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éducateur avec des adolescents, je vis à Paris depuis près de 40 ans, avec dans la tête un paysage de campagne.

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Billet de blog 15 avril 2012

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Quelques souvenirs autour du nombril…

Je me souviens, il y a quelques années, d’un retour en car, avec des enfants de l’école primaire. Entre une bagarre, un enfant malade et une chanson plus hurlée que chantée, j’avais trouvé moyen de discuter tranquillement avec un groupe de cinq ou six garçons âgés de huit ou neuf ans.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me souviens, il y a quelques années, d’un retour en car, avec des enfants de l’école primaire. Entre une bagarre, un enfant malade et une chanson plus hurlée que chantée, j’avais trouvé moyen de discuter tranquillement avec un groupe de cinq ou six garçons âgés de huit ou neuf ans. Nous discutions de choses et d’autres, et à un moment, je me suis mis à leur parler de leur nombril. Ils en avaient chacun un, bon. Et savaient-ils à quoi cela servait, un nombril ? Certains, plutôt éveillés, me parlèrent d’un cordon qu’il y avait eu là. Intéressé, je leur demandai ce qu’il y avait eu de l’autre côté de ce cordon et tous me dirent alors que c’était leur maman qui se trouvait à l’autre bout du cordon. Sûr ? Oui, sûr. Eh bien, moi, que je leur ai dit comme ça, je ne suis pas d’accord. Ce n’était pas notre maman qui se trouvait à l’autre bout du cordon. Alors un des gars qui n’avait pas beaucoup parlé jusque-là, se risqua à parler de placenta. Je le félicitai chaleureusement, et expliquai aux autres ce que c’était que le placenta, alors que nous arrivions à destination. Sur ces bonnes paroles, je les laissai partir vers leurs mamans qui, justement, étaient venues les chercher…

Je me souviens aussi que Joseph Rouzel, dans un de ses livres (je ne me souviens plus lequel) racontait qu’en Bretagne, jadis, lorsqu’un enfant naissait, il y avait une coutume selon laquelle on enterrait le placenta dans le jardin pour planter un arbre dessus qu’on nommait alors l’arbre du père.

Et puis, je me souviens de la naissance de mon fils. L’équipe médicale m’avait solennellement proposé de couper le cordon ombilical, ce que, courageux et vaillant comme je suis, j’avais fait. Je me souviens de cette paire de ciseaux peu coupants, ou alors c’était le côté gluant et sanguinolent du cordon : je m’y étais repris à deux fois pour bien le couper, ce fichu truc que mon fils avait eu en plus autour du cou façon cravate lorsqu’il s’était présenté à la vie.

Je me souviens très bien du moment où l’infirmière m’avait proposé de couper ce cordon. Tout était prêt, comme pour une inauguration, lorsque le maire est appelé à couper le ruban. Je n’avais pas d’écharpe tricolore, mais je sentais bien qu’il y avait de la symbolique dans l’air. Cette place qu’on me proposait de prendre, à moi qui, grâce à mon fils et ma femme, devenais père. Et puis donc, lorsque finalement je l’ai coupé, ce cordon, mon fils est allé tâtonnant vers le sein de sa mère. Nous étions tous les trois, nous ses parents très émus et très heureux, et lui qui ne devait pas en penser grand chose. Et puis je l’ai pris dans mes bras, notre fils, pour l’emmener le laver et le réchauffer un peu, laissant ma femme avec le médecin, qui allait l’aider à se débarrasser du placenta, et la soigner.

Tout cela m’est resté en mémoire, et je pense souvent, lorsqu’on parle de couper le cordon entre un enfant et sa mère, que la symbolique n’est peut-être pas vraiment là où elle paraît pourtant si évidente. Je me dis que cette place que notre société propose au père, lorsqu’il coupe le cordon, ce n’est pas uniquement une place pour marquer la séparation entre la mère et l’enfant. Il y a de cela, bien sûr, mais pas seulement. Lorsqu’on coupe le cordon qui relie l’enfant au placenta, on sépare en deux l’entité qui existait dans le ventre de la mère, et qui n’est plus viable à l’extérieur. Ce que le père coupe à ce moment-là, ce qu’il sépare, c’est l’enfant appelé à vivre, d’un côté, et de l’autre côté, le placenta rejeté comme déchet devenu inutile. Ce que le père sépare, finalement, c’est la vie et la mort. Ce geste de séparation du père, c’est un geste de séparation entre la vie et la mort.

Et je dis qu’il y a peut-être là une manière d’entrevoir le rôle du père en d’autres termes que nous le faisons habituellement.

Qu’est-ce que ça pourrait nous apporter ?

Ah, ben, ça, je n’en sais fichtre rien…

Le joli dessin d'illustration est de Cat, je l'ai trouvé sur le blog Le joli monde de Cat, à l'adresse suivante :

http://caticat.canalblog.com/tag/oie

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