"Le christianisme marque une grande césure dans l'histoire de l'humanité. Pourquoi le christianisme a-t-il gagné ? J'ai posé la question plusieurs fois à des historiens. Paul Veyne, dans son livre Quand notre monde est devenu chrétien, explique que contrairement à ce que l'on pourrait croire, la conversion de l'Empire romain au christianisme sous l'impulsion de Constantin n'est pas une manœuvre d'intérêt politique, puisque les chrétiens ne représentaient pas une véritable force à cette époque. En fait, Constantin était entouré d'intellectuels de grande qualité qui ont vu dans la parole véhiculée par les chrétiens une réponse apaisante à l'inquiétude et à l'agitation profondes auxquelles les peuples étaient alors en proie. C'était une période très troublée. Je pense à la phrase d'un historien allemand que Freud cite dans Moïse et le Monothéisme et qui dit en substance : « Dans les deux siècles précédant le christianisme, une grande tristesse semble s'être emparée de tous les peuples de la Méditerranée ». Ces siècles correspondent à l'avènement du stoïcisme, figure dominante, mais aussi de l'épicurisme et du cynisme. Ces pensées sont à la recherche de ce que Foucault a nommé le souci de soi, et qui était comme un rempart contre l'hostilité d'un monde entré dans un état de perdition, d'errance et d'angoisse. C'était la fin des grands régimes théocratiques, et avec eux la disparition des cultes agraires. Comment alors organiser un monde privé de son ordre propre divin ?"
Jean-Luc Nancy. La Jouissance, p. 90-91.
"Si nous admettons que l'athéisme, loin de procurer sur une longue période un bien être psychologique sans mélange, est au contraire générateur d'angoisse, nous devons nous représenter la population de l'Hexagone comme en état de risque métaphysique."
Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? p. 65-66.