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«Congrès du Parti socialiste des 13-15 juin 2025 à Nancy Olivier FAURE, réélu à 50,90%, premier secrétaire sortant, contre Nicolas MAYER-ROSSIGNOL de Rouen. Quelle orientation devant la progression des forces du Chaos ?» par Amadou Bal BA
Olivier FAURE, député de la Seine-et-Marne depuis 2012, a été réélu premier secrétaire du Parti socialiste à 50,9% face à Nicolas MAYER-ROSSIGNOL. Au premier tour, Boris VALLAUD, éliminé avec 17,41%, n'avait pas donné pas de consignes de vote. Olivier FAURE avait recueilli 42,21% des voix et Nicolas MAYER ROSSIGNOL, 40,38%. Toujours là debout, au milieu des tempêtes et des bourrasques, Olivier FAURE a donc pour ambition, de crédibiliser, de mobiliser le PS en vue des grandes échéances à venir, les municipales de 2026, mais aussi les présidentielles de 2027.
Élu à ce poste de Premier secrétaire du PS, le 29 mars 2018, juste après la grande débâcle de 2017, faisant partie des 30 députés ayant survécu à la vague de la Macronie, Olivier FAURE en est à son quatrième mandat. En dépit de la violence des attaques, Olivier FAURE, dans sa résilience, semble avoir triomphé des adversités. Jadis, au cabinet de François HOLLANDE, écrasé par Stéphane LE FOLL, homme discret, parfois donnant l’impression d’être effacé, oscillant entre prudence et audace, il est sorti de la clandestinité. En effet, Olivier FAURE a donc su trouver sa place juste, sur le plan interne, mais aussi dans la relation parfois compliquée, avec la France insoumise. Sa trajectoire politique, marquée par des choix stratégiques audacieux, notamment la participation à la création de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) puis du Nouveau Front populaire, reflète sa volonté constante de rassembler les forces progressistes pour faire front commun face à la montée des extrêmes. «Je ne suis pas ma caricature», dit Olivier FAURE.
Dans ce scrutin très serré, plusieurs observations.
La première, à une étape décisive de l'histoire politique de France marquée depuis la Révolution entre conservatisme et progrès social, quelle orientation choisira le Parti socialiste ? Ce parti, au pouvoir, a toujours hésité entre «l’ambition et le remords», suivant une expression d’Alain BERGOUGNIOUX et Gérard GRUNBERG.
En 1920, au Congrès en raison de l'affrontement violent entre communistes et socialistes, provoquant la scission et donc le départ des communistes, «nous resterons, pour garder la vieille maison (le parti socialiste)», avait dit Léon BLUM.
Cependant, à des étapes décisives de l’histoire de France, socialistes et communistes se retrouveront en 1936, lors du Front populaire, mais aussi, à la suite de la dissolution à la Chirac du président Emmanuel MACRON du 9 juin 2025. Ils arriveront même à congédier par une censure, un coup de tonnerre, le gouvernement de Michel BARNIER.
En revanche, le Front populaire de 2024 s'est fracassé sur le choix du poste de Premier ministre. Pire, les socialistes soutiennent désormais François BAYROU, le théoricien de la submersion migratoire et celui qui a refusé tout débat à l'Assemblée nationale sur les crimes contre l'humanité à Gaza.
La deuxième observation, dans son histoire, le Parti socialiste a souvent traversé des secousses ou des séismes, mais tel un phénix a su, par miracle, renaître de ses cendres.
Il est évident que le rôle de Guy MOLLET et de François MITTERRAND pendant les guerres coloniales et même l'Occupation, avec la francisque de François MITTERRAND et ses accointances avec René BOUSQUET (1909-1993) avait considérablement réduit l'influence du Parti socialiste. C'est le parti communiste, parti des fusillés, au sortir de la Guerre, qui avait une audience considérable. François MITTERRAND, en rénovant le parti socialiste à Épinay en 1971, en s'alliant, à partir de 1974 avec les Juifs laïques de France ostracisés jusqu'ici par une classe politique hypocrite et antisémite (Robert BADINTER Jacques LANG, Laurent FABIUS), mais aussi avec le Parti communiste, avait repris l'initiative en provoquant la première grande alternance de la 5e République le 10 mai 1981.
Lionel JOSPIN, Ségolène ROYAL et François HOLLANDE ont joué des rôles complexes dans l'histoire du parti socialiste.
Lionel JOSPIN, un bon et exceptionnel débatteur dans ses fonctions de premier secrétaire, souffrant du fait que François MITTERRAND préférait Laurent FABIUS, a été un extraordinaire premier ministre. Cependant, il a commis la grave erreur de n'avoir pas veillé à la cohérence de sa majorité plurielle. En effet, depuis lors, le Front national est à chaque fois au 2e tour des présidentielles. C'est une faute politique d'avoir déclaré se retirer définitivement de la vie politique. Quand il a voulu revenir au devant de la scène, son temps était déjà passé. Je lui en veux encore d'avoir boudé les obsèques du président Léopold Sédar SENGHOR.
J'avais suivi la très belle campagne électorale de Ségolène ROYAL en 2007, avec cette grande ferveur des militants et ce grand meeting dans mon 19e arrondissement à l'invitation de Roger MADEC. Ségolène ROYAL qui s'était entourée d'une équipe de campagne électorale très faible avec peu de sens politique et qui s'est éloignée du parti socialiste n'avait pas pensé aux alliances du 2e tour. Quand elle est allée à la veille du 2e tour sous les fenêtres de l'appartement de François BAYROU, elle a trouvé porte close.
François HOLLANDE est la grande déception ; c'est lui qui a plongé le parti socialiste dans la plus grave crise politique. Je me souviens encore de grand meeting avec une grande ferveur au Bourget «Le changement, c'est maintenant !». Il avait promis l’inversion de la courbe du chômage, le droit de vote des étrangers aux élections locales, mais aussi la reconnaissance de l’Etat palestinien. À sa victoire en 2012, le changement est bien arrivé, mais pas celui qu'on attendait : la déchéance de nationalité, la courbe du chômage, Manuel VALLS et Emmanuel MACRON recrutés. Sa campagne dans la région parisienne a été menée par notre ami, Louis Mohamed SEYE, que j'avais accompagné dans les coins les plus reculés de l'île de France. Ce sont d'autres personnes qui ont été promues. Un mépris souverain de la diversité !
Plusieurs démons assaillent le parti socialiste, dans sa recherche d'une orientation politique stratégique cohérente.
Tout d'abord comment le parti socialiste devrait-il se situer par rapport au Bloc central du président Emmanuel MACRON ?
On sait que depuis 2017, une grande partie des socialistes dits réformistes ont rejoint le président Emmanuel MACRON et ne l'ont jamais quitté. Par ailleurs, François HOLLANDE qui a toujours torpillé Olivier FAURE est pour quelque chose dans le gouvernement de François BAYROU ; il y compte ses affichés.
Ensuite quels rapports à entretenir avec la France Insoumise ?
À mon sens, l’ennemi des socialistes ce n’est pas la France insoumise, mais l’extrême droite qui menace la République. Une bonne partie des députés socialistes et même de droite a été élue grâce au front républicain dégagé par Jean-Luc MELENCHON. On va vers des municipales en 2026, placées juste avant les présidentielles de 2027. Or, les forces du Chaos sont revigorées. Le camp gagnera ces municipales aura donc un avantage psychologique considérable en vue de la présidentielle de 2027.
Enfin le parti socialiste souvent recroquevillé sur lui-même s'ouvre peu aux luttes syndicales ou associatives et réserve à la diversité une place cosmétique.
Un des héritages du président Emmanuel MACRON, dans son ni de droite, ni de gauche, il a réussi à dynamiter les grands partis, à les atomiser. Certains, devenus des coquilles vides, marginalisés, sont en état de mort clinique, sont dans un processus de marginalisation avancée.
Depuis la Révolution, depuis deux forces sont en lutte dans ce pays, la République et la Monarchie, le progrès et le conservatisme. «Je suis le dernier des grands présidents ; après moi, il n’y aura plus que des financiers et des comptables», disait François MITTERRAND. La survie et l’autonomie du Parti socialiste est dans cette citation.
Olivier FAURE, né le 18 août 1968, à Tronche en Isère, près de Grenoble, est un métis d’un couple franco-asiatique. Issu d'une famille aux racines diverses et au parcours politique complexe, Olivier FAURE porte en lui une histoire familiale singulière qui a incontestablement façonné sa vision politique et son engagement. D’une fratrie de 5 enfants, son père, Edmond FAURE, agent des impôts syndiqué à la CFDT et membre du Parti socialiste, mais issu d'une famille d'extrême droite qu'il qualifie lui-même de «maurrassienne», et sa mère, Christiane FACHAT, Vietnamienne issue d'une famille de propriétaires terriens, composent un héritage familial riche et contrasté qui éclaire sa trajectoire politique et personnelle. «Je ne suis né ni socialiste, ni républicain. Je suis le fruit d'une union entre un père français et une mère vietnamienne. Mes grands-pères, qui n'ont pas eu l'occasion de se connaître, auraient sans doute mis beaucoup de temps à rompre la glace que l'époque coloniale, les préjugés racistes, la condition sociale, avaient placée entre eux. Que se seraient raconté deux nationalistes que la conscience, les convictions et la vie avaient opposés tout au long des décennies précédentes ? Le premier, héritier de l'Action française, et le second, soutien des Vietminh ?Quoi de commun entre le premier, fils de paysans montagnards, et le second, grand propriétaire terrien ?», écrit, dans «Je reviens te chercher». C’est un livre largement autobiographique, dans lequel alternent entre récits intime, politique, sur sa rencontre avec le socialisme, coulisses des grands moments de la gauche depuis 2022.
Finalement, choisir, c'est renoncer ; j'ai choisi le moindre mal, Olivier FAURE et je lui dit : encore plus d'audace, mon cher Olivier !
Références
A – Livres d’Olivier FAURE
FAURE (Olivier), Je reviens te chercher, Paris, Robert Laffont, 2025, 312 pages ;
FAURE (Olivier), Plaidoyer pour une histoire sociale, Paris, SUP, 2024, 258 pages ;
FAURE (Olivier), Le capital républicain : un droit universel à l’avenir, éditions de l’Aube, 2023, 64 pages ;
FAURE (Olivier), Contre les déserts médicaux : les officiers de santé en France, dans le premier XIXe siècle, éditions Rabelais, 2020, 282 pages ;
FAURE (Olivier), Histoire sociale de la médecine (XVIIIe-XXe siècle), éditions Economica, 1994, 272 pages ;
FAURE (Olivier), Les Français et leur médecine au XIXe siècke, Paris, Belin, 1993, 316 pages.
B – Autres références
BA (Amadou, Bal), «Congrès de Tour, 100 ans après, l’Histoire est un grand juge», Médiapart, 24 décembre 2020 ;
BA (Amadou, Bal), «Michel Barnier, censuré et viré», Médiapart, 4 décembre 2024 ;
BERGOUNIOUX (Alain), GRUNBERG (Gérard), L’ambition et le remords, les socialistes français au pouvoir (1905-2005), Paris, Fayard, 2005, 616 pages ;
BLUM (Léon), Le Congrès de Tours, le Socialisme à la croisée des chemins : 1919-1920, Paris, Gallimard, 1919, réédition 2020, pages ;
GIRAULT (Jacques), 1920 Le Congrès de Tours, Paris, Messidors, 1990, 190 pages ;
GIRAULT (Jacques), Les héritages du Congrès de Tours 1920-1990, Paris, Carrefours de la pensée, 1992, 200 pages ;
OF PRESS, Olivier Faure, parcours d’un homme politique français, L’Aube, 2025, 72 pages.
Paris, le 30 mai 2025 par Amadou Bal BA