amadouba19@gmail.com (avatar)

amadouba19@gmail.com

Le bien-vivre ensemble Littérature et Politique

Abonné·e de Mediapart

1133 Billets

0 Édition

Billet de blog 2 juillet 2025

amadouba19@gmail.com (avatar)

amadouba19@gmail.com

Le bien-vivre ensemble Littérature et Politique

Abonné·e de Mediapart

"Ville d'Albi, patrimoine mondial de l'humanité" Amadou Bal BA

Albi dans le Tarn, une ville chargée d'histoire, classée au patrimoine mondial de l'humanité, par la puissance de ses arts et lettres. C'est la ville du peintre Henri de TOULOUSE-LAUTREC, du navigateur LAPEROUSE, de la cathédrale Sainte-Cécile et du palais de la Bérébie.

amadouba19@gmail.com (avatar)

amadouba19@gmail.com

Le bien-vivre ensemble Littérature et Politique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Illustration 2
Illustration 3

«Albi, dans le Tarn, une ville hautement chargée d'histoire, classée au patrimoine mondial de l'humanité et la puissance du monde de ses arts et lettres», par Amadou Bal BA

Le mot «Albi», dans les temps anciens, parfois orthographié «Alby», «Alb» ou «Alp», signifie, en langue celtique, élévation ou sommet, sans doute en référence à la position géographique de la cité, la pointe extrême de la plaine par rapport au bas du Languedoc. «L’assassin revient toujours sur les pas de son crime», dit-on. Subjugué par le charme et la splendeur de la vie à Albi, Parisien de Danthiady, un Foutankais, je n’y suis pas venu par hasard. La marraine de mes enfants, une descendante des Bourbons, «d’un sang bleu», passionnée de littérature, d’une grande noblesse d’esprit, Mme Marie-Laure COQUELET, après Tours, Paris et Castres, réside depuis plusieurs années dans cette charmante ville du Tarn. Je me souviens, avec les enfants, venus pour la première fois, à Albi, pour un jour, le grand choc émotionnel ressenti en découvrant cette belle et douce ville de France. Depuis lors, le coup de foudre est intact à chaque fois que j’y reviens ; la magie opère ; on est sous le charme et l’envoûtement.

En remontant le temps, on constate que l’Albigeois est resté un pays fier et indépendant de très longue date, avec des monuments datant du Moyen-âge. En effet, sous l'Ancien régime des États du Languedoc, le territoire du département actuel était divisé en trois subdélégations de l'Intendance de Montpellier, à savoir : Albi, capitale de l’Albigeois, Castres et Lavaur ; en telle sorte que, les évêques de ces trois villes participaient à l'administration. La légende étant le parfum de l'histoire, la ville d’Albi, dans son glorieux passé, est entourée de récits, tantôt sombres et dramatiques, en raison des intrusions romaines, des Visigoths ou des vandales, des ravages de la peste ou du choléra,  tantôt mélancoliques et tendres, mais toujours émouvants.  Saint-Eugène, évêque de Carthage, est mort à Gaillac le 13 juillet 505, près d’Albi. La politique de terreur de l’évêque de CASTANET (1240-1317) a marqué les esprits, à travers les inquisitions. En effet, le concept d’hérésie, entre 1209 et 1229, une guerre déclenchée pour combattre le Mal qu’aurait provoqué les cathares ou «les purs», avait conduit à une intolérance et des persécutions, des massacres, des pendaisons, des bûchers ou des destructions. «En France, la puissance séculière, alors très chrétienne et très catholique, qui ne connaissait point encore le dogme laïque de la liberté de conscience, abîme sans fond où s’engloutit misérablement la foi comme la morale, intervint avec vigueur lorsque l'hérésie naissante de Calvin semait partout ses ravages», écrit Jean-Baptiste MARAVAL, dans son «protestantisme au XVIe et au XIXe siècle».  Albi, séjour privilégié des troubadours, patrie glorieuse des plus vaillants héros, avait aussi bien été un lieu de confrontations, de guerres fratricides, de religions, de tant de révolutions, témoin des terribles événements. En raison de ce qui est considéré comme l’hérésie des Albigeois, cela eut des conséquences dramatiques. Les successeurs de Manès, les manichéens appelés les cathares dans l’Albigeois, ou les purs, étaient présents dans l’Albigeois. C’est toujours le problème du mal ou du démon, qui en est la base. Au commencement, il existait deux principes, celui du Bien et celui du Mal et en eux existaient, de toute éternité, la Lumière et les Ténèbres. Du principe du Bien, vient tout ce qui est Lumière et Esprit ; du principe du Mal, vient tout ce qui est Matière et Ténèbres. Aussi, lors de cette croisade des Albigeois, le pays, alors vassalisé par Raymond V (1134-1194), comte de Toulouse et le pays «fut entièrement désolé par la sanglante guerre qu'elle fit naître durant laquelle la plus grande partie de son ancienne noblesse, ou périt, ou fut obligée de céder ses biens à des étrangers. La guerre des Albigeois occasionna la réunion de près des deux tiers de la province à la Couronne», écrit, Claude DEVIC, dans son histoire du Languedoc.

De cette émanation lyrique des effluves du passé, on contemple le fantastique, les actions d'éclat, les dévouements, les amours, les haines, les infortunes, les crimes, les monuments ayant traversé le temps, les bourreaux, mais aussi des héros dont les noms sont parvenus jusqu'à nous. Ainsi, Bernard DELICIEUX (1260-1320), contre ces persécutions, a mené une lutte, sans relâche, contre les inquisiteurs. Il reçut le soutien de divers groupes sociaux, pareurs de draps, marchands, apothicaires, notaires, mais aussi des tonneliers, bouchers, corroyeurs, tandis que ceux qui le combattaient se trouvaient dans les anciennes familles et chez certains partisans convaincus de l'Inquisition. Ses talents d'orateur lui font soulever les foules ; son énergie lui permet de réaliser une ligue anti-inquisitoriale avec Albi et Cordes sur ciel. Mis en accusation par le pape Jean XXII (1244-1334), Bernard DELICIEUX reconnaît, en 1319, sous la torture, avoir favorisé les hérétiques et s'être opposé à l'Inquisition ; ce qui lui vaut d'être condamné à la prison perpétuelle ; il meurt peu après dans son cachot.

Finalement, Albi, avec le temps, ayant tout historisé, adouci et poétisé, est, de nos jours, classé au patrimoine mondial de l’humanité, un très haut lieu de villégiature où afflue un flot incessant de touristes. En effet, les cultes protestants sont encore bien implantés, paisiblement, à Albi. «Les querelles religieuses ne doivent point aveugler. L'historien au point de lui faire nier la part des intérêts et des ambitions dans cette guerre qui fut certainement entreprise par le plus grand nombre pour terrasser l'hérésie, mais qui fut aussi pour beaucoup une occasion longtemps désirée de guerroyer à l'aise sous le manteau de la foi. Depuis longtemps déjà, l'esprit avait corrompu la chair, et, ici comme ailleurs, la civilisation avait conduit à la décadence», écrit, en 1879, Jules ROLLAND.

I – Albi, son centre historique et sa cité médiévale

A l’origine, Albi transformé par des générations successives, était un terrain sillonné par des ravins, entre lesquels s’élevaient des monticules, dont un, dépassant le niveau de la plaine, était le futur centre-ville, le petit mamelon où s’élève aujourd’hui, l’église Saint-Salvy. Avant les invasions celtiques, ce pays a été occupé par les Ruthènes, puis par les Romains. Les premiers chrétiens y installent leur église au IVe siècle. Le Castelviel est le plus ancien quartier, le berceau de la ville. Lors des croisades, le vicomté d’Albi est rattaché au comté de Castres. Au Ve siècle, à la chute de l’Empire romain, devant l’insécurité grandissante, Albi se dote de murailles. À partir du IXe siècle, l’Albigeois, avec les vicomtes d’Ambialet d’Albi, des seigneurs puissants, originaires de la région, développe la ville.

Vers la fin du XIIIe siècle commencèrent à s’élever deux monuments qui font encore la gloire d’Albi : la cathédrale Sainte-Cécile et le palais de la Berbie ou «Bisbia» signifiant "évêque" en occitan, une forteresse construite entre 1228 et 1308. La Berbie, voulue par Durand de BEAUCAIRE, à travers le donjon et le logis seigneurial, protégera la ville par des remparts et  nombreuses portes, dont celle du Vigan, qui disparaitront au début du XVIIe siècle. En août 1629, venu à Albi, le cardinal RICHELIEU (1585-1642) est passé par la porte du Vigan. C’est Bernard de CASTANET (1240-1317) qui posa, le 15 août 1282, le jour de l’Assomption, la première pierre de l’imposante de la cathédrale Sainte-Cécile, témoin des révoltes contre l’inquisition, et sera achevée au XVIe siècle. «Le temple que j’ai décidé de bâtir doit être grand, parce que notre Dieu est grand au-dessus de tous les dieux», dit Saint-Clair, apôtre et évêque du pays albigeois. Sainte-Cécile est la patronne des musiciens. En effet, selon l'histoire, malgré son vœu de virginité, ses parents l'obligèrent à épouser un noble païen nommé Valérien. Pendant le mariage, Cécile s'assit à l'écart, chantant à Dieu dans son cœur ; ce qui lui valut plus tard d'être déclarée sainte des musiciens. La cathédrale Sainte-Cécile ne put être consacrée que le 23 avril 1480, et ne fut entièrement terminée qu'en 1512, c'est-à-dire 230 ans après sa fondation. C’est l’ingénieur, Jean-François MARIES (1758-1851) qui a sauvé la cathédrale de la destruction. Pendant la Révolution, en 1793, les titres de Sainte-Cécile furent tirés de la salle capitulaire où ils avaient été conservés et ont échappé, par miracle, aux flammes. «Je m'empresse de vous avertir que la hache de la destruction est prête à frapper la belle cathédrale d'Albi, qui est un des plus magnifiques monuments que la piété des hommes ait élevés dans le Moyen-âge à la gloire de l'Être suprême. Ce temple majestueux est embelli intérieurement par tout ce que les beaux-arts peuvent produire de gracieux, de riche, d'élégant et de pompeux. Ses voûtes, étonnantes par leur grandeur et leur hardiesse, sont ornées de peintures disséminées sur un beau fond d'azur; elles brillent par l'éclat de l'or qui relève ces peintures - ainsi que les ornements dont les nervures des mêmes voûtes sont enrichies», écrit J-F MARIES, le 5 novembre 1792, au ministre de l’Intérieur et conservateur des monuments.

Appelée initialement «Sainte-Croix», devenue cathédrale Sainte-Cécile, voulue par Bernard de CASTANET, par la solidité et la nudité de ses masses, ses murs lisses, la gravité du style empreint de pesanteur, d’un sentiment profond d’admiration et de surprise, avait aussi pour ambition de devenir un lieu de canonisation du roi Saint-Louis. En effet, Saint-Louis (1214-1270), de retour de sa première croisade d'Orient, était passé par Albi en 1254 ; il y reçut le serment de fidélité des habitants de cette ville. La voûte de Sainte-Cécile fut formée par une nef unique soutenue par des contreforts comprenant deux étages de chapelles, dont les voûtes supérieures en arc d'ogive atteignent à son niveau. Les formes élégantes et sobres de Sainte-Cécile ont suscité l’admiration et la surprise du cardinal RICHELIEU, lors de sa visite, en 1629, à Albi. «Sainte-Cécile, c'est le triomphe de l'Église, l'hérésie vaincue, l'affirmation de la puissance, le symbole de la force, l'hymne de la croisade triomphante. Sainte-Cécile, c'est l'expression du génie au Moyen-âge, l'art avec ses magnificences et ses harmonies», écrit, en 1873, Hyppolyte CROZES. De nos jours, c’est sur son majestueux parvis aussi que le chanteur Sting, de Police, s’y est produit, le 4 juillet 2025.

La vie de Saint Salvi, du temps des règnes de Chilpéric et de Frédégonde, a été magnifiée par l’historien, Grégoire de TOURS (538-594), son contemporain. Salvius ou Salvi, né en 550 au quartier de la Rivière, et mort à Albi le 10 septembre 584, fut un de ces héros, un homme d’honneur, de sainteté, d’une vaste et infinie bienveillance, d’une élévation d’esprit aux nobles instincts. «L'homme, au nom d'honneur, sent en effet remuer quelque chose en lui qui réveille toutes les puissances de son âme. Une fermeté invincible le soutient à cette pensée de veiller sur ce tabernacle pur, qui est dans sa poitrine comme un second cœur où siégerait un Dieu», écrit Hyppolite CROZES. L’église portant le nom de Saint Salvi continue de faire l’objet d’une grande vénération à Albi. «S'il n'excite pas, auprès de l'étranger qui le visite, l'admiration que doit inspirer la vue de la magnifique cathédrale, il doit fixer l'attention de l'archéologue, la curiosité de l'antiquaire, le respect de tous ceux qui honorent la noblesse des origines, les souvenirs du passé. La première origine de l'église de Saint Salvi remonte au sixième siècle, et les transformations dont elle a été l'objet en font un des édifices les plus vénérables et les plus curieux de l'art chrétien dans le midi», écrit Hyppolite CROZES. Comme la plupart des monuments du Moyen-âge, c'est au cloître aux pieds duquel a été bâtie, que l'ancienne église collégiale de Saint Salvi doit son origine. Là s'était établie, vers le milieu du VIe siècle, une abbaye où vivaient des moines et des clercs sous une règle commune ; là, dès les premiers siècles du christianisme. En effet, il avait été fondé un édifice religieux dédié à Saint Saturnin, premier évêque de Toulouse, mort vers 527. Ce temple chrétien prit dans la suite le nom de Saint Salvi, après que son bienheureux patron y eut été inhumé.

Comme toutes les cités anciennes, et jusqu’à la fin du XIIIe siècle au moins, la ville d’Albi s’est construite et successivement agrandie au hasard, sans ordre et sans plan. Jean-François MARIES (1758-1851), ingénieur des ponts et chaussées, a doté Albi d’un plan, avec maintenant neuf grands quartiers. Il a sauvé de nombreux monuments historiques de la destruction. «Toutes ces grandes choses sont l’ouvrage de grands hommes dont le nom et les actes doivent rester gravés dans la mémoire des habitants sensibles aux bienfaits qui ont rejailli sur leur pays», dit l’ingénieur MARIES. L’antique maison commune a été remplacée par un nouvel hôtel de ville acheté en 1728, à Etienne de MARTIN. Le département du Tarn a été créé le 15 février 1790, et le 17 novembre 1797. Albi a remplacé Castres comme chef-lieu de département et la préfecture y a été installée.

Le palais de la Berbie, fortifié avec une structure militaire, une double affirmation de Bernard CASTANET de son pouvoir temporel et spirituel, classé aux monuments historiques en 1862 et au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2010, comme Sainte-Cécile, construit au XIIIe siècle, est l’un des plus anciens châteaux de France, antérieur même à l’édification du célèbre palais des Papes en Avignon. Les prélats ne représentaient pas seulement dans l'Albigeois l'autorité spirituelle, ils avaient, dès le XIIe siècle, étendu leur souveraineté temporelle sur la ville et sa banlieue, à l'exclusion du Castelviel. Leur puissance féodale survécut au Moyen-âge et persista jusqu'à la Révolution. La monarchie avait même accru leurs prérogatives et les évêques d'Albi, devenus archevêques en 1678, s'étaient déjà vu confier le gouvernement militaire pendant les guerres de religion, et la présidence permanente des États de l'Albigeois.

II  – Albi, une ville de célébrités et de gens d’art et de lettres

A – Une ville de gens de renom et d’artistes

Albi, c’est une ville de grandes célébrités qui ont marqué l’histoire de France. Jean-François GALAUP, comte de LAPEROUSE (1741-1788), navigateur et franc-maçon, fils de Victor Joseph de GALAUP (1709-1784) et de Marguerite de RESSEGUIER (1717-1788), est le premier à expérimenter le tour du monde. En effet, il est chargé, le 1er août 1785, par le roi Louis XVI (1754-1793), passionné de géographie, de mener à bien un ambitieux voyage de découverte. «A-t-on des nouvelles de Mr de Lapérouse ?» aurait demandé Louis XVI, en 1793, sur l’échafaud. Avec de nombreux scientifiques à bord des deux frégates «La Boussole» et «L’Astrolabe», il part à l’assaut des mers du sud, en Amérique, en Alaska, au Pacifique, les Philippines, la Chine et Macao, la Corée, le Japon, la Sibérie, l’Europe orientale, l’Australie,  et fait naufrage à Vanikoro. «Que les moindres détails de sa vie soient presque présents à notre mémoire, et que le prestige de la vieille tradition ne l'ait pas encore enveloppé de son reflet poétique, il n'est pas cependant, dans notre pays, de héros plus populaire que Lapérouse. Son caractère chevaleresque, ses aventures merveilleuses, le doute qui plane encore sur le drame lugubre dans lequel il disparut, la douleur de la patrie, les regrets de l'Europe entière, l'ardeur infatigable de ceux qui volèrent, hélas ! en vain, à sa recherche, tout fait de l'illustre navigateur un de ces types glorieux et sympathiques dont la légende merveilleuse reste à jamais dans les traditions des peuples», écrit, en 1886, Louis de COMBETTES LABOURELIE.

Henri TOULOUSE de LAUTREC (1864-1901), artiste peintre, est natif d’Albi le 24 novembre 1864, mort le 9 septembre 1901, au château familial de Malromé, en Gironde. D’une vielle noblesse occitane, il est le fils du comte Alphonse de TOULOUSE de LAUTREC (1838-1913) et de sa cousine germaine, Adèle TAPIE de CELEYRAN (1841-1930). Henri TOULOUSE de LAUTREC dispose, depuis 1922, dans sa ville natale d'un musée qui se trouve dans le palais de la Berbie oud «Bisbia» en occitan, qui a servi de résidence pendant six siècles aux évêques et archevêques d'Albi.  Mort à 37 ans, sa ville Albi a tenu à célébrer sa vision qui depuis longtemps. TOULOUSE de LAUTREC s'était imposé du génie de l'artiste et de la confiance en l'immortalité et la sérénité de son œuvre. Chétif en raison du mariage consanguin de ses parents, estropié à vie, à la suite de fractures du fémur, à deux reprises en 1878 et 1879, jadis peintre et dessinateur maudit, Henri TOULOUSE de LAUTREC est désormais consacré comme un grand dessinateur et peintre, une des gloires artistiques les plus pures de la France. D’une ironie mordante et d’une grande timidité «Certains n'ont vu de lui que sa silhouette gouailleuse, son activité débordante en tous lieux et à toute heure, qui leur paraissait désordonnée : mais cette dispersion, seulement de surface, n'était que la poursuite dans un travail de tous les instants, de ce besoin de comprendre et de saisir les formes des mouvements, de l'action des êtres, hommes ou bêtes», écrit, en 1924, Arsène ALEXANDRE.

Désigné par ses contemporains comme «l’âme de Montmartre», à Paris, où il a résidé, à partir de 1886, Henri TOULOUSE de LAUTREC célèbre le plaisir dans une œuvre qui se veut chronique du Paris nocturne, les prostituées, les bals populaires et les boissons alcoolisées «J'ai acheté ma liberté avec mes dessins» dit-il. Une œuvre colorée où résonnent les pas de danse de la Goulue, vedette du Moulin Rouge, une œuvre épurée qui inaugure l’art publicitaire moderne, en un mot : une œuvre de la Belle époque, de la fêlure et de la compassion pour la marginalité, qui a marqué l’histoire de l’art ! 

B  – Une ville de gens lettres et du féminisme : Antoinette SALVAN de SALIES

La littérature s’est bien épanouie à Albi, notamment depuis le XVIIe siècle. Ainsi, l’abbaye BOYER (1618-1698), dramaturge et poète, ainsi que Michel LECLERC (1622-1691), avocat et dramaturge, quittèrent Albi, respectivement en 1666 et 1645, pour rejoindre à Paris, l’Académie française. Antoinette SALVAN de SALIES (1639- 14 mai 1730), née et vivant à Albi, son grand-père est receveur des tailles, son père Etienne de SALVAN un juge royal sa mère, Anne de TEISSIER, est la fille d’un écuyer. Elle épouse, en 1661, Antoine de FONTIVIELLE, un viguier ou un juge. «Née dans la province, et n’ayant point été à Paris, corriger les défauts de mon langage, comme on allait autrefois corriger à Athènes ceux de la langue asiatique, je ne puis écrire avec la même justesse que Mademoiselle Scudéry», dit-elle.

Devenue veuve en 1672 avec trois enfants, et n’ayant pas voulu se remarier, Antoinette de SALVAN de SALIES, se consacre pleinement à la littérature ; elle savait l’espagnol et l’italien. Son livre, en 1678, «la comtesse d’Isembourg», un récit galant, lui assure une notoriété littéraire, concernant son héroïne Marie-Anne de HOHENZOLLERN, «Elle était grande, blanche et blonde, ses yeux avaient plus de langueur que de feu. La blancheur et l’éclat extraordinaire de son teint ne donnaient pas à ceux qui la regardaient, le loisir, ni la liberté d’examiner si tous les traits de son visage étaient réguliers» écrit-elle. L’autrice, fière de ses origines provinciales, parle de son terroir avec poésie «L’Albigeois est à deux lieues de Paris. Si on l’aborde du côté des montagnes, il se peut qu’il éloigne d’abord par une certaine rudesse ; mais aussitôt qu’on pénètre plus avant cette rudesse ne tarde pas à se fondre, ces angles, ces aspérités, à s’atténuer. La plus riante nature succède bientôt à la plus âpre. La plus jolie vallée du monde ne tarde pas d’inciter à la découverte», écrit-elle. Dans «La comtesse d’Isembourg», ce n’est pas la «Princesse de Clèves», il y a une grande part autobiographique, à la gloire de sa ville natale, Albi «Je passe ma vie dans un petit coin du monde très favorisé du ciel et de la nature, où l’on respire un air tempéré, où les gens ont de l’esprit et de la politesse, et où la joie et les plaisirs règnent dans tous les cœurs», écrit-elle. Après avoir, pendant plus de cinquante ans, gouverné, sans conteste sur l'opinion, Antoinette de SALIES a chanté les charmes d’Albi, qu’elle a peu quitté «Notre ville est au milieu de la plus charmante vallée du monde, qui a assez d’étendue pour avoir tous les agréments de la plaine. Notre ancienne ville est une des plus agréables du Languedoc, pour la pureté de son air, pour la beauté de ses promenades et de ses édifices. La fameuse église Sainte-Cécile est sans doute son plus grand ornement», écrit-elle, dans le Mercure Galant, en 1679.

Catholique fervente, admiratrice du Roi, poétesse, femme de lettres sous Louis XIV, reçue, en 1689, à l’académie de Ricovrati de Padoue, chroniqueuse, épistolière, féministe surnommée la Sapho albigeoise ou la petite muse, Antoinette de SALVAN de SALIES est la fondatrice de la compagnie de la chevalerie de Bonne-foi en 1704, a voulu démontrer l’égalité femmes-hommes «Tous les hommes raisonnables qu’ils pouvaient suivre, sans honte, une route qui ne leur est montrée que par des femmes. L’égalité des sexes ne se conteste plus parmi les honnêtes gens. L’injustice et la jalousie des hommes nous ôtent les moyens de faire connaître tout ce que nous valons. Avec votre permission, vous êtes des usurpateurs, qui, sans aucun titre légitime, vous avez pris possession de l’empire du monde. Les femmes se sont aperçues, il y a bien des siècles de cette usurpation, elles ont fait de temps en temps quelques efforts pour recouvrer leur liberté. Ces illustres Amazones songent à vous détrôner. Les bonnes qualités et les vertus relèvent de l’empire de l’esprit, et non celui de la fortune. Je ne suis que la première disciple d’une secte si considérable, et j’assemble les troupes.», écrit-elle dans la lettre à M. VERTRON. Rompant avec le ridicule de Molière, Antoinette de SALVAN voulait que les femmes soient non seulement belles, mais aussi, et surtout, qu’elles s’affirment «Il ne faut pas qu’on s’imagine que je veux qu’une femme ne soit point propre, c’est-à-dire coquette, élégante, et qu’elle ne sache ni danser ni chanter ; car au contraire je veux qu’elle sache toutes les choses divertissantes ; mais, à vous dire la vérité, je voudrais qu’on eût autant de soin d’orner son esprit que son corps», écrit-elle. En effet, Antoinette de SALVAN de SALIES a opéré une véritable révolution dans les moeurs, organisé une société aimable, polie, à laquelle il fallait désormais comme un aliment indispensable les plaisirs de l'esprit, de la galanterie, et de la conversation, une amitié enjouée entre femmes. «En vérité, si les gens de bon goût savaient se faire un peu entendre, on passerait la vie tout autrement qu’on ne fait, et l’on ne se rendrait pas volontairement l’esclave et la victime d’un monde ingrat et injuste. Nous serons illustres pendant des siècles. Nous avons établi une secte qui va rendre tout le monde heureux.», écrit-elle dans une lettre à Mme la Marquise de Montpelliat, épouse du trésorier du Pape. 

III – Albi et ses quartiers, son carnaval

Le quartier de la Madeleine, situé de l'autre côté du vieux pont, était jadis peuplé par des républicains espagnols ayant fui le franquisme ou des antifascistes italiens opposés à MUSSOLINI. C’était un quartier de tradition ouvrière, en raison jadis de l’exploitation du charbon, d’une minoterie, une vermicellerie et une chapellerie. De nos jours c’est un quartier de belles demeures avec jardin. Il existe d’autres quartiers, comme Cantepau, au nord-est, le Grand-Centre, où se situent la vieille ville et la cité épiscopale, Jarlard-Le Peyroulié, à l’Est, une urbanisation récente, Lapanouse, dont l’expansion démarre au milieu du XIXe, siècle, Le Marranel, un espace d’activités économiques et industrielles, La Mouline, La Renaudié et le Lude.

C’est le vicomte Athon, le même sans doute qui remplaça les comtes à Albi, qui fit bâtir le pont sur le Tarn entre 1033 et 1035.

Albi, c'est le café Pontié sur la fameuse place du Vigan, non loin de l'hôtel de ville et de la préfecture du Tarn. On dit que c'est le plus vieux café de France, avec son style Art déco de l'époque Napoléon III. Il semble, en fait, que ce café remonte à l'année 1782.

Le café Cosy est en plein centre du vieil Albi, une ville bourgeoise et tolérante,  dans une ambiance décontractée et conviviale.

Le Carnaval, ce n’est pas seulement qu’à Rio ou Nice. La ville d’Albi s’est dotée également de cette manifestation festive, et célèbre, tous les ans, au mois de février, depuis 1951. Le 69e carnaval d’Albi s’est tenu du 15 février au 2 mars 2025, sur le thème, «Les extra-terrestres et Cie envahissent la ville».

Références bibliographiques

ALBANES (Joseph, Hyacinthe) CHEVALIER (Cyr, Ulysse, Joseph), Christiana Gallia Novissima : histoire des archevêchés et abbayes, Montbéliard, société anonyme d’imprimerie Montbélliardaise, 1899-1901, 1422 pages ;

ALEXANDRE (Arsène), JOYANT (Maurice), Henri Toulouse-Lautrec, catalogue, Musée d’Albi, 1924, 36 pages ;

ALLAIRE (Roger), Albi à travers les siècles, Albi, Syndicat d’initiative du Tarn, 1933, 105 pages ;

AURILLIAC de (Eugène), Histoire de l’ancienne cathédrale et des évêques d’Alby. Depuis les premiers temps connus jusqu’à la nouvelle église Sainte-Cécile, Paris, Imprimerie royale, 1858, 317 pages ;

BELOT (Léon), «L’ingénieur Mariès, Sa vie, son œuvre», Revue du Tarn, 1913, pages 5-26, 62-191 ;

BIROT (Louis) CHARLES-BELLET (L), Une visite à la cathédrale d’Albi, Albi, éditions du Languedoc, 1936, 88 pages ;

BONNARD (Abel), «Albi», Revue du Tarn, 15 mars 1937, pages 3-8 ;

COLLIN (Léon), préface de, Lettres de Mesdames Scudéry, De Salvan de Saliez, Mademoiselle Descartes, Paris, Léopold Colin, 1806, 293 pages, spéc sur les lettres de Mme SALVAN de SALIEZ, pages 183-273, et une notice biographique pages XXXV-XXXIX ;

COMBETTES-LABOURELIE (Louis, de), Légendes albigeoises, Toulouse, Imprimerie A Chauvin, 1886, 92 pages, spéc sur Lapérouse, pages 73-92 ;

COMPAYRE (Clément), Etudes historiques sur l’albigeois, Albi, Imprimerie Papailhiau, 1841, 578 pages ;

COUROUAU (Jean-François), «L’Occitanie galante : Suzon de Terson et Antoinette de Saliès», in Marie-Madeleine Fragonard, Dominic Glynn, Sylvaine Guyot, Marine Roussillon, sous la direction de, Littéraire. Pour Alain Viala, Arras, Artois Presses Université, 2018, pages 115-118 ;

CROZES (Hyppolite), Monographie de l’insigne collégiale de Saint Salvi, Toulouse, Imprimerie, A. Chauvin, 1857, 154 pages ;

CROZES (Hyppolyte), Monographie de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi, Toulouse, Delboy, Albi, Chaillol, 1873, 364 pages ;

DESVOISINS (Jean), Musée Toulouse-Lautrec, Palais de la Berbie, Paris, La revue française, 1973, 264 pages ;

DEVIC (Claude), Histoire générale du Languedoc, commentaires du Mège, Toulouse, J-B Paya, 1840-1846, 686 pages, spéc pages 195, 347-353, 410-412 ;

FABRE (Robert), «La percée l’Haussmann albigeois», La Dépêche, 18 avril 2014 ;

FELBINGER (Udo), Henri Toulouse-Lautrec : sa vie, son œuvre, Cologne, Konëmann, 2000, 95 pages ;

GAUTHIER (Alain), Albi, cité épiscopale, Albi, Autre Reg’art, 2011, 222 pages ;

GAUTHIER (Alain), The Inquisition at Albi : 1299-1300, New York, Columbia Press, 1948, 322 pages ;

Grégoire de Tours, Histoire générale des Francs, introduction et notes de Guizot, Paris, J. L J, Brière, Vol I, 1823, 479 pages ;

Guided Visit, Sainte-Cécile Basilica, Albi, Apa-Poux, 1997, 54 pages ;

HAUREAU (Barthélémy), Bernard Délicieux et l’inquisition albigeoise (1300-1320), Paris, Hachette, 218 pages ;

JOLIBOIS (Claude, Emile), archiviste, Albi au Moyen-âge : essai sur l’histoire économique de cette ville, Albi, Imprimerie Desrur, 1871, 95 pages ;

KELLY (Susan), The Ghosts of Albi, Leicest, Ulverscroft, 1999, 442 pages ;

LACGER (Louis), Le château des évêques d’Albi, Albi, Syndicat d’initiative du Tarn, 1929, 48 pages ;

LE CLERC (Michel) BOYER (Claude) SALVAN de SALIES (Antoinette) PROTET (Georges), Les grandes écrivains albigeois du XVIIe siècle, Albi, éditions Grand Sud, 2011, 183 pages ;

MARAVAL (Jean-Baptiste), Le protestantisme au XVIe et aux XIXe siècle, sa religion, sa morale, sa philosophie, sa politique, son intolérance, Albi, Amalric, 1899, 389  pages ;

MASSOL (Jean-François), Description du département du Tarn, de l’ancien pays albigeois, Albi, Baurens, 1818, 496 pages ;

NIEL (Fernand), Albigeois et cathares, Paris, PUF, 2000, 128, spéc pages 75-92 ;

PILON (Edmond), «Une précieuse albigeoise au XVIIe siècle, Antoinette de Salvan de Saliès (1638-1730)», Revue historique et littéraire du Languedoc, 15 avril 1944, n°2, pages 130-139 ;

PRADALIER (Henri), Albi, cathédrale, palais de la Berbie, Guide du visiteur, Carcassonne, Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, 1988, 32 pages ;

ROLLAND (Jules), Histoire littéraire de la ville d’Albi, Toulouse, Imprimerie Privat, 1879 425 pages ;

SAHUC (J.), Une voie gallo-romaine : de Béziers à Albi et Cahors, Montpellier, Imprimerie VERNE (Jules), L’expédition de Lapeyrouse SALVAN de SALIES (Antoinette), Comtesse d’Isembourg, Paris, Claude Barbin, 1678, 235 pages ;

SALVAN de SALIES (Antoinette), GOUVERNET (Gérard), Œuvres complètes, Paris, H. Champion, 2004, 509 pages ;

SARRASY (Isidore), Tribulations du contrôleur ou étude sur le vieil albigeois, Paris, Albi, 1862, 288 pages ;

SORIAN (Alain), Guide historique des rues du vieil Alby, Gaillac, Jisedit des Sept-Fontaines, 2011, 144 pages ;

THERY (Julien), «La politique de la terreur. L’évêque d’Albi, Bernard de Castanet (1240-1217) et l’Inquisition», Privat, 2001 pages 71-87 ;

VERNE (Jules), L’expédition de La Peyrouse, préface de Marc Wiltz, Paris, Magellan, 2020, 144 pages ;

VIDAL (Auguste), Albi et ses environs, Nîmes, C.  Lacour, 2001, 170 pages ;

VOS-CAMY (Jolene), «Relations d’Albi : le portrait d’une ville par Antoinette de Salvan de Saliès», Papers on French Seventeenth Century Literature, 2017, Vol XLIV, n°86, pages 71-84.

Albi, le 29 juin 2025, par Amadou Bal BA.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.