Cet ex-gynécologue, radié de l’ordre des médecins pour faute déontologique grave fut longtemps reconnu comme un grand spécialiste des problèmes d’infertilité et du recours à la procréation médicalement assistée (PMA).
Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, a relaté le déroulement de ce procès dans une série de billets que j’ai trouvé particulièrement intéressants.
Elle revient en particulier sur deux moments du procès qui entrent selon moi en résonance avec notre actualité. D’une part la notion de « personne vulnérable » mise en avant tant par l’accusation que par les parties civiles, et d’autre part, la déposition du professeur Frydman, grand spécialiste de la PMA, qui a pu exposer à la cour les références déontologiques qui définissent une bonne pratique de la PMA.
Sur cette question de la vulnérabilité des plaignantes, à laquelle la cour d’assises à répondu par l’affirmative, comme l’écrit Pascale Robert-Diard dans sa dernière chronique sur le procès, « Si dès les premiers jours d'audience ce procès est apparu dérangeant, c'est aussi parce qu'il a placé les plaignantes dans un (…) rôle stéréotypé : celui de personnes vulnérables, comme peuvent l'être les personnes âgées, les handicapés ou les enfants, perdant tout libre-arbitre sous la double soumission à leur médecin-magicien et à leur désir d'enfant. Une réalité qui, pour les autres femmes – la réaction de plusieurs patientes favorables à leur ex-gynécologue en a témoigné – n'est pas forcément facile à admettre. »
En lisant ces chroniques, j’ai pensé à la récente réforme de la loi sur l’IVG et au débat sur la notion de détresse. La loi Veil de 1975 autorisait l'IVG pour la « femme enceinte que son état place dans une situation de détresse ». Cette référence à une « situation de détresse » a été supprimée.
Bien entendu, le désir d’enfant et le souhait d’interrompre une grossesse sont deux choses différentes, mais elles concernent toutes deux la relation de la femme à la maternité. Il y a peut-être là, entre cette décision de justice et cette nouvelle législation, deux conceptions de la relation de la femme à la maternité qui s’opposent.
Et les hommes, me direz-vous ? D’abord le médecin, « que l'âge avançant semble avoir rendu chaque année plus égrillard, plus grossier, plus obsédé de la satisfaction de ses seuls désirs et convaincu jusqu'à l'aveuglement de son charme. » Mais peut-être surtout les autres, les maris, les compagnons sont apparus singulièrement absents de ce procès. Comme l’écrit encore Pascale Robert-Diard « Les femmes confrontées à des problèmes d'infertilité sont apparues bien seules face au long et douloureux parcours qu'elles ont dû emprunter. Les maris, les compagnons étaient trop "occupés" pour les accompagner chez le gynécologue et peu de couples y ont d'ailleurs résisté. »
Et c’est là qu’une seconde question apparaît pour moi dans ce procès, avec la déposition du Professeur Frydman, qui rappelle ce qui est pour lui une bonne pratique en matière de PMA. Pascale Robert-Diard le raconte dans un autre de ses billets : « C'est au spécialiste des questions de procréation médicale assistée que le président Hervé Stéphan s'est adressé pour évoquer la relation particulière qui lie la patiente confrontée à des problèmes d'infertilité à son médecin. "Le gynécologue est au coeur de l'intime. Et l'attente est énorme. Il lui faut donc se protéger et protéger les patientes", a observé René Frydman. La première de ces protections "pour empêcher toute possibilité d'interférence" est de s'adresser "à un couple" et non pas à la seule patiente. "Ce doit être une affaire de couple pour le couple et une affaire de couple pour le médecin", a t-il insisté. Cette relation à trois et non à deux est aussi, selon le professeur Frydman, la meilleure prévention contre le pouvoir ou "l'emprise" susceptible d'être exercée par le praticien sur sa patiente mais aussi contre le risque du "transfert" de la patiente sur son médecin. "A l'une et à l'autre, on doit opposer la déontologie", dit-il. »
Comment là encore ne pas penser à la position défendue par 100 députés socialistes sur la question de la PMA qu’ils proposent d’ouvrir à toutes les femmes, y compris les femmes célibataires ? Ces députés écrivaient ainsi il y a un peu plus d’un an « Les femmes qui souhaitent avoir un enfant sans connaître son père biologique le peuvent depuis longtemps. La question de l’assistance médicale à la procréation se pose en ces termes. Faut-il ne rien changer, fermer les yeux sur les prises de risque et sur les inégalités provoquées par les tarifs pratiqués par les cliniques étrangères ? Nous ne le pensons pas. C’est pourquoi nous soutenons l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes. » Il y a là encore manifestement une opposition, cette fois entre ce que souhaitent ces législateurs et les règles déontologiques établies par la pratique médicale.
Ce sont là, je crois, des questions passionnantes, importantes pour tout un chacun car elles touchent à la naissance, et qui mériteraient débat. Ces débats sont-ils possibles sereinement ? Pour mieux définir - et redéfinir peut-être le progressisme, qui n'est pas la simple approbation du nouveau-nouveau, j'ai tendance à penser qu'il serait important que ce le soit.