Dans le train, hier matin, je ramasse un journal sur le siège en face de moi. Pas un gratuit, pour une fois, non, un payant du matin. Heureux de ma trouvaille, je feuillette. Entre un article qui revient sur le beau pavé dans la mare lancé par notre ministre de la Justice, Madame Taubira, à propos des centres éducatifs fermés, et un reportage sur les vacances de notre président au fort de Brégançon, il y a quelques pages de petites annonces. Je remarque que beaucoup de ces annonces portent sur l’achat d’or. Un certain nombre de sociétés sont prêtes à acheter de l’or, et à des prix super intéressants pour les vendeurs éventuels, que ces messages essaient de draguer sans finesse. Je remarque qu’une annonce prend le soin de préciser qu’ils achètent tous les bijoux en or, « même cassés ».
Là, j’arrête ma lecture et je repense aux adolescents que j’accompagne, et à leur délinquance. Il y en a un, justement, qui s’est fait attraper dernièrement, pour avoir arraché des colliers en or à de vieilles dames dans la rue. Ça arrive de plus en plus souvent, ce genre d’agression, paraît-il. Certains juges essaient de taper fort tout de suite, pour arrêter l’hémorragie, et envoient en prison les adolescents qui commentent ce genre d’agression. Et nous, éducateurs, on essaie de leur faire entendre que sous le collier, il y a un être humain. C’est un long chemin pour tout un chacun, d’entendre l’altérité, et ce que cette présence de l’autre nous commande. Pour ces adolescents, parfois, c’est encore plus long et difficile. Celui que j’accompagne a arrêté l’arrachage de colliers en or après un court passage en prison qui l’a pas mal secoué. Depuis, il galère sans perspective et essaie d'oublier qu'il pourrait gagner l'équivalent du smic de son père en trois jours. Quinze autres adolescents ont probablement pris sa place dans la rue. Notre ministre de l’Intérieur, Monsieur Valls a déclaré récemment qu’il faisait une priorité de la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance. C’est important. C’est grave, ce genre d’agression, bien souvent sur des personnes âgées et vulnérables.
Mais l’annonceur qui achète des colliers en or « même cassés » que devient-il, lui, dans tout cela ? Il doit continuer son commerce tranquille. Forcément, c’est un honnête commerçant, dont le commerce tout à fait légal prospère plutôt bien, devient florissant, même, par ces temps de crise. Il peut se payer de jolis encarts publicitaires dans la presse, et même des panneaux 4x3 dans les rues d’une banlieue populaire, pour inciter tout un chacun à trouver de l’or, et à le lui apporter, lui qui l’achètera à des prix très intéressants. S’il se fait toute cette publicité, le collecteur d’or, c’est qu’il doit en avoir largement les moyens… Non ?
Deadwood, magnifique série au pays des chercheurs d'or...