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Billet de blog 10 octobre 2010

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une fausse histoire journalistique abracadabrantesque.

"L'homme est ce qu'il mange" Ludwig andréas FeuerbachIl y avait une sorte de brume. C'était londonien en diable, grave et angoissant façon, Jack l'éventreur. Je venais d'ouvrir la porte du four. La brume, c'était la vapeur d'eau sur les carreaux de mes lunettes. A l'intérieur du four, une pintade "archicuite".

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"L'homme est ce qu'il mange" Ludwig andréas Feuerbach

Il y avait une sorte de brume. C'était londonien en diable, grave et angoissant façon, Jack l'éventreur. Je venais d'ouvrir la porte du four. La brume, c'était la vapeur d'eau sur les carreaux de mes lunettes. A l'intérieur du four, une pintade "archicuite".

J'avais invité une journaliste à dîner à 21h tapante avec l'intention de lui faire la démonstration de mon savoir faire culinaire. 20H50, la pintade grillée partait en lambeaux lorsque que je la désembrochais. Ma tentative de séduction culinaire partait, elle, en vrille. Je n'avais plus que dix minutes pour décongeler un saumon mal fumé , glacer la vodka à l'herbe de bison low-cost perdue depuis vingt ans dans un placard de la cuisine et faire griller des toasts. Bref, ma dînette médiatique tournait à la catastrophe.

Mon Père m'avait toujours dit: "fais gaffe à bien traiter les journalistes surtout si ce sont des filles". Comme ça m'avait toujours eu l'air impossible à respecter comme précepte néo-laïossien, je m'étais jusqu'alors abstenu de toute relation avec le monde de la presse. Je me tenais à distance, abrité derrière des fonctions et des relations professionnelles qui m'épargnaient de côtoyer les bénéficiaires légitimes de la liberté de la presse.

Pourquoi avais-je décidé, pour une pintade même pas bio, de rompre mon engagement solennel de respectueuse distance entre moi et la planète informationnelle? Vacherie d'égotisme! Saloperie de narcissisme! illusions mégalomaniaques et bedonnantes de la cinquantaine comme une sorte de démon de midi qui fait qu'on saute sur la première occasion venue pour se croire assis dans la machine à remonter le temps. Je me suis dis qu'une pintade ça ne mangeait pas de pain, que ce n'était pas grave et qu'on pouvait sans longue fourchette dîner en tête à tête avec la diablesse d'un journal du soir qui sort à midi. Bien mal m'en a pris. Quand elle a appuyé sur la sonnette de mon petit appartement de la banlieue parisienne et que j'ai ouvert la porte, une énorme vague de chaleur chargée d'odeurs de graillou l'a saisi aux narines et aux vêtements. Elle a lâché un pouaha horrifié et à pris ses jambes à son cou sans même prendre le temps de monter dans l'ascenseur qui pourtant était encore à l'étage. Comme elle courait vite mais d'une manière un un peu désynchronisée, patatras, elle est tombée dans l'escalier pour se retrouver sur le pallier du niveau du 4éme, l'étage avec le couple de gens âgés qui ont toujours leur carte du parti à Maurice Thorez. On a sortie le mercure au chrome pour badigeonner ses plaies au genou. La dame du troisième, une Tamoule, lui a apporté un verre d'eau. Le monsieur du second, un grand costaud de centre Afrique candidat à l'élection des représentants des locataires, lui a filé une paire de claques toute douce au moment où elle est tombée dans les pommes. Le type du Cinquième, un serveur sympa, conteur d'histoire dans une grande brasserie parisienne plutôt fréquenté par des genres "Baron de Charlus", a appelé le Samu.

La journaliste a fini à Bicêtre entre les mains de la médecine des urgence. On a quand même mangé la pintade tros cuite, tous assis sur les marches de l'escalier et j'ai juré - croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer - que plus jamais je n'inviterai de journaliste mâle ou femmelle à dîner. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées.

Bon, j'ai eu droit à plusieurs mauvais papiers. Des trucs un peu faux, des trucs sur mon passé qui faisait penser à un monde de grande truanderie. Et puis plus rien. Enfin le bien heureux retour à l'anonymat.

Pour vivre heureux restons cachés des journalistes... et faisons gaffe à la cuisson des pintades à la broche.

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