porté par le nigérian Goodluck Jonathan révoque définitivement les logiques victimaires et les logiques d’extraversion qui servaient à dissimuler les volontés confiscatoires des autocrates africains.

L’esprit du temps de la démocratie en Afrique fait désormais de  la volonté, de la décision de l’individu et de l’engagement politiques des personnes et des collectivités endogènes, les forces motrices de l’histoire africaine. L’imaginaire des peuples africains, désormais préoccupés par la responsabilité des acteurs politiques locaux, n’est plus occupé par la responsabilité historique désormais incongrue des négriers, des colons occidentaux et des multinationales dans le mal-être politique et économique de l’Afrique. Aux yeux des peuples africains, ces derniers apparaissent de plus en plus comme des boucs émissaires commodes.

La reddition démocratique des dictateurs et le flair-play démocratique des chefs d’Etat africains, leur capacité à respecter les droits de l’homme, à gouverner pour servir la société est la demande populaire de la nouvelle Afrique du XXIème Siècle. La reddition démocratique de l’égocrate gambien avait été accueillie sous le signe de l’espoir continental. Son reniement est accueilli avec consternation et les attentes des peuples du continent se tournent vers le Ghana car la décision démocratique et la responsabilité de l’acteur politique sont devenues les principes normatifs régulateurs de la politique africaine. Ce sont désormais ses valeurs.

La désapprobation continentale qui accueille en ce moment la volte-face autocratique de Jammeh et l'approbation continentale du fair-play démocratique de John Dramani Mahama laissent donc voir que l’axe de l’histoire politique africaine est désormais ancré dans la responsabilité normative des dirigeants et des peuples. Cette désapprobation continentale de la volonté autocratique et cette approbation  continentale de la volonté démocratique consacre l’écroulement historique de la tradition d’irresponsabilité qui fit les beaux jours des autocrates africains qui n’étaient que des égocrates identifiant le pouvoir d’Etat à un pouvoir personnel et le service publique à un service privé de leurs intérêts personnels.

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