Une petite crique australienne joliment fermée abritant deux magnifiques maisons au milieu des arbres, au-dessus de la plage et de l’océan. Une sorte de paradis à petite distance du monde, comme un nid au creux d’un arbre.
Le film d’Anne Fontaine décrit une boucle, un cercle parfait. Au départ, deux petites filles dévalent en riant un chemin bordé d’arbres qui descend vers la plage. À la fin du film, ces deux petites filles sont devenues – toujours jeunes et belles – grand-mères de deux petites filles qui dorment dans le même lit, et bientôt se mettront à courir en riant… L’histoire peut recommencer, exactement identique.
Ce film d’Anne Fontaine décrit de manière très sensible le parcours de ces deux petites filles, jusqu’à cette possible reproduction de la même histoire. Il nous raconte comment ces deux petites filles deviennent chacune mère d’un garçon du même âge, et réussissent ce tour de force – est-ce en cela qu’elles sont parfaites ? – de les garder auprès d’elles après qu’ils soient devenus adultes.
Un film d’une femme, qui raconte l’histoire de deux femmes, chacune étant comme le reflet de l’autre. Les hommes et leurs désirs sont quasiment absents. Deux mères, deux fils : deux pères, donc. Un père se tue en voiture lorsque le fils est enfant. Ce fils agresse son ami, et manque lui aussi de se tuer dans un moment de rage. L’autre père part simplement lorsqu’il est manifestement devenu inutile, et rencontre ailleurs une autre femme à qui il fera docilement un enfant.
Les deux fils grandissent. Ils ne deviennent pas des hommes, mais des dieux du surf aux corps magnifiques, réalisant des prouesses sur la mer, attisant le désir des mères. Les fils répondent à ce désir, et rejoignent bientôt les mères dans leurs lits. L’inceste est légèrement tenu à distance : le fils de l’une couche avec l’autre, et le fils de l’autre avec l’une, dans une réflexion symétrie parfaitement identique.
Les deux fils grandissent et ils rencontrent chacun une femme ailleurs, l’un par inadvertance, l’autre par dépit. Cette relation ne dure que le temps nécessaire à donner à chacune de ces jeunes femmes un enfant. Une fille chacune. Les jeunes femmes partiront rapidement ensemble avec leur fille respective, du même âge, permettant ainsi à l’histoire de se renouveler ailleurs à l’identique.
Les deux fils devenus pères n’y prétendront pas, à être d’éventuels pères pour leurs filles, bien trop occupés à être des fils pour leurs mères, dans ce jeu symétrique et identique qu’ils jouent avec elles, qu’ils comblent et qui les comblent.
La dernière image du film montre les mères et leurs fils allongés au soleil, sur le petit ponton au milieu de l’eau. Image idéale de vacance dans un cadre paradisiaque, qui n’a d’autre horizon que son éternelle reproduction.
Perfect Mothers, un film d’Anne Fontaine (2013), avec Naomi Watts et Robin Wright, d’après Les Grands-mères, roman de Doris Lessing (2005).