S’il vous reste des larmes, versez-les !
Le problème avec les Palestiniens, le problème des Palestiniens, c’est qu’ils existent. Tout irait mieux s’ils n’étaient pas. Si étant, ils n’étaient pas là où ils sont.
Nous ne nous sentirions pas coupables de ne rien pouvoir faire et de les laisser peu à peu disparaître, nous ne serions pas à cause d’eux systématiquement coupables. Coupables d’antisémitisme. Quand cette idée, cette monstruosité, ne nous effleure même pas.
Nous ne sommes pas de ces chrétiens qui ont fait le lit de l’infamie antisémite, ni de tous ceux, les mêmes ou d’autres, qui sont passés à l’acte, ni des derniers en date, les pires qui aient été et qui attendent peut-être encore dans l’ombre.
Comme, et avec tout un chacun, nous ne portons qu’une croix, celle d’être né, et de souffrir chaque jour le spectacle d’un monde partout dégradé et dégradant.
Le tort des Palestiniens est d’être devenus des intrus, de n’être là-bas, qui n’est pas un chez soi pour eux, que par hasard, ou d’y être, disent certains, venus trop tard, d’être devenus des surnuméraires importuns, accrochés aux lieux où ils sont nés, comme si être donnait des droits, et comme si être né ici ou là, en donnait plus encore. Du moins pour tous. Pas pour tous.
Étant posé le principe d’un droit universel à l’égalité, à la justice. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »[1], certains le sont cependant plus que d’autres.
L’écrivain, l’humoriste, peuvent jouer avec la formule, avec les mots et les maux qu’elle recouvre ; nous pouvons en rire avec eux, en sourire du moins, sans rien pouvoir à cette vérité que les droits sont le privilège de la force et de ses complicités. À chacun de les nommer, l’une et les autres, dans leurs détails.
Le tort des palestiniens c’est de refuser de partir, de refuser de disparaître, de ne pas accepter leur sort, eux qui sont riches d’en avoir plusieurs : des frontières « amicales » proches les attendent, des renoncements faciles leur ouvrent les bras !, s’en aller, tout laisser. Que ne s’y jettent-ils pas ? On ne parle pas de se jeter à la mer : elle ne leur est même pas ouverte. Certains le tentent cependant. Beaucoup s’y noient.
Le tort des palestiniens c’est leur obstination. Celle de leurs raisons, de leur raison, de leurs droits – des droits vraiment ? Cet entêtement déraisonnable à en avoir, à en vouloir et vouloir toujours, fait leur malédiction.
Quand des groupes humains disparaissent, quand des civilisations s’effacent ou ont été effacées, quand des nations se sont construites sur le crime, le génocide, l’ethnocide, qui cela gêne-t-il encore, sinon quelques obstinés qui crient et en appellent à la conscience universelle ?
La conscience universelle. Qui peut bien avoir imaginé pareille ineptie, bêtise ?
S’il vous reste des larmes, versez-les !
Les Palestiniens sont des criminels. Criminels contre l’état de fait. Il ne leur arrive que ce qui doit leur arriver. Car il y a plus grande injustice que celle qu’ils vivent et éprouvent quotidiennement, celle du crime originel plus grand encore que celui qu’ils subissent. Leur expliquer cela est peine perdue. Les Palestiniens sont sourds. Ils n’entendent que leurs douleurs et leurs cris. C’est leur plus grand crime !
Qu’ils s’éloignent ! Qu’ils s’en aillent ! Qu’ils disparaissent d’une manière ou d’une autre ! D’une manière consentie de préférence, car répugne le sang qu’ils versent. Le leur cependant moins que celui de leurs oppresseurs. Quand tous les sangs se valent.
Qu’ils n’affligent plus de leurs présences encombrantes les consciences outragées de l’hypocrisie universelle toujours prompte à voler au secours de l’injuste opprimé pourvu qu’il fasse droit à des crimes qu’il n’a pas commis, et quand il en commet qu’il ait de bonnes raisons ! Celles que les tribunaux de nos consciences et jugements estiment bonnes, dignes et justes. Les Palestiniens n’en ont que de mauvaises. À tout le moins, elles ne sont jamais assez bonnes.
Qu’ils portent cette croix sur laquelle ils sont cloués ! Qu’ils la portent pour d’autres qui les y ont cloués. Qu’ils poussent le cri du désespéré.
Puis qu’ils se taisent !
Enfin.
Et qu’on n’en parle plus ! Qu’on n’en entende plus parler ! Ainsi soient-ils ! Ainsi ne soient-ils plus.
En seront-ils plus muets, plus inaudibles pour autant ?
S’il vous reste des larmes, versez-les !
[1] Article 1er Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde, »… bla-bla-bla, in Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Préambule.