Face au nationalisme identitaire et au populisme révolutionnaire qui menaçaient de briser l’unité de la Nation, le RHDP était, en Côte d’Ivoire, un schème pratique de la démocratie républicaine. Il devrait être un instrument d’exemplarité. Sa naissance convoquait les parties-prenantes de cette idée politique à un engagement pour la citoyenneté, pour la République et la démocratie. L’unité de la coalition RHDP était donc un impératif politique inconditionné que les parties prenantes se devaient de respecter quoiqu’il leur en coûte en termes d’ambitions personnelles et de stratégies d’appareils car il y en allait de la survie de la Nation. Tel fut le mandat qui leur fut confié en 2010 et en 2015 par le vote majoritaire ivoirien.
La priorisation des ambitions personnelles et des stratégies d’appareils qui font voler en éclat cet objectif révèle donc une déficience de conviction démocratique et républicaine des parties prenantes du RHDP. Les forces centrifuges qui ébranlent la coalition sont des forces antidémocratiques. Mais, modulée sur la thématique de la trahison personnelle et de la remise en question indue du pouvoir personnel d’un chef, la réaction du gouvernement qui leur est opposée est elle aussi antidémocratique et antirépublicaine. Elle révèle une résilience de la conscience de soi communautaire et régionaliste au sein du RHDP. Cette conscience de soi fut la sève nourricière des forces centrifuges qui entreprirent de tuer la coalition dans son berceau en 2015.
Le RHDP est structuré autour de chefs sacralisés par leurs entourages respectifs. Cf notre contribution « Le Président Alassane Dramane Ouattara n’est pas un fétiche. » in cedea.net. La discipline de parti est conçue comme allégeance à ces chefs. La contradiction et la contestation y sont conçues comme rupture de cette allégeance quasi tribale. Il y a donc priorité des coutumes sacrées de la communauté sur les principes et les valeurs laïques de la République et de la démocratie. De ce point de vue la guerre de succession qui la déchire de l’intérieur, exprime sur un mode dramatique le rejet du projet républicain et démocratique du RHDP par ses propres membres.
L’impératif d’unité républicaine au sein du RHDP, devrait-il être défini en termes de devoir d’allégeance à un chef de famille, à une personne ? Le respect inconditionnel de cette unité incarnée par le chef de l’Etat en démocratie devrait-il être défini en termes de respect dû à un père par tous les membres du RDR ? Ces métaphores ne sont-elles pas les indices d’une conception patrimoniale de l’institution partisane? Une famille politique n’est pas assimilable à une famille biologique ou à une famille culturelle. C’est une institution de la République. Ces éléments de langage de type communautariste qui en appellent aux coutumes, au lieu d’en appeler aux impératifs de citoyenneté et d’unité républicaine, tendent à prouver que ces impératifs ne sont pas normatifs dans la coalition
La survie du RHDP reposait sur la conviction démocratique et républicaine de ses membres. Cette conviction devrait se traduire par un engagement républicain à toute épreuve. La rupture de la coalition devrait donc être condamnée en termes de remise en question du projet de société républicain et démocratique qu’elle porte. Cet impératif politique transcendant qui incarnait l'intérêt général de la Côte d’Ivoire devrait supplanter les stratégies d'appareils et les ambitions personnelles.
Les dissidences qui depuis 2015 menacent la survie de la coalition ne trahissent pas des personnes, ne brisent pas des allégeances tribales. Elles trahissent un projet de société démocratique et républicain. Elles portent atteinte à des valeurs, à des idées, à la liberté, à l'égalité, au devoir de représentativité sociale du pouvoir politique. La guerre de succession qui vient d’être déclenchée au sein de la coalition bat donc en brèche son idée directrice et sa raison d’être. Cette lutte féroce faite d’alliances contre-nature, d’invectives, de brutalités verbales et d’injures ordurières, trahit tout simplement l’incapacité des partis politiques ivoiriens et de leurs intellectuels organiques respectifs à porter, par conviction et sur la longue durée, un projet démocratique et républicain.