C’est déjà, médiatiquement, l’extrême curiosité. On veut pré-Voir si Europe Ecologie sera capable de confirmer aux régionales son entrée dans la cour électorale des grands. Est-ce un symptôme ou un phénomène durable ? DCB réussira-t-il ou pas à élargir son électorat aux catégories populaires ce qui en ferait une alternative possible au PS et au PC en tant que forces traditionnellement structurantes de la gauche ? Ce sont effectivement, techniquement, les questions qui se posent. Cependant, pour centrales qu’elles soient, elles demeurent en matière politique et non plus seulement de marketing politicien, de logique de l’offre et de stratégie électorale, secondaires.
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Pour comprendre l’enjeu de cette volonté de pré-Voir si les écolo vont confirmer leur score, il faut revenir sur l’événement qu’a constitué le succès des listes Europe écologie aux européennes. Événement non pas en tant qu’arithmétique électorale mais en tant qu’événement au sens où l’exprimait Derrida à propos du 11 septembre 2001: « l’événement c’est d’abord que je ne comprenne pas (… mon incompréhension…)(…) D’où l’inapropriabilité, l’imprévisibilité,la surprise absolue, l’incompréhension, le risque de méprise, la nouveauté inanticipable, la singularité pure, l’absence d’horizon. »
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Cette curiosité presque maladive quant à l’avenir électoral de l’écologie politique est une manière de dire : « mais qu’est-ce qui nous arrive ? »Et par tant, selon le mauvais principe de précaution que Chirac a introduit dans la constitution, nous voulons nous prémunir, c’est-à-dire pré-savoir ce qui demain va se produire. On est au bord de l’immobilisme absolu, de la phobie généralisée.
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Comme pour le virus H1N1, nous voudrions avoir une sorte de Tamiflu politique pour nous immuniser contre une nouvelle nouveauté.
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Il faudrait que nous sachions déjà si oui ou non les écolos et ce diable de Cohn Bendit, sont bien dans le jeu institutionnel. Bref pour le dire avec d’autres mots: nous avons peur de nous-mêmes car par le vote comme par l’abstention depuis le 21 avril 2002 , nous, le corps électoral, ne savons plus ce que nous faisons. Quelle surprise surprenante nous réserve notre prochain scrutin ? Les verts eux-mêmes, surtout les historiques, sont dépassés, bouleversé par leur participation au succès.
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Les verts sont verts en quelque sorte.
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Il faudrait que le scrutin régional ait déjà eu lieu, que la présidentielle soit déjà passée. Phobie, contra phobie, encore phobie, délire de précaution. La société française est à ce point malade qu’elle ne peut plus supporter le moindre suspens qu’elle crée cependant elle-même. Car enfin, ce n’est pas la main invisible du marché ou de dieu qui a bouté Jospin en 2002, pulvérisé Royal en 2007 et explosé le PS en 2009. C’est nous, encore nous,toujours nous quelques soient nos votes et nos bords politiques.
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Nous sommes en quelque sorte dans un état d’esprit qui relève du millénarisme. On a peur de tout et en particulier de notre ombre. On ne veut plus de l‘ancien système mais on a peur du nouveau qui demeure l’inconnu. On veut donc supprimer l’inconnu, le lendemain. Et c’est là cependant qu’est le véritable danger, dans ce refus obstiné de nous laisser aller à nous-mêmes, de laisser les débats et les joutes politiques se dérouler. Nous voulons castrer la vie démocratique, nous couper du temps, en allant au plus vite au scrutin décisif, la présidentielle, avec un Sarkozy forcément reconduit parce que ne pas imaginer un tel scénario ce serait à nouveau plonger en nous-mêmes pour tenter de comprendre ce que nous ne comprenons plus de ce que nous faisons politiquement.
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Il y a danger parce que cette phobie, cette sorte de millénarisme, cette trouille de l’inconnu, sont constitutives d’un nouveau conformisme. Et, justement,l’acteur politique providentiel, le néo totalitariste se nourrit de ce conformisme.
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La France doit se faire confiance, jouir de son goût profond pour les bouleversements politiques, accepter son phantasme sadique de décapitation. Jouir du suspens, de la compétition, de la polémique, du débat. La crise politique ce n’est pas si grave que ça. Vivons plutôt que d’essayer de nous prémunir. Regardons, acclamons, bataillons, plutôt que d’essayer vainement de pré-Voir un avenir par définition, et heureusement, incertain.