23,15 % et plus de 8,1 millions de voix au premier tour des élections présidentielles de 2022 ; 41,45 % et près de 13,3 millions de votants au second tour. 31,37 % et presque 7,8 millions de voix aux européennes de 2024 ; puis 33,22 % et plus de 10,6 millions de voix (avec les LR ciottistes) au premier tour des législatives trois semaines plus tard. Et finalement 143 députés (dont quelques LR ciottistes) au deuxième tour, soit une progression d’une cinquantaine de sièges par rapport à 2022. Ces chiffres reflètent le poids du vote Rassemblement National dans notre environnement politique national. Il est bien sûr à mettre en relation avec le contexte international de montée en puissance des partis populistes d’extrême droite en Europe et dans le monde. Vox en Espagne, Chega au Portugal, l’AFD en Allemagne… et bien sûr les victoires de Trump aux Etats-Unis, Bolsonaro au Brésil, Milei en Argentine, Meloni en Italie… Nous sommes ainsi dans un moment populiste dominé par les partis d’extrême droite. Mais quelle est la spécificité française ? Comment expliquer l’explosion, la fossilisation et la diffusion, dans une grande partie du territoire français, du vote Rassemblement National ?
Les ressorts structurels au niveau national
L’insécurité multidimensionnelle, subie ou vue / entendue ou imaginaire
Un premier facteur explicatif du vote RN est certainement la question de l’insécurité. Ou plutôt des insécurités. Il s’agit ici d’une réalité ou d’un sentiment d’insécurité multidimensionnelle. Elle est vécue par les acteurs et donc subie. Mais elle est aussi le plus souvent vue ou entendue dans les médias, qui fonctionnent comme une immense caisse de résonnance et de déformation, et donc elle peut être imaginaire.
L’insécurité que l’on retrouve majoritairement dans la sphère médiatique est physique. Il s’agit des actes de délinquance, les vols, les agressions, voire les faits divers tragiques comme l’affaire de Crépol. Ici, la plupart des électeurs n’ont pas subi directement cette insécurité physique, mais la surmédiatisation de faits divers prend sens à leurs yeux, et ils ont le sentiment de voir un pays gangréné par une délinquance massive. Le RN utilise d’ailleurs systématiquement ces faits divers afin de marteler un discours sécuritaire contre le laxisme supposé des politiques menées ces dernières années.
L’insécurité économique est en revanche un élément palpable chez une majorité d’électeurs du RN, qui la subissent directement. La question du pouvoir d’achat est au cœur de leurs préoccupations, d’autant plus avec l’inflation des dernières années et la hausse des prix des énergies (et donc du coût des mobilités individuelles), du logement, des aliments. A cela s’ajoute la stagnation salariale, la pression fiscale (les fameuses « taxes » et « charges »). Mais aussi la disparition de services publics et de petits commerces, notamment dans une partie de la France périurbaine et surtout rurale. La sous-dotation en services publics de base (école, centre de santé, poste…) et en petits commerces de proximité rend la population de ces territoires très dépendante de la voiture. C’est d’ailleurs le facteur qui a déclenché le mouvement des Gilets Jaunes à l’automne 2018. Cette insécurité économique vécue est à lier aux crises des dernières années et aux réponses apportées : de 2008 à 2024, les politiques austéritaires et néolibérales ont aggravé les conditions de vie pour les classes populaires et moyennes inférieures. Mais au RN – et donc chez les électeurs aussi ? – il n’y a pas la volonté de remettre fondamentalement en question le « système » économique. Comme le rappellent Bruno Amable et Stefano Palombarini dans Où va le bloc bourgeois ? (2022), « l’extrême droite propose de répartir de manière inégale les conséquences de réformes auxquelles il serait impensable de s’opposer, mais qui vont faire mal aux classes populaires. C’est la préférence nationale […] avec une segmentation des classes populaires et ouvrières fondée sur des critères ethniques ou religieux, avec la promesse aux « Français de souche » de faire retomber sur les autres le coût social des réformes ».
Enfin, la dernière insécurité est culturelle. Celle-ci repose sur la défense d’un « nous » essentialisé – la France de toujours – face à un « eux » menaçant pour la culture et les traditions françaises – les migrants, les étrangers et les Français d’origine étrangère (surtout ceux qui viennent d’Afrique subsaharienne et du Nord, et parmi eux notamment les musulmans). Cette « menace » du « eux » est palpable pour les électeurs RN quand ils voient – ou lorsque les médias diffusent – des femmes voilées ou des commerces halal. Ceci serait la preuve d’un « grand remplacement » – théorisé par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus et largement repris par Eric Zemmour – non seulement culturel, mais aussi démographique. La défense de la « France éternelle » fille de l’Eglise passe alors nécessairement par le rejet de « l’autre ».
Immigration et racisme
Quoi qu’on en dise, la question du racisme reste au cœur du vote pour le Rassemblement National. Tous les électeurs ne sont pas nécessairement racistes, il y a parmi eux des « fâchés pas fachos ». Mais il existe un substrat raciste dans l’ADN du RN, qui est l’héritier du Front National de Jean-Marie Le Pen fondé en 1972 par des anciens de l’OAS, des collaborationnistes et des waffen SS. C’est un parti qui a repris un imaginaire social hérité de la colonisation, avec donc une hiérarchie raciale, et qui a pendant longtemps – et encore en 2024 – développé un discours antisémite.
Aujourd’hui, cette question du racisme n’est plus tellement visible et mise en avant car elle ne peut pas coller avec la stratégie de respectabilité développée par Marine Le Pen. L’ADN raciste est laissé en arrière-plan afin d’insister avant tout sur la question migratoire (qui pour un électeur RN peut être facilement reliée à la question raciale). Déjà dans les années 1980 les affiches de Jean-Marie Le Pen insistaient sur la centralité du phénomène migratoire comme facteur explicatif du malheur des Français : « 3 millions de chômeurs ce sont 3 millions d’immigrés de trop ».
Les immigrés seraient les responsables d’un « grand remplacement » économique (et culturel comme nous l’avons vu). Si les emplois disparaissent, si les usines et les commerces ferment, si les services publics sont supprimés, il est plus facile d’accuser les derniers arrivés, boucs émissaires faciles car géographiquement proches, plutôt que de regarder la responsabilité des politiques austéritaires et néolibérales mises en place par l’Union Européenne ou le gouvernement. Ou encore la responsabilité des multinationales qui profitent d’avantages comparatifs sociaux, fiscaux et écologiques dans d’autres pays.
Cette réalité raciste du vote RN dans un nombre important de territoires a été mise en lumière récemment, dans un livre du sociologue Félicien Faury : Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (2024). Cette enquête de terrain dans le Sud-Est de la France souligne la prééminence du racisme dans les déterminants du vote pour le Rassemblement National. Les personnes interrogées critiquent la redistribution par l’impôt et les prestations d’assistance en faveur des racisés. Les électeurs RN se sentent ainsi dépossédés spatialement et culturellement.
Le sentiment de mépris
Au-delà du racisme, ce que les études de terrain montrent c’est le mépris ressenti par les électeurs RN. Les élites et notamment le gouvernement sont au cœur du sentiment de mépris que subissent les citoyens qui votent RN. Ou plutôt les gouvernements. On pourrait au moins dater le début de ce mépris à l’époque de Sarkozy, avec la mise en place du traité de Lisbonne après le vote en défaveur du traité constitutionnel européen de 2005. Il se poursuit sous Hollande avec la trahison des électeurs de gauche à partir des gouvernements Valls puis Cazeneuve (notamment la loi travail et la répression violente des mouvements sociaux qui a commencé à cette époque-là). Mais la pratique du pouvoir la plus méprisante est certainement incarnée par une personne : Emmanuel Macron. Ce nouveau venu en politique, élu par un « bloc bourgeois » (Bruno Amable et Stefano Palombarini, L’illusion du bloc bourgeois, 2017) de centre gauche et de centre droite, n’a eu de cesse de mépriser une grande partie des classes populaires et moyennes inférieures, opposées à ses politiques. La révolte des Gilets Jaunes (2018-2019) en est un exemple frappant, au sens propre comme au figuré : répression, manifestants éborgnés, conclusions du grand débat jetées à la poubelle… Plus récemment, les vingt-trois 49-3 du gouvernement d’Elisabeth Borne – notamment lors du mouvement contre la retraite à 64 ans, lorsque plus de 80 % de la population y était opposée – rappelle le mépris du pouvoir à l’égard des Français. Ces politiques du mépris social se retrouvent sur les corps souvent fatigués et meurtris des classes populaires, comme le souligne Edouard Louis dans ses ouvrages, ou encore dans une interview de juin 2024 sur Blast.
Le mépris subi par les électeurs du Rassemblement National est également géographique. Nous y reviendrons plus tard : c’est le mépris des gens de la ville (notamment les métropoles) sur les bourgs et les campagnes. C’est la vision des « bobos » sur les « péquenauds ». C’est le ressentiment selon lequel toutes les décisions absurdes concernant l’économie ou l’écologie seraient issues d’urbains déconnectés des réalités du monde rural.
Ce mépris géographique est à mettre en lien avec le mépris socioculturel. Il provient essentiellement des électeurs de gauche, issus des métropoles, qui ont pour certains des attentes plus sociétales que sociales. Il s’agit d’une catégorie sociale généralement plus éduquée qui ne comprend pas les attentes des gens des territoires périurbains et ruraux. Selon le sociologue Benoît Coquard (auteur de Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, 2019), ce même sentiment d’incompréhension se retrouve entre les ruraux et les néoruraux (avec un mode de vie et des emplois souvent différents).
Le rôle des médias
Mais rien ne serait possible sans le rôle central des médias. La concentration des chaînes de télé, des radios et de la presse entre les mains d’une dizaine de milliardaires, est à l’origine d’une propagande qui renforce le sentiment d’insécurité multidimensionnelle développé plus haut. CNEWS ou Europe 1 n’utilisent pas la force physique pour imposer les thématiques d’extrême droite. Mais le matraquage médiatique. Comme le dit Noam Chomsky dans Propagande, médias et démocratie (2004), « la propagande est à la société démocratique ce que la matraque est à l’Etat totalitaire ». Petit à petit, la fait-diversion de l’actualité, centrée sur la délinquance, avec en toile de fonds l’arrivée de migrants, fait « système ».
Les médias d’extrême droite et ceux de droite qui leur emboitent le pas, ont réussi à acquérir une hégémonie culturelle qui fait aujourd’hui des électeurs RN « des électeurs ordinaires », selon le titre de l’ouvrage du sociologue Félicien Faury. Des années 1970 à Zemmour, Frédérique Matonti raconte dans Comment sommes-nous devenus réacs ? (2021) le lent glissement d’une hégémonie culturelle de la gauche vers l’extrême droite. Aujourd’hui, la pensée d’extrême droite est présentée comme du « bon sens ». Aucun argument rationnel ne peut alors la contrer.
Les ressorts structurels au niveau national permettent ainsi au Rassemblement National d’être un parti attrape-tout, un néo-boulangisme qui attire tous les mécontentements. Cela est renforcé par le « bon sens » du « on n’a pas essayé ». Après les échecs et trahisons de la gauche et de la droite, le RN apparaît en effet comme un parti neuf. Bien mieux : le représentant de l’anti-système. Le seul parti qui puisse garantir l’ordre – économique, sécuritaire, culturel – par des mesures simples : la fermeture et le rejet. Mais il existe d’autres facteurs explicatifs du vote RN, que l’on retrouve notamment dans l’immensité territoriale des conquêtes les plus récentes du parti.
Des ressorts structurels locaux dans la France périurbaine et rurale
La question des capitaux économique et culturel
Autrefois cantonné à ses fiefs du Nord et du Sud-Est, la force du RN est d’avoir su conquérir une grande partie de la France périurbaine et rurale. Ici, l’électeur du Rassemblement National qui est surreprésenté est en général issu des catégories populaires ou moyennes inférieures, avec un niveau d’étude plus bas que la moyenne nationale. Toutes les études d’opinion le montrent. Prenons l’exemple de Cluster 17 et du premier tour des élections législatives de juin 2024.
L’institut montre en effet que les électeurs du RN ont un capital économique relativement faible. Les PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) surreprésentées sont les agriculteurs, les professions indépendantes, les ouvriers et les employés (autour de 40 % pour chacune). Cela se retrouve sur les revenus : 30 à 40 % des électeurs gagnant moins de 1000 jusqu’à 2000 € votent pour le RN. Sur ce point, on observe à peu près le même pourcentage pour les électeurs de gauche. En revanche, comme l’ont montré Julia Cagé et Thomas Piketty dans Une histoire du conflit politique (2023), le vote macroniste est le plus bourgeois de l’histoire.
De plus, l’électorat RN se distingue nettement par son capital culturel assez bas. Parmi les électeurs n’ayant pas le baccalauréat, 46 % votent pour le RN. S’ils sont 39 % à avoir un niveau bac, le chiffre tombe à 23 % pour un bac + 5 et plus.
Les relais d’opinion locaux
Faibles capitaux économiques et culturels caractérisent donc l’électorat RN d’une partie des territoires périurbains et ruraux. Il ne faut pourtant pas généraliser et voir un électorat socialement homogène. Violaine Girard, dans Le vote FN au village. Trajectoires de ménages populaires du périurbain (2017), déconstruit les représentations du périurbain comme un espace de relégation à faible mixité sociale et une grille de lecture exclusivement spatiale du vote FN. Dans certains territoires périurbains, les habitants appartiennent à des fractions stables ou en ascension sociale des catégories populaires. Ils bénéficient souvent de qualifications ou d’expérience leur permettant de se positionner au-dessus des fractions précarisées des classes populaires. Ils ont en général la volonté de se démarquer de ces derniers.
Se démarquer mais aussi s’identifier à des relais d’opinion locaux. C’est ce que suggère Benoît Coquard dans un article critique sur le livre de Cagé et Piketty (www.theconversation.com, 20 septembre 2023) : « dans certaines campagnes, ouvrier·e·s et employé·e·s aspirent largement au style de vie incarné dans leur monde proche par des artisans, des petits patrons, des propriétaires comme eux. Certes ces derniers sont davantage dotés en capital économique, mais ils les côtoient au quotidien, faisant parfois partie de leurs amis proches, de leurs familles, etc. ». Ces affinités transclasses et cette identification à des catégories socioprofessionnelles perçues comme des « bosseurs » face aux « cassos » qui profitent du système, permettent de relayer indirectement le discours du Rassemblement National.
Les artisans et les petits patrons, surreprésentés dans le vote RN, sont une catégorie socioprofessionnelle très sensible à la question des « charges » qui pèsent sur leur entreprise, aux normes administratives, voire à « l’écologie punitive » qui les freine dans leurs déplacements automobiles. Or ce sont des thèmes qui ont été très tôt développés par le FN de Jean-Marie Le Pen (lui-même était député poujadiste en 1956) et repris par le RN d’aujourd’hui. Les artisans et les petits patrons fonctionnent ainsi comme des relais d’opinion dans une partie du territoire français.
Le mimétisme électoral
Dans le même article, Benoît Coquard va plus loin en parlant de mimétisme électoral dans certaines campagnes françaises. Puisque le discours médiatique dominant reprend les thématiques du RN, puisque les relais d’opinion votent RN, puisque d’autres citoyens exposent sans honte leur vote RN, alors cela conduit d’autres habitants à faire de même. Afin de ressembler et d’être acceptés par le groupe, certains font le choix d’adopter le vote qui semble dominant dans le territoire.
Ceux qui résistent sont désormais perçus ou s’auto-perçoivent comme minoritaires. Un électeur de gauche participera moins aux débats dans le café du village, va peut-être s’auto-censurer, voire même s’abstenir aux prochaines élections. En outre, le maître d’école, autrefois relais d’opinion de gauche important dans les campagnes, a perdu ce statut… ou n’existe plus si l’école a fermé.
L’auto-censure des électeurs de gauche face à l’hégémonie culturelle d’extrême droite fonctionne à plein dans la vie sociale du village ou du bourg. Être de gauche c’est avoir la réputation de « voter pour les assistés ». Mettre un bulletin Marine ou Jordan est désormais socialement valorisé. Benoît Coquard montre que cette mauvaise réputation de l’électeur de gauche ou du travailleur revendicatif a aussi un impact dans le tissu économique local. Mieux vaut ne pas trop mettre en avant ses opinions politiques ou syndicales si l’on veut conserver son emploi.
La pensée pénultième et la schadenfreude
Enfin, Frédéric Lordon a montré dans Figures du communisme (2021) les rapports de domination existants dans les catégories sociales inférieures, et que l’on retrouve dans certains territoires périurbains ou ruraux. Il met en avant ce qu’il appelle les « passions pénultièmes ». Pour faire simple, puisqu’il n’y aurait pas d’alternative économique (en paraphrasant Margaret Thatcher), chacun lutte avec acharnement pour ne pas être le dernier dans les rapports de domination. L’extrême droite, et avec elle la droite, sont devenues expertes en ce domaine : « migrants et racisés, mais aussi « assistés », sont offerts comme objets de prédilection aux passions pénultièmes, c’est-à-dire à toutes les stratégies intimes de réparation imaginaire. Aux avant-derniers on fournit les derniers qui, précisément, les font exister comme non-derniers, et dont ils vont pouvoir se différencier d’autant plus rageusement qu’ils en sont objectivement proches ». Benoît Coquard montre même comment certains électeurs touchant le RSA votent RN, afin de se détacher politiquement des autres « assistés » et appartenir ainsi aux « avant-derniers ».
Cette pensée pénultième est certainement à mettre en relation avec le concept allemand de schadenfreude, que l’on peut traduire par « joie mauvaise » de voir un autre souffrir plus que soi. Ici c’est le dernier, celui qui est en bas de l’échelle sociale ou celui qui vient d’arriver (ou dont les ancêtres figurent parmi les derniers arrivés) que l’on souhaite voir souffrir un peu plus que nous.
Tous ces ressorts expliquent en partie la puissance du vote Rassemblement National. Ils ont en commun d’infuser lentement dans la société française depuis des décennies. La tendance est à l’accélération grâce à l’utilisation de moyen de communication moderne comme TikTok : le réseau social a permis de fidéliser un public jeune autour de l’image de Jordan Bardella, plus que du programme du RN. De plus, certaines idées ou solutions du RN sont petit à petit récupérées par le pouvoir en place. Comme Frédéric Lordon le souligne souvent, Emmanuel Macron est le fascisateur qui annonce l’arrivée au pouvoir du « fascisme ». Si l’on peut questionner ici la pertinence de ce terme pour la situation actuelle, il a au moins le mérite de faire voir une certaine continuité – et non pas une rupture – dans la préparation des mentalités à une France gouvernée par une idéologie d’extrême droite. Le vote de la loi « asile et immigration » en décembre 2023, par les députés de la majorité présidentielle, les LR et bien sûr le RN en est un exemple frappant. La suppression du droit du sol à Mayotte en est un autre. La récupération du vocabulaire de l’extrême droite pour disqualifier la gauche – jugée « islamo-gauchiste », « immigrationniste » - montre aussi le glissement du pouvoir macronien vers le RN. Les expressions « droits-de-l’hommisme », « décivilisation » ou encore « guerre civile » sont également des emprunts directs au discours de l’extrême droite. Si donc il y a continuité – et non rupture – entre Macron et le Rassemblement National (même si on peut raisonnablement penser à une nette aggravation sous un gouvernement RN), le barrage républicain ou la « grande coalition » ne sont que des leurres pour lutter efficacement contre l’hégémonie culturelle du Rassemblement National. La victoire relative du Nouveau Front Populaire aux élections législatives du 7 juillet 2024 est cependant un répit bienvenu, mais non suffisant, pour empêcher le RN de progresser et de s’approcher du pouvoir d’ici 2027.