Ebola, qui menace de rayer de la surface de la terre africaine les hommes et les cités qu’elle atteint, a fait transparaître la dimension mortelle du manque d’infrastructures et de moyens humains. Mais ce manque, qui est loin d’être la conséquence fatale des effets induits par la domination coloniale occidentale, a été, bien souvent, causé par les politiques locales de prédation. De ce point de vue, le coup de semonce mortel du sida qui s’ajouta aux ravages du paludisme, pathologies entretenues par l’insalubrité et la précarité causées par la prédation politique, n’a fait qu’annoncer l’attaque dévastatrice imparable d’Ebola !
A l’attaque virale sanitaire, représentée par Ebola, s’ajoute aujourd’hui une attaque virale de type politique constituée par l’instrumentalisation politique des confessions religieuses et des identités ethniques. Comme Ebola, un mal politique tout aussi dévastateur qui se présente sous la forme des terrorismes confessionnels et identitaires menace d’annihiler les cités et les corps sociopolitiques africains dans plusieurs Etats. Surgissant de manière significative en cette période d’épidémie de la fièvre hémorragique, ce virus désagrégateur des cités apparaît au moment où la reconstruction démocratique des régimes emprunte, de plus en plus, le chemin dangereux de l’électoralisme et de la manipulation des constitutions qui permettent aux oligarchies politiques de pérenniser leur mainmise sur le pouvoir d’Etat.
Le dynamisme économique africain et l’effervescence politique, célébrés il y a peu par de nombreux articles dans la presse internationale, sont donc tous les deux douchés par une cascade significative de jets mortifères qui font réfléchir. Une attaque mortelle, lancée par un virus inconnu né des décombres des cités ravagées par les guerres civiles et les dictatures, menace d’anéantir toutes les vies humaines en Afrique. Répondant aux politiques locales de prédation, des attaques terroristes perpétrées par une barbarie nihiliste camouflée sous les manteaux des confessionnalismes et des identités ethniques, menace d’anéantir les cités africaines ! Le libéralisme économique africain est aussi menacé par un affairisme sans principe, un capitalisme « sauvage » qui, faisant régresser les économies dans les ornières dépassées du mercantilisme, accroît les inégalités sociales, développe la pauvreté et créé les conditions favorables à l’apparition de la barbarie nihiliste des terrorismes!
La concomitance symbolique actuelle de ces trois maux sanitaires, politiques et économiques qui entretiennent une certaine analogie, recèle assurément un sens qu’il importe d’interpréter pour pouvoir agir efficacement et initier en, Afrique, une historicité réellement émancipatrice fondée sur une assomption pleine et entière de notre indépendance politique et de notre liberté irréductible d’être humain.
Jointe à la virulence de la barbarie nihiliste du terrorisme qui menace d’anéantir les cités, la virulence mortelle d’Ebola enseigne ceci : nous devons impérativement réussir la reconstruction politique démocratique des Etats africains pour lutter efficacement contre les pathologies biologiques, politiques et économiques, ou végéter dans la dépendance perpétuelle, et périr.
L’urgence vitale du combat contre Ebola porte ainsi symboliquement, au premier plan, l’urgence de reconstruire le champ politique et économique africain dans le sens d’une démocratie représentative-constitutionnelle soucieuse des intérêts du plus grand nombre. Car, dans les Etats africains, Ebola est dans sa radicale mortalité, le symbole sanitaire ultime des politiques et des économies prédatrices qui ont saigné, par les quatre veines, les populations du continent. Pour triompher d’Ebola, pathologie significative des pathologies économiques et politiques dont elle constitue la conséquence, il ne suffit donc pas de proclamer la mise en place ponctuelle et opportuniste d’infrastructures efficientes ; encore moins de déclarer verbalement qu’un pays est sorti de la zone à risque comme le montrent, ces derniers jours, les déclarations triomphalistes des uns et des autres !
La bataille contre Ebola, doit appeler à une bataille résolue et implacable contre la pauvreté économique et la misère politique dont la fièvre hémorragique est le symbole sanglant. Ces batailles se gagnent concrètement sur le front de la démocratie représentative et du développement endogène comme l’enseigne la bataille probablement victorieuse que les Etats-nations démocratiques à développement endogène mènent contre la maladie : bataille démocratique efficiente dont nous attendons, tout aussi significativement, un vaccin salvateur et des remèdes curatifs.