Comme tendent à le prouver l’analyse des ressorts cachés de la victoire surprise de François Fillon, on est loin de l’efficacité de la campagne personnelle d’un Fillon rassemblant sur sa candidature et sur son nom, la majorité des électeurs de la droite républicaine. Les analyses montrent au contraire que la faschosphère et la mouvance FN, accessoirement associées aux voix de la France traditionnelle bourgeoise et conservatrice, ont porté François Fillon à la victoire au premier tour de la primaire LR. La performance du Sarthois ne signifie cependant guère qu’il aurait réussi à siphonner les voix de l’électorat de Marine Lepen. Le silence programmatique de cette dernière qui préfère laisser parler ses lieutenants ces jours-ci, en dit long.
Au bout de la dynamique de la droitisation de la droite, il faut donc logiquement inférer la victoire de Marine Lepen face à une candidature Fillon, si la gauche ne parvient pas à reconstruire son unité autour d’une candidature consensuelle. A droite les voix de la France conservatrice et traditionnelle vont naturellement à la candidate du Front National. Mieux que François Fillon Marine Lepen est l’assurance de la mise en œuvre du projet sociétal et de la vision du monde de cette droite conservatrice traditionnelle que n’effraie guère le nationalisme identitaire. L’histoire l’a démontré.
Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le programme économique et social ultralibéral de François Fillon, ne saurait susciter l’adhésion de cette France traditionnelle qui rejette la mondialisation dérégulée ni celle de la droite républicaine progressiste qui récuse son conservatisme. Il a donc été, à la primaire de la droite, le candidat par procuration et l’instrument avec lequel le FN, l’extrême droite identitaire, a éliminé Nicolas Sarkozy et espère vaincre Juppé.
La primaire LR se déroule donc bel et bien, comme nous l'avons vu, selon l'agenda du FN, autrement dit, de l'extrême droite identitaire française qui se révèle être le maître d’œuvre de la primaire de la droite républicaine française. Faire battre Alain Juppé par François Fillon grâce à l'apport des voix du FN en divisant la droite républicaine dans un premier temps. Les rassemblements factices de cette droite ne doivent pas faire illusion. Ensuite faire battre François Fillon par Marine Lepen grâce au reflux des voix du FN au bercail devant une droite républicaine divisée à la Présidentielle 2017. C'est au FN l’utilisation de la stratégie des Horace contre les Curiace.
Venant d’un membre de la mouvance du FN la phrase suivante n'est à notre avis que tromperie et diversion "« La famille nationale est intéressée mais elle demande à voir. Elle est quand même méfiante, confie un acteur de la mouvance. Néanmoins, Fillon peut siphonner l’électorat de Marine Le Pen s’il reste sur cette ligne. » note un journal hexagonal. Honnêteté suspecte, en effet, venant d’un membre de la mouvance identitaire. François Fillon serait-il, aux yeux des électeurs du FN, devenu subitement plus crédible que Marine Lepen sur les fondamentaux de l’extrême droite identitaire ? La copie serait-elle devenue plus fiable que l’originale ? C'est le contraire qui est vrai. Ce n’est pas François Fillon qui siphonnera l’électorat de Marine Lepen. C’est au contraire Marine Lepen qui siphonnera les voix de François Fillon à la présidentielle 2017 car l'original, comme tout le monde le sait, est préférable à la copie. L’électorat de François Fillon dont une grande partie est constituée par l’électorat de Marine Lepen se divisera entre son représentant légitime et son représentant par procuration.
L'unique solution pour casser le piège FN est, dans ce cas de figure, que les voix divisées de la droite républicaine refluent vers le candidat de la gauche. La victoire de la gauche contre Marine Lepen au second tour et même au premier tour ne peut être assurée que si toutes les voix de gauche se rassemblent sur le nom d'un candidat consensuel. Ce qui n'est guère acquis. Au cas où le candidat de la gauche serait battu au premier tour de la présidentielle, on voit mal, l’électorat de gauche se mobiliser, dans un front républicain pour reporter son vote sur François Fillon qui en a refusé la formule avec son ni-ni lors des municipales 2015. On voit mal cet électorat soutenir un candidat au programme de surcroit thatchérien et ultra-libéral.
Ce scénario deviendra bien sûr caduque et les cartes seront rebattues si Alain Juppé réussi à gagner la primaire de la droite le dimanche 27 Novembre 2016 prochain. La défaite d’Alain Juppé ne laissera, au contraire, ouverte qu’une seule solution rationnelle. Le centre-gauche, le hollandisme étant impopulaire, le centre-droit le juppéisme étant électoralement battu, une compétition électorale équilibrée à la présidentielle 2017 devrait logiquement opposer un candidat d’extrême gauche au candidat d’extrême droite. Se situant à la droite de la droite, François Fillon n’est, somme toute, qu’une pâle copie de Marine Lepen.
Autant dire qu'un coup de tonnerre à la "Donald Trump" est en préparation en France pour 2017. Il faut simplement avoir le courage de regarder le danger en face pour se préparer à l'affronter.