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Billet de blog 30 juin 2009

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RER de folie

Transports de chien, rien de plus à dire à ce moment là. Lundi 29, dix huit heures, chaleur étouffante, trente, peut-être trente cinq degrés. La plus part des voyageurs sont montés à Châtelet. Entre Mitry et Gare du Nord, ça allait. On a attendu longtemps entre le Blanc-Mesnil et le Bourget parce que des personnes étaient descendues sur la voie, qu'il y avait eu un malaise voyageur qui avait nécessité une intervention des pompiers et qu'en plus "on" avait vu (on, mais qui ?) de la fumée quelque part sur la ligne..

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Transports de chien, rien de plus à dire à ce moment là. Lundi 29, dix huit heures, chaleur étouffante, trente, peut-être trente cinq degrés. La plus part des voyageurs sont montés à Châtelet. Entre Mitry et Gare du Nord, ça allait. On a attendu longtemps entre le Blanc-Mesnil et le Bourget parce que des personnes étaient descendues sur la voie, qu'il y avait eu un malaise voyageur qui avait nécessité une intervention des pompiers et qu'en plus "on" avait vu (on, mais qui ?) de la fumée quelque part sur la ligne.

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A côté de moi, sur la banquette de Gauche en direction de Paris, inventaire:

une femme de cinquante ans

son fils, à vue de nez, de vingt ans avec l'air cassé et gentil

un sac avec à l'intérieur un chien.

Juste la tête du chien dépasse du sac.

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Le chien, c'est comme celui de l'enfance dans les albums de "Caroline", un cabot noir et blanc à l'air perdu et -comme le fils de la dame - l'air gentil, adorable même pourrait-on dire. Lui, le fils gentil, passe sa vie en survêtement bleu gitane et baskets "Carrefour" avec une casquette PSG, une paire de lunette sur le nez avec du scotch jauni en guise de renfort indispensable entre verre droit et verre gauche, monture métallique sur un air doux et perdu comme celui du chien. "Fuck la température", le fils dit. D'un regard le chien, agité dans son cabas, approuve. Les neurones du fils et du chien se comprennent. La mère, la quinquagénaire aux manières énergique de mère Denis, la vieille lavandière vedette, désapprouve autoritairement l'expression. Chez les Denis on supporte pas la langue des rosbeef.

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Le voyage commence à être long. Le chien s'agite. "Doucement Titi" dit la mère Denis. "Fuck la température" répète le fils. Lui aussi est agité mais sa mère lui colle une beigne. Il a vingt ans peut-être même vingt cinq, mais sa mère le gifle comme un gamin de cinq années. Il ne pleure pas. Il se tait. Il pense: "Fuck, la gifle". Il repense encore, alors que le train se remet à rouler, "fuck ma mère". Il fait moins chaud à cause de l'air qui maintenant s'engouffre par les fenêtres grandes ouvertes car le train va maintenant à vive allure. Le chien s'est calmé. le fils non. "Fuck le chien" il se dit dans son for intérieur haute température. Il y a longtemps que dans son village pommé de Seine et Oise, le fils des voisins lui a appris à se masturber. Il lui a appris aussi le mot "fuck".

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Il dit à sa mère alors que le RER s'est à nouveau arrêté juste avant d'atteindre la gare du Nord - à cette endroit, à l'entrée du tunnel ça bouchonne toujours - "c'est de la faute à le fils du voisin". "T'énerve pas Émile, dit la mère, on n'a jamais eu de fils du voisin." Emile plonge dans le silence de son cerveau-couloir-de-métro, station Montparnasse, heure de pointe, quand toute la Bretagne d'Île-de-France décide de retourner dans sa contrée. Cerveau compliqué. Le chien s'est endormi. "T'a qu'a faire comme le cleps, Mimile" qu'elle lui dit, la Mère Denis. La température du wagon remonte à trente voir trente cinq degrés Celsius. Emile ferme les yeux. Une dernière pensée consciente ou presque le saisit, cinglante, précise, preuve s'il en fallait de la continuité de son point de vue sur la vie: "Fuck, le fils du voisin et le RER". Puis il s'endort, bon voyageur, bon fils.

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