C'est assommant ce sentiment d'émiettement de la société. Ça part dans tous les sens. C'est d'autant plus assommant qu'on a cru un moment se rassembler. Unis dans les larmes, dans la douleur et dans la peur. Unis autour de nos victimes. Unis autour du rejet profond de la barbarie djihadiste.
Et puis, à nouveau, on s'est divisé. Nous ne savons plus ce que nous voulons ensemble.
Comme des bébés qui ne trouvent pas le téton à téter de leur Mère, on ne sait plus où donner de la bouche. La mamelle étatique, politique, sociale, idéologique, dogmatique, se dérobe. L'énorme sein français est desséché. La source mammaire est tarie.
Aux armes citoyens! Le monde nous a envahi. Le sang impur abreuve nos sillons. Bref, c'est la m.... Panique au pays du général de Gaulle, de Coluche et des enfants du paradis.
On se réveille, un matin, avec 130 morts de plus dans le cimetière national. Jeunes, moins jeunes, femmes et hommes, devenus sublimes dans la disparition, ceux-ci sont notre corps et notre sang.
Janvier 2015. On a cru qu'une bonne manifestation suffirait à remettre les pendules à l'heure. Ici c'est la France de la liberté d'expression, la France laïque, la France athée, chrétienne, juive, musulmane et multiconfessionnelle. On a cru que nos copains, les dirigeants du monde, un dimanche bras-dessus bras-dessous, et quelques mesures militaires, suffiraient à réunir notre diversité éparse.
13 novembre 2015. Finis les manifestations, les lampions, la lanterne, c'est le mot guerre, enfoui dans nos mémoires précaires, qui s'impose. On a troqué l'illusion populaire contre l'état d'urgence, la fermeture des frontières et un gilet pare-balles national. Enfin ! On n'a plus le droit de se laisser pourrir la vie par un état terreur, une bande de furieux au nom d'un "dieu trahi".
Mais que faire? Où aller? Comment réorganiser nos désirs de paix, notre art de vivre?
On ne va pas pouvoir longtemps se contenter d'avoir peur.