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Billet de blog 4 janvier 2013

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Gestation Pour Autrui : les femmes vivant la gestation sont-elles prises au cœur d’un dispositif paradoxal ?

Comme j’y reviens pour un deuxième billet consécutif, je ne peux que remarquer que ce sujet de la gestation pour autrui me préoccupe. J’y retrouve une idée de la transmission qui est au cœur de mon orientation professionnelle actuelle. J’y retrouve aussi probablement des questions plus personnelles, comme chacun d’entre nous, je crois, lorsqu’on aborde des sujets existentiels.Je n’ai pas, au départ, d’idées particulières sur la gestation pour autrui. Mon intention est de mettre en chantier ici les questions que cette pratique génère pour moi. C’est comme cela que je parviens peu à peu à me forger une opinion que je ne souhaite pas dictée par la morale ou par mes préjugés, mais éclairée par les connaissances que j’aurais pu acquérir ici et là, dans l’échange avec d’autres, plus ou moins informés que moi.

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Comme j’y reviens pour un deuxième billet consécutif, je ne peux que remarquer que ce sujet de la gestation pour autrui me préoccupe. J’y retrouve une idée de la transmission qui est au cœur de mon orientation professionnelle actuelle. J’y retrouve aussi probablement des questions plus personnelles, comme chacun d’entre nous, je crois, lorsqu’on aborde des sujets existentiels.

Je n’ai pas, au départ, d’idées particulières sur la gestation pour autrui. Mon intention est de mettre en chantier ici les questions que cette pratique génère pour moi. C’est comme cela que je parviens peu à peu à me forger une opinion que je ne souhaite pas dictée par la morale ou par mes préjugés, mais éclairée par les connaissances que j’aurais pu acquérir ici et là, dans l’échange avec d’autres, plus ou moins informés que moi.

La réflexion que je voudrais exposer ici m’est venue en regardant la conférence « Repères éthiques dans le parcours d’une gestation pour autrui. » C’est une présentation de la gestation pour autrui dans un cadre éthique, qui a eu lieu le 19 septembre 2011 à la Mairie du 3ème ardt. de Paris.

Cette conférence, conduite par Alexander Urwicz, co-président de l’Association des Familles Homoparentales (ADFH), donne la parole à quelques professionnels de la gestation pour autrui qui exercent aux États-Unis, et à une mère porteuse américaine. Irène Théry, sociologue française engagée pour la gestation pour autrui, est également intervenue dans cette conférence.

D’abord, qu’est-ce que la Gestation Pour Autrui ?

C’est une méthode d’assistance médicale à la procréation. Soit la femme d’un couple hétérosexuel désireux d’avoir un enfant ne peut en avoir (absence ou malformation de l’utérus), soit le couple d’hommes qui souhaite avoir un enfant ne peut évidemment en obtenir sans avoir recours à un tiers. Dans le dispositif de gestation pour autrui, la femme qui effectue la gestation n’a aucun lien génétique avec l’embryon. L’ovule ou le sperme peuvent, dans le cas d’un couple hétérosexuel, tous deux provenir du couple qui souhaite avoir un enfant, mais ils peuvent aussi provenir de personnes tierces. Dans le cas d’un couple homosexuel masculin, l’ovule sera forcément fourni par une femme tierce, qui ne sera pas la femme vivant la gestation. Le sperme pourra être fourni par un des hommes du couple.

Cette technique est aujourd’hui souvent préférée à un autre dispositif, la Maternité Pour Autrui (MPA) où la mère vivant la gestation est également celle qui a produit l’ovule. La GPA permet à un couple hétérosexuel, infertile du fait d’absence d’utérus de la femme, d’être biologiquement à l’origine de l’enfant. Ce dispositif limiterait également l’investissement maternel de la femme vivant la gestation. Il permettrait en outre de limiter, par la dissociation entre « mère porteuse » et « donneuse d’ovocyte», l’idéalisation par l’enfant d’une mère absente.

Dans cette conférence, donc, les professionnels décrivent par étape les conditions nécessaires selon eux à une Gestation Pour Autrui réalisée de manière éthique. S’expriment successivement Madame Karen Synesiou, du Center of Surrogate Parenting, Dr Michael Doyle, de CT Fertility Associates et Dr Kim Bergman, psychologue de Growing Generations.

Ces trois professionnels de la gestation pour autrui définissent ce qui constitue pour eux les différents aspects d'un parcours éthique. Ils abordent le cadre dans lequel interviennent les agences de GPA, puis le don d’ovocyte dans le cadre de la GPA, et enfin la place du soutien psychologique dans la conduite d’un projet de GPA.

Ces trois professionnels, chacuns dans leurs interventions, disent qu’il est très important que la femme vivant la gestation (la mère porteuse) puisse à tout moment quitter le processus. Cela implique, sans pourtant que ce soit explicitement dit par aucun des trois professionnels, que cette femme garde alors l’enfant qu’elle a porté.

Cette condition est présentée comme une exigence de base pour un parcours éthique de Gestation Pour Autrui.

Cette liberté donnée à la femme vivant la gestation jusqu’après la naissance de l’enfant permet en effet à ces professionnels de la gestation pour autrui d’affirmer que c’est réellement un choix éclairé de la femme que de donner l’enfant au couple qui a engagé le processus.

Or, dans cette conférence, une mère porteuse témoigne également de son expérience. Et que dit cette femme sur ce point particulier ?

Elle dit qu’à la fin de sa grossesse, elle a rendu l’enfant à ses parents.

Et Alexander Urwicz qui mène cette conférence relève le propos et en souligne l’importance : « Je trouve qu’il y a une phrase qui résume 80% du parcours de la gestation pour autrui, qui la résume très bien, qu’on n’entend pas assez malheureusement en France. Moi, ce qui m’a frappé dans votre discours, parce que c’était évident quand vous l’avez dit, c’est le mot « give back » en anglais, c’est-à-dire vous avez dit « je vais leur rendre. » Et en français, on ne traduit pas comme ça, on dit, on va donner l’enfant. Elle va l’abandonner, pour certains, elle va le donner, pour d’autres. Et quand vous dites « je vais leur rendre », je trouve que c’est une formule qui dit plein de choses, et je vous remercie d’avoir dit ce mot-là, parce que ça éclaire beaucoup le chemin que nous devons prendre pour continuer cette information sur la gestation pour autrui. »

C’est là que se situe selon moi le paradoxe. Une femme qui porte un enfant dans le cadre de la GPA peut à tout moment décider de garder l’enfant, mais en fait, lorsqu’elle accouche, elle rend l’enfant à ses parents. Dès lors, m’apparaît en creux de ce discours que si la femme effectuant une gestation pour autrui décide de garder l’enfant qu’elle porte, elle ne rend pas l’enfant à ses parents, donc, elle le vole.

Je me demande jusqu’à quel point ce qui est présenté ici comme parcours éthique de gestation pour autrui ne vise pas un double objectif de communication. D’une part, convaincre la femme vivant la gestation que l’enfant qu’elle porte n’est pas le sien, et d’autre part, mettre en avant, à destination de la société, la liberté de choix de cette même femme.

Le discours paradoxal tenu à la femme vivant la gestation pourrait en somme se dire ainsi : « tu peux garder l’enfant que tu portes, mais sache bien que si tu le fais, tu vole cet enfant à ses parents. »

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