
« Si les allemands et les Européens avaient un conseil à donner au reste du monde (…)il ne pourrait-être que le suivant : faites comme nous ne vous intéressez pas trop les uns aux autres ! » Peter Sloterdijk
.Dans les années soixante, il y avait les salons de la machine outil. Là, l’allemand était un ingénieur, un technicien. Il était au travail. Il était même un excellent travailleur reconnu pour sa compétence, son sérieux, sa ténacité, sa politesse. Il était encore le boch mais il n’était plus vraiment l’allemand en tant qu’Allemand du IIIème Reich.
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Bosch, c’est-à-dire une marque solide, fiable, qui dure longtemps mais qui n’est pas très aimable, très belle. Des bougies, des machines à laver, une marque, une insulte. L’allemand, c’était une sacrée bagnole, une grosse cylindrée pour longtemps. Il n’y avait plus d’allemand en tant que citoyen d’une nation.
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L’allemand était déchu de sa qualité d’allemand, de germanique, d’européen. Il avait pour seul droit d’être comme un bon chien dont on tapote la tête comme pour se rassurer car au fond, on en avait encore peur. Allemand : bon bosseur, bon commercial, discipliné, acharné. L’allemand était un gars comme ça !
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Le nazi était sans nationalité. Il était un fuyard, un apatride, un déguisé caché, un disparu de la nation, de toutes les nations. Un type et sa famille travestis en latino-américains, un homme d’affaire argentin. Un accusé, un recherché, un condamné. Le nazi dont on n’osait pas dire qu’il était allemand mais que l’on pensait si fortement que ça s’entendait de l’autre côté du mur de Berlin.
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A l’Est, les Allemands n’étaient plus allemands non plus. Ils étaient communistes.
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L’allemand était aussi un officier lourdaud comme dans « le mur de l’atlantique » de Marcel Camus avec Bourvil et Jean Poiret en 1970. Un con qui reçoit des coups sur la tête pendant qu’un français et un anglais se font la valise en préparant le débarquement.
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Einstein n’était plus allemand.
Fritz Lang n’était plus allemand.
Il ne l’était plus au point qu’on pouvait se dire qu’ils ne l’avaient jamais été.
Il n’y avait que les musiciens et encore.
Il n’y avait plus que Nietzsche et Wagner.
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Et puis en 1972, il y a eu Munich, les jeux olympiques…C’est terrible que l’Allemagne soit revenue comme ça avec ce crime. C’est terrible que l’Allemagne soit revenue comme ça avec le terrorisme, la bande à Baader. A ce moment là il y a eu, à nouveau, des allemands d’Allemagne mais seulement de l’ouest.
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1989, entre les allemands et leur passé, les allemands et eux-mêmes, le mur est tombé. Papa n’a plus parlé des allemands. La machine outil française avait fait faillite depuis longtemps.