La réversibilité du vieillissement des cellules est arrivée. Bonne ou mauvaise nouvelle ? La mort nous course. Nous ne voulons plus courir et recherchons les moyens de nous « asseoir sur le trottoir d'à côté »(Souchon) pour la regarder passer. La réversibilité serait-elle cette possibilité de se sortir du flux fuyant la fin ?
Quelque part cette expérience de réversibilité relatée par le site Le Monde.fr (cliquer ici) est une bonne nouvelle car nous vivons plus longtemps. La régénération des cellules endommagées nous permettrait de vivre mieux cette longévité accrue. De l'autre, elle donne le vertige en nourrissant le fantasme ou plus simplement le cauchemar d'une vie sans fin ou d'une fin de vie sans limite pour laquelle nous serions capables de réparations perpétuelles au point qu'il ne resterait plus que l'acte volontaire du suicide pour assurer le renouvellement des générations.
D'un côté il y a la perspective de faire reculer la sénilité et ainsi de pouvoir vivre jusqu'au bout "vivant jusqu'à la mort" comme l'écrivit Paul Ricœur. Alors s'agira-t-il, grâce à cette réversibilité, de faire que la mort grille la politesse au vieillissement ? ou que le vieillissement ne soit plus un naufrage ?
De l'autre il y a comme une sorte d'épouvantable illusion de pouvoir toujours repousser la mort au point que celles et ceux qui devraient, compte tenu de leur âge, « naturellement » (au sens d'un certaine évidence) décéder, encombreraient la vie des moins proches ou des plus éloignés biologiquement du trépas.
Et puis sournoisement viendrait la question de savoir quel type de cellule il faudrait régénérer et dans quel but ? Quel vieux, au fond, il faudrait rajeunir ? Quelles limites devrions nous poser face à cette tentation de sélection des immortels ? Quel danger et en même temps quel défi pour la sagesse ! Nous entrerions enfin dans un monde où l'éthique ne serait plus cosmétique ou moralisante mais structurante. Le religieux retrouverait une place plus évidente qui serait comme une sorte de contrat entre soi-même et ses coreligionnaires permettant de choisir (ou pas) de "passer" à date et horaire fixe non plus seulement pour ne pas souffrir trop mais plutôt pour ne pas encombrer. Religiosité signifierait : se relier pour se poser collectivement la question de savoir si le moment de mourir est bien venu ? Des clubs religieux se formeraient qui débattraient et du moment de la fin et des moyens pour en finir (je veux mourir) Les « rétrogrades » continueraient à s'en remettre à une autorité supérieure, effarés par les débats des modernes sur la meilleure façon de se libérer de la vie ou de libérer la vie. « Allez, allez messieurs dames il faut partir maintenant, il est tard vous savez... »
Réversibilité du vieillissement des cellules : s'agit-il de soigner ou de prolonger ? S'agit-il de mourir joyeux? (un dernier clic)